** Nous assistons à une dernière charge désespérée du Capitalisme mûr et dégénéré…
* Le Dow a atteint un nouveau sommet historique cette semaine. Tout ce qui a un prix semble grimper — le pétrole a re-dépassé les 80 $… et l’or a grimpé.
* Cela peut sembler de bonnes nouvelles — du moins pour tous ceux qui souhaitent une série de prix haussiers. La "flation" qui commence par "in" a une longueur d’avance sur celle qui commence par "dé". Cela signifie que le dollar baisse. Et lorsqu’il baisse, il permet d’acheter moins d’actions, moins de pétrole… et moins de nourriture.
* Les prix de l’alimentation grimpent rapidement. Ils augmentent au rythme de 12% aux Etats-Unis. En Chine, ils s’envolent de 18%. Les Chinois sont plus pauvres que les Américains, si bien que la nourriture représente une plus grosse partie des dépenses familiales. Selon les gens qui calculent le taux d’inflation en Chine, la nourriture représente 37% au total.
* Cela met le taux d’inflation officiel en Chine à 6,5%… ce qui est un niveau alarmant. Naturellement, le gouvernement prend des mesures, ce qui a toutes les chances d’aggraver la situation.
* Aux Etats-Unis, parallèlement, les gens dépensent une moins grande part de leur revenu en nourriture… si bien que le taux d’inflation réagit moins aux augmentations du prix du lait et du blé — qui grimpent tous deux à un rythme spectaculaire. De plus, les autorités ne tiennent pas compte d’éléments majeurs — l’énergie et l’alimentation, notamment — dans leurs calculs du "taux central", au motif que… eh bien… le taux aura bien meilleure allure si on ne lui ajoute pas des choses qui augmentent rapidement.
* "Durant les huit premiers mois de 2007, l’indice des prix à la consommation (IPC) — la principale mesure de l’inflation — a grimpé au taux annuel de 3,7%", écrit Daniel Gross. "C’est plus de 50% supérieur au ‘taux central’ de 2,3%. Les prix de l’énergie et de la nourriture grimpent en flèche, à des taux annuels de 12,7% et 5,6% respectivement, et cela dure depuis des années. Résultat, l’IPC — énergie et alimentation comprises — a grimpé de 12,6% depuis juillet 2003, pour un taux composé de 3% environ".
* "Les signes d’inflation sont évidents dans toute l’économie [US]. Lorsque les investisseurs craignent une marée inflationniste, ils s’agrippent au radeau aurifère. Le jour où Bernanke a baissé les taux, le prix de l’or a atteint des hauteurs qu’il n’avait plus fréquentées depuis 1980, lorsque l’inflation atteignait près de 12% ! J’ai lu tout ceci dans un numéro du Wall Street Journal (dont le prix en kiosque a grimpé de 50% en juillet) que j’ai pris dans le hall d’un hôtel new-yorkais (où le prix moyen des chambres a augmenté de 12,5% durant les sept premiers mois de 2007 par rapport à 2006, selon PKF Consulting), tout en sirotant un Frappuccino de chez Starbucks (dont le prix a augmenté par deux fois depuis octobre dernier".
** Mais nous n’écrivons pas pour nous plaindre de l’inflation, aujourd’hui. Non, cher lecteur, ce serait trop facile. Au lieu de cela, nous essayons de comprendre l’Ensemble du Tableau.
* L’inflation prend de la vitesse — tout grimpe, sauf le prix des maisons US. Et la Fed est prête à s’assurer que ces satanés prix continuent de grimper. Tel est le message délivré avec éloquence par le Comité de la Fed le mois dernier, lorsqu’il a réduit le taux directeur de 50 points de base. La vraie question, c’est : est-ce que ça va marcher ? Peuvent-ils garder le "in" devant la "flation" ? La plupart des gens le pensent ; voilà pourquoi ils achètent des actions. Ils sont d’avis que Ben Bernanke a ouvert la voie à une nouvelle hausse des cours boursiers. Ils pensent que le problème du subprime est désormais "contenu". Ils pensent que l’inflation des prix à la consommation est sous contrôle — c’est le président de la Fed qui l’a dit !
* Les choses pourraient aller dans un sens comme dans l’autre, selon nous. Il pourrait y avoir une nouvelle poussée d’"in"flation des prix des actifs — grâce à la politique de la Fed. Le Dow pourrait grimper à 15 000… ou à 20 000, pourquoi pas. D’un autre côté, le prix d’un numéro du Wall Street Journal pourrait atteindre les 10 $.
* Ou pas.
** Depuis le début des années 70, les autorités financières américaines ont suivi une seule méthode : essayer de continuer à faire bouillir la marmite en stimulant la demande de consommation. Le problème, c’est que l’économie n’allait pas vraiment très bien. Après 79, les salaires horaires n’ont pas augmentés en termes réels ajustés à l’inflation. Pour continuer à dépenser, les consommateurs devaient emprunter.
* Dans les années 60, ce sont les emprunts gouvernementaux qui ont mené la charge. Puis, dans les années 80, les emprunts ont été largement privatisés. Dans les faits, les dépenses de consommation étaient subventionnées par des taux de prêts bas. Conséquence : les ménages ont quasiment doublé leur dette per capita.
* La consommation, en tant que pourcentage du PIB, a grimpé à plus de 70%. Durant l’expansion actuelle — depuis 2002 — les dépenses de consommation et la construction immobilière ont constitué entre 90% et 100% de la hausse du PIB. Grâce à l’augmentation des dépenses de consommation, tout en maintenant les taux de main d’œuvre bas, les profits des entreprises ont été raisonnables.
* Bien entendu, tout cela est malsain et instable — au sens économique. Lorsque les gens s’endettent plus, cela leur fait du bien ; c’est comme s’ils obtenaient quelque chose en échange de rien. Lorsqu’il faut rembourser cette dette, cependant, c’est moins agréable. A ce moment-là, ils abandonnent quelque chose… et ne reçoivent rien en retour.
* Mais le but du capitalisme mûr et dégénéré, c’est de rendre les choses plaisantes aussi longtemps que possible… tout en masquant la douleur. Les coûts — l’inflation, la chute du dollar — sont socialisés, distribués parmi des gens qui ne les méritent pas… et qui, pour la plupart, ne comprennent pas ce qui se passe. Ce ne seront pas les débiteurs qui régleront leurs dettes, en d’autres termes… ce seront les consommateurs et les salariés. Les banques centrales renfloueront les spéculateurs et les grandes banques, tout en essayant de s’assurer que la devise de référence baisse. Ce sera bon pour ceux qui ont emprunté et mauvais pour ceux qui ont épargné. Ce sera également mauvais pour quiconque doit acheter de l’essence ou de la nourriture… ou gagner sa vie en dollars. En d’autres termes, ce sera mauvais pour tout le monde ou presque.