La Chronique Agora

La déprime du dollar

** Nous passons des journées agréables à Buenos Aires, à bavarder avec de vieux amis.

* Les Américains sont heureux, ici ; l’Argentine est l’un des rares pays où le dollar ne baisse pas. Vous allez au restaurant et vous êtes agréablement surpris, plutôt que déprimé, comme vous pouvez l’être à Londres ou Paris.

* Comment se fait-il que le dollar et le peso aillent de concert ? C’est en partie parce que le gouvernement Kirchner contrôle le taux de change peso/dollar — en essayant de maintenir le dollar aux environs des 3,15 pesos. Et en partie parce qu’au nord du Rio Grande et au sud du Rio Plata, les deux gouvernements détruisent leurs devises à peu près au même rythme.

* Nous n’avons pas de chiffres pour l’Argentine, mais aux Etats-Unis, le M3 — la mesure la plus large de la masse monétaire — augmente au rythme de 14%, le plus rapide en 35 ans. Il y a 35 ans de ça, le gouvernement américain luttait pour payer à la fois "du beurre et des fusils". En d’autres termes, l’administration Johnson avait décidé qu’elle pouvait mener en même temps une guerre au Vietnam et une guerre contre la pauvreté. Elle a perdu les deux. Et l’un des coûts a été l’inflation nationale, qui a augmenté dans les années 70 pour atteindre un pic à 12%.

* L’or a réagi à cette augmentation de l’inflation en grimpant aussi ; il a été multiplié par 20 — à plus de 800 $ l’once. Imaginez si vous aviez simplement anticipé les conséquences (désormais évidentes) de la décision de l’administration Nixon de séparer le dollar de l’or en 1971. Vous auriez pu acheter de l’or a 50 $ l’once, par exemple… l’enterrer dans le sol… et vous auriez pu battre toutes les autres classes d’actifs ou catégories d’investissement auxquelles nous pouvons penser. Vous auriez évité l’effondrement des valeurs US dans les années 70… la grandeur et la décadence des valeurs japonaises dans les années 80… l’euphorie des dot.com dans les années 90… et la bulle immobilière de 2001-2006.

* Et en vendant votre or à présent… vous auriez 15 fois plus de dollars.

* Mais un instant… pourquoi vouloir détenir des dollars en ce moment ? S’il n’y a pas d’intérêt à détenir des dollars maintenant… QUAND voudrez-vous en détenir ? Et si votre richesse reste simplement enterrée dans le sol, comme un tombeau oublié, à quoi sert-elle, franchement ?

* Vous avez raison, cher lecteur. Mieux vaut jouer les hausses et les baisses des marchés. C’est plus amusant… si c’est votre truc.

** "Les importations pétrolières chinoises grimpent en flèche", nous dit un gros titre.

* Les années 50… les années 60… quelle excellente époque pour grandir aux Etats-Unis ! Vous pouviez conduire un véritable paquebot dans les rues… avec une cigarette dans une main et une bière dans l’autre. Le pétrole de la planète… vous l’aviez quasiment pour vous tout seul. L’acier aussi. Et le caoutchouc. Les trésors provenant de la terre étaient chargés sur des navires et expédiés aux Etats-Unis. Tous les autres étaient soient trop ruinés soit trop désespérés pour pouvoir les utiliser. Les Chinois communistes portaient encore leurs bonnets d’âne… et essayaient de fondre de l’acier sur des grills de jardins. Les Indiens faisaient eux aussi un beau gâchis — et tout le monde pensaient qu’ils finiraient par mourir de faim.

* Il fallait s’inquiéter de maintenir tout ce monde en vie — pas de leur faire concurrence pour des emplois ! Il n’est jamais venu à l’esprit des Américains qu’un jour, tous ces gens prendraient leurs usines et leurs emplois. Dans les années 50 et 60, les Japonais commençaient tout juste à grignoter des parts du marché US. Mais leurs produits étaient encore bon marché, et souvent médiocres. Si vous vouliez de la qualité, il fallait "acheter américain".

* Tout cela a changé. Les enfants qui grandissent aujourd’hui pensent que les produits made in America sont bon marché et médiocres. Ils veulent des voitures fabriquées à l’étranger… et des gadgets provenant eux aussi de l’étranger. Et ils savent que pour chaque Américain se rappelant ce qu’est une équation quadratique, on trouve des centaines… voire des milliers… d’Asiatiques qui peuvent faire les calculs mieux, moins cher et plus rapidement.

* Ils savent aussi que chaque fois qu’ils arrivent à une station-service, on trouve des milliers de Chinois, d’Indiens et autres Asiatiques… qui leur font concurrence sur le même bidon d’essence.

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