La Chronique Agora

La Fed change d'avis

** Hier, nous étions plein de doutes…

* Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus si sûr…

* C’est bien le problème, quand on prend de l’âge. On perd ses rêves et sa jeunesse. On perd aussi ses points de repère. Nous avons déjeuné à la Chambre des Lords hier avec notre vieil ami Lord Rees-Mogg, qui aura 80 ans le mois prochain. Mais voyons plutôt les nouvelles financières.

* Ces derniers temps, c’est Ben Bernanke, chef de la Fed, qui fait les gros titres. Selon le Financial Times, il a brisé une longue tradition en s’exprimant sur le dollar cette semaine. Hélas, la chute du billet vert "a contribué à une hausse malvenue des prix à l’importation et de l’inflation des prix à la consommation", déclarait-il lors d’un forum bancaire international.

* Le président de la Fed veut peut-être un dollar plus fort… ou un dollar plus faible ; ce n’est généralement pas à lui de le dire. C’est le rôle du secrétaire au Trésor. Henry Paulson dit la même chose, bien entendu ; les Etats-Unis veulent un dollar fort. Mais personne ne le croit. Les investisseurs semblent prendre M. Bernanke bien plus au sérieux.

* Ils ont donc vendu les actions suite aux déclarations de Bernanke. Le pétrole a chuté aussi, ainsi que l’or.

* Mais réfléchissons-y un peu. Que pourrait faire la Fed pour protéger le dollar ? Facile… elle pourrait augmenter les taux d’intérêt. Mais si la Fed voulait protéger le dollar, pourquoi a-t-elle attendu aussi longtemps ? Le dollar a perdu près de la moitié de sa valeur depuis 2000, pourquoi n’a-t-elle pas essayé de le protéger plus tôt ?

** Ah, cher lecteur… l’intrigue est devenue un peu complexe. Voyons si nous parvenons à nous en souvenir.

* Durant la période de 15 ans appelée "Grande Modération", les banques centrales ont pu augmenter leurs masses monétaires deux, trois, cinq fois plus rapidement que la croissance du PIB. Normalement, cela provoquerait de l’inflation. Ca n’a pas été le cas parce que les marchés mondialisés… ainsi que quelques autres tendances clé… maintenaient les prix à la consommation au plancher. La monnaie inflationniste passa donc dans des bulles d’actifs… les dot.com, les maisons et l’industrie financière.

* Mais après l’explosion de la bulle immobilière/financière l’an dernier, les prix à la consommation ont grimpé — alors même que l’économie mondiale ralentissait. Tout à coup, le monde a semblé tourner dans la mauvaise direction. Au lieu de maintenir les prix bas aux Etats-Unis et en Europe, la Chine les a augmentés. L’inflation interne de la Chine dépasse les 8%. Et le pays exporte son inflation vers le reste du monde. Les prix à l’importation de la Chine vers les USA augmentent désormais à 4% par an… après avoir chuté d’environ 1% chaque année durant la majeure partie du XXIe siècle. Quant aux importations en provenance du reste de l’Asie, leurs prix chutaient encore durant le premier semestre 2007. A présent, ils grimpent de 4,3% par an.

* Et alors même que la demande des matières premières de base ralentit dans le monde développé, la demande des marchés émergents les rend plus chères. Aïe aïe aïe… la mondialisation n’agit plus pour le bien… mais pour le mal ! A présent, les revenus et les prix de l’immobilier chutent aux Etats-Unis, par exemple — tandis que les Américains sont contraints de lutter contre les Asiatiques pour la nourriture, le carburant et les emplois.

* Les prix des maisons chutent aux Etats-Unis. Les saisies continuent de grimper — surtout dans des endroits comme Las Vegas, qui a l’honneur d’être "la capitale mondiale de la fraude aux prêts hypothécaires".

* Pendant ce temps, Winnebago déclare avoir mis son usine de l’Iowa au ralenti. L’entreprise fabrique des camping-cars de luxe, qui ont remporté un grand succès aux Etats-Unis ces dernières années, permettant aux retraités de prendre la route chaque fois que l’envie les en prenait. Le problème, c’est que les camping-cars sont chers à acheter… et maintenant que le carburant a dépassé les quatre dollars le gallon, très chers à faire fonctionner. En termes réels, le carburant est plus cher qu’il l’a jamais été aux Etats-Unis… considérablement plus cher que les trois dollars qu’il avait atteint (en dollar actuels) en 1981.

* A Wall Street, après le malaise de Bear Stearns s’est évanoui, les autres sociétés financières ont sorti leurs flacons de sels. Mais certaines semblent commencer à avoir le tournis, malgré tout. On dit que Lehman Bros. cherche à lever entre trois et quatre milliards de dollars de capitaux.

* La réponse des autorités à cette situation — jusqu’à présent — a été de baisser les taux, de renflouer les sociétés financières et de distribuer de l’argent (chèques de réduction d’impôts). Cette inflation (accompagnée d’une solide demande en provenance des marchés émergents) s’est faite sentir principalement là où les autorités ne le voulaient pas — dans le pétrole, l’or et les prix des matières premières.

* Mais à présent, les matières premières approchent d’un sommet. Le pétrole semble glisser. L’or aussi. Et les fédéraux parlent de renverser la vapeur — d’augmenter les taux afin de protéger le dollar !

* Est-ce que quelque chose d’important a changé ? Eh bien oui… et non. A suivre…

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