La Chronique Agora

La demande d'or et d'argent physiques explose !

Par Emmanuel Gentilhomme (*)

Plus de Gold Eagles… tant on se l’est arraché !
L’US Mint — l’équivalent américain de notre Monnaie de Paris — s’est trouvé fin août à cours d’American Gold Eagles. "Stock épuisé", affirmait-elle. Elle avait alors suspendu les ventes de cette pièce d’une once d’or.

Une situation inédite depuis que l’Eagle est frappé, c’est-à-dire depuis 1986 ! D’autant que, cette année, l’US Mint a déjà frappé 420 000 Gold Eagles, contre moins de 200 000 durant toute l’année 2007. Mais une hausse de 110% n’était pas suffisante !

Alors L’US Mint rationne…
Depuis lors, l’US Mint a repris ses ventes… sous conditions : "la demande sans précédent d’American Gold Eagles d’une once d’or nécessite que nous allouions ces pièces entre les acheteurs agréés sur une base hebdomadaire, jusqu’à ce que nous soyons en état de répondre à la demande", déclarait l’US Mint le 22 août. Chaque lundi, le monnayeur divise son stock d’Eagles disponibles en deux : la moitié est répartie entre les distributeurs et l’autre moitié en fonction de leurs ventes. En clair : c’est du rationnement.

Plus de Silver Eagles non plus… là encore, on rationne !
L’US Mint produit également des American Eagles d’argent, vendus sous ce régime restrictif depuis avril.

Dans un mémorandum adressé à ses distributeurs agréés le 6 juin dernier, l’US Mint écrivait qu’elle manquait de flans (les rondelles d’argent destinées à la frappe) et reconduisait donc le rationnement initié le 21 avril 2008. "Durant les six premiers mois de production de 2008", indique le mémo, "l’US Mint a frappé plus d’American Silver Eagles (10,07 millions) que durant la totalité de l’année 2007 (9,03 millions)".

C’était beaucoup plus, mais pas encore assez…

Et maintenant, plus de Buffalos !
Dans son communiqué du 22 août, l’US Mint renvoyait vers d’autres produits comme l’American Buffalo, une pièce d’une once d’or frappée d’un buffle sur l’avers et d’une tête d’Indien sur le revers.

Mais dès le 25 septembre, les Buffalos ont rejoint les Eagles : malgré une production en hausse de 54% à 164 000 unités depuis janvier, "nos stocks sont épuisés". Et l’US Mint de renvoyer vers les Eagles d’or, d’argent — toujours rationnés — et de platine.

Et en Europe ?
D’autres pays aiment à produire des pièces. En Afrique du Sud, le fondeur-affineur Rand Refinery, détenu par les grands mineurs d’or du pays, frappe depuis 1967 un Krugerrand d’une once d’or, du nom du premier président boer — Paul Kruger — et de la devise du pays — le rand.

Le 28 août, Rand Refinery se déclare à court de Krugerrands en raison d’une commande "inhabituellement importante" de 5 000 pièces de la part d’un client suisse non-identifié.

Bloomberg indique qu’en Europe, le fondeur-affineur allemand Heraeus "a mis en place une liste d’attente pour les lingots d’or sur laquelle la durée d’attente peut atteindre deux semaines" !

Amélioration limitée
Et aujourd’hui ? Dans sa note du 23 septembre dernier, Heraeus indique qu’"une demande massive d’investissement et des achats importants de joaillerie" ont redonné des couleurs au métal jaune. Sans oublier l’argent : "les investisseurs privés allemands sont de retour. Leur produit préféré : les lingots de cinq kilos", écrit Heraeus.

La pénurie de lingot d’argent persiste
Contactés par l’Edito Matières Premières & Devises, les courtiers d’Heraeus évoquent (le 29 septembre) une "légère amélioration" de la disponibilité des lingots d’or. Mais à propos de la demande de lingots d’argent, leur analyste en chef, Wolfgang Wrzesniok-Rossbach, ajoute "qu’il y a toujours pénurie et que le délai de livraison est d’au moins quatre semaines", en raison de "capacités [de production] limitées".

En France, fin septembre, le cours du Napoléon a de nouveau dépassé la seule valeur de l’or qu’il contient — la fameuse "prime de pièce" –, du moins d’après les prix de CPR Or.

Pénurie de "physique" à géométrie variable
La planète finance est très fragilisée, d’autant que l’onde de choc américaine a déjà atteint le Vieux Continent et ses grands noms, comme HBOS au Royaume-Uni, Hypo Real Estate en Allemagne ou encore Fortis et Dexia au Benelux…

Quand la peur du risque systémique bancaire atteint de telles proportions, la demande de métal précieux s’envole. Les "ETF précieux" en témoignent : le numéro un mondial des ETF argentifères, l’Américain iShares Silver Trust, a ajouté 900 tonnes de métal blanc entre juillet et septembre et rassemble aujourd’hui 7 000 tonnes (+55% en un an). Numéro un des ETF aurifères, le SPDR Gold Shares enregistre 725 tonnes (+25% sur la même période).

La demande de métal "au détail" déborde toutes les prévisions
Ces ETF utilisent des barres de métal de grande taille (typiquement 400 onces pour l’or et 1 000 onces pour l’argent) à usage monétaire ou industriel, qui ne manquent pas. A l’inverse des "petits produits" (lingotins et pièces) que s’arrachent des particuliers toujours plus nombreux.

Récente, cette demande de métaux précieux "au détail" déborde toutes les prévisions. D’où des goulets d’étranglements au niveau des intermédiaires — raffineries, ateliers de frappe et négociants — et le retour des "primes de pièces", qui peuvent dépasser largement 10% pour celles d’argent.

Soyez donc attentifs aux prix affichés.
[NDLR : Et pour acheter de l’or physique sans problèmes, une seule adresse…]

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à L’Edito Matières Premières & Devises.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile