** "Les investisseurs internationaux, en réalisant l’affaiblissement relatif de l’économie américaine, vont sûrement se demander pourquoi ils détiennent le plus gros de leur capital en dollars"… a récemment noté The Economist, "le déclin du dollar s’élève déjà au rang de la plus grosse faillite de l’histoire, celle qui aura liquidé plus de capitaux étrangers que n’importe quel marché émergent".
– Pour nous Américains, l’analyse peu flatteuse de The Economist peut paraître dure et injuste. Mais le reste du monde se soucie de moins en moins de ce que nous, Américains, ressentons. Le reste du monde déteste l’idée de perdre de l’argent, tout comme n’importe quel Américain. Ce qui fait que, quand les investisseurs étrangers voient la valeur de leurs investissements libellés en dollars s’écrouler, ils deviennent un peu grincheux. Et quand ils deviennent très grincheux, ils vendent leurs capitaux libellés en dollars et vont investir ailleurs.
– Ils emmènent leur capital vers des marchés et des juridictions qui le traitent avec plus de gentillesse. Ils l’emmènent là où les bénéfices sont plus grands et les déceptions plus petites.
– Le capitalisme à l’américaine est devenu une association étrange de combines financières et de cajoleries gouvernementales. Très peu d’entreprises produisent quelque chose, si ce n’est des produits dérivés du crédit et des communiqués de presse. Cette situation n’aurait rien de grave si les dérivés avaient une quelconque valeur et si les communiqués de presse contenaient un minimum de vérités. Au lieu de quoi l’économie américaine passe de l’avarice à la déception, puis au désastre, et de nouveau l’avarice, sans jamais éliminer les défauts et les escrocs responsables des problèmes.
– Mais alors que nous devrions faire sauter des têtes (façon de parler), nous indemnisons avec des parachutes dorés de plusieurs millions de dollars ; alors que nous devrions réguler le marché, nous continuons à le faire monter ; alors que nous devrions laisser tomber les spéculations idiotes, nous inventons de nouvelles façons de financer ces spéculations idiotes.
– Mais le chemin vers le salut et le rajeunissement économique est semé d’embûches ; il faut commencer par dire la vérité et fixer des prix réalistes.
** HSBC Holdings, par exemple, la plus grande banque européenne en matière de valeur sur le marché, a accepté d’absorber 45 milliards de dollars de capitaux des SIV qu’elle contrôle. En d’autres termes, la grande banque a accepté de porter la responsabilité, pour une valeur de 45 milliards de dollars, de titres adossés à des actifs (ABS) douteux.
– A contrario, Citigroup a refusé d’assumer la responsabilité directe des 83 milliards de dollars d’ABS douteux qu’elle contrôle à l’intérieur de ses SIV. La plus grande institution de prêt américaine a préféré concocter une ruse "Super SIV" élaborée, dont le but est de jeter les détritus de ses combines financières mal conçues dans un coin, là où la lumière de la révélation totale et de la responsabilité ne brillera jamais.
– "J’aime beaucoup ce qu’a fait HSBC", commente Ed Ketz, professeur associé de comptabilité au Smeals College of Business à l’Université de l’Etat de Pennsylvanie. "C’est une solution très simple. Une solution transparente. On peut y voir une promesse de liquidités. C’est une chose qui, en ce qui me concerne, donne un sentiment de confiance. Citi pourrait aller loin en suivant cet exemple".
– John Cisielski, éditeur de la lettre d’information spécialisée The Analyst’s Accounting Observer, est d’accord : "Avec quelqu’un comme HSBC qui se dévoile, qui joue la transparence… Citi et les autres ont tout à coup des airs de conspirateurs, ils ont donc tout intérêt à faire de même".
– Mais les manœuvres que l’on a observées chez Citi ces derniers temps ne laissent pas penser que ce soit dans leurs intentions. Au contraire, Citi se consacre entièrement à entretenir la tromperie et à attacher des cordons de sécurité. Tard jeudi dernier, Citi a accepté de céder une partie de ses parts à Abu Dhabi Investment Authority, pour 75 milliards de dollars — une vente de recapitalisation qui leur permet de n’admettre aucune crise, de ne reconnaître aucune erreur, de n’éliminer aucun poste exécutif, de ne réduire aucune prime exécutive, et de ne résoudre aucun problème. Cette vente ne fait qu’allonger le statu quo — un statu quo inepte et brisé — un système qui nourrit la médiocrité corrompue, tout en dilapidant le capital des actionnaires et en repoussant les efforts économiques légitimes.
– Au fur et à mesure que les trucs et astuces de Citi fonctionnent, l’économie américaine sombre. Aucune économie des pays développés ne peut évoluer à partir de la manipulation des cours, des sauvetages d’urgence et des tromperies. La plus grande banque des Etats-Unis ne devrait pas s’associer au secrétaire du Trésor pour jouer ce jeu de "cache les déchets toxiques". Elle devrait plutôt reconnaître très vite ses erreurs, réduire le prix de ses prêts impayés, et lancer la croisade pour remettre des liquidités dans le système financier.