La Chronique Agora

La Chine, notre avenir ?

Chine

Face aux bulles et aux déséquilibres actuels du système, la Chine a adopté une politique radicalement différente de celle de l’Occident. Va-t-elle réussir là où la Fed (et d’autres) a échoué ?

La Chine n’est pas un monde à part, ce qui se passe là-bas mérite votre attention. Toute votre attention.

Pas uniquement pour les effets de contagion, lesquels sont bien plus grands que ce que les commentateurs le reconnaissent.

Le système chinois est certes original, mais il est inséré dans le système mondial. Il en est une partie vitale, non seulement en termes de fabrication et de chaîne d’approvisionnement, mais aussi en termes d’immobilier, de matières premières, de finance et de monnaie.

La Chine joue un rôle majeur dans la production de ce que j’appelle le surplus, la plus-value mondiale qui sont le réservoir de profits dont s’alimente notre capital.

Nous sommes dans un ensemble global opaque, interconnecté avec de nombreuses zones d’ombres.

Nous sommes dans un régime monétaire, dit Bretton Woods II (BW II), qui est en train de s’effondrer sans que qui que ce soit en prenne conscience. La Chine est le second volet de ce système moribond, tué par les crises qui se succèdent depuis 40 ans ; le système BW II ne survit plus par le recyclage des déficits comme ce fut le cas dans le passé, il survit par l’accélération de toutes les formes de création monétaire, par les monétisations.

Pensez-y, je ne rigole pas. Nos systèmes sont aussi déséquilibrés, aussi pourris, aussi bullaires, aussi fragiles que le système chinois. Si l’économie chinoise tangue, se corrige ou mute, cela aura nécessairement des conséquences pour nous.

Futur et caricature

Je soutiens que la Chine est notre avenir et notre caricature, que tout ce qui s‘y passe peut et même doit se passer en Occident. Bien sûr, comme je le dis, ce sera sous une forme plus douce ou plus enrobée. Exemple : nous importons le crédit social et la montée de l’autoritarisme.

Allons-nous adopter certains éléments de la stratégie des autorités chinoises afin de réduire les fragilités de nos systèmes financiers, économiques, politiques ou sociaux, je me pose la question.

Nous souffrons des mêmes maux : la généralisation des bulles, par exemple, l’amplification d’inégalités inacceptables, la perte de légitimité des gouvernements et des fractures sociales du populisme, etc.

Attention, poser les questions comme je le fais n’est pas y répondre. Nos élites et leurs gouvernements peuvent très bien être aveugles aux nécessités et passer à côté de tout, c’est possible, mais si cela se produit ce ne sera pas sans conséquences.

Les problèmes sont là, et ils sont là pour durer, même si on ne les traite pas.

Les autorités chinoises ont l’intention de briser la psychologie spéculative. Elles orchestrent une purge, un nettoyage de la pourriture – certains diront un « moment Volcker ».

C’est une décision à haut risque. Les responsables chinois ont perçu un danger, ils souhaitent prendre les devants et gérer, piloter une dislocation plutôt que de la subir.

Ainsi, Pékin tente un processus contrôlé de déflation de ses bulles. L’originalité de la démarche est que Pékin a une vision du tout. Pékin a compris que tout allait être bousculé, déstabilisé : l’économie, la banque, les marchés, la société, la politique.

Xi Jinping a donc décidé de prendre le taureau par les cornes et de tout corseter, tout contrôler. Xi a décidé d’attacher les ceintures. Et de refaire alliance avec le peuple contre les bourgeois – d’où le renforcement des structures du Parti communiste et de son emprise, d’où la reprise en mains idéologique et sociétale.

Je pense qu’il s‘agit d’un nettoyage contrôlé de la pourriture.

Vont-ils réussir ?

Nous avons déjà assisté à un renflouage de Huarong et à une certaine tolérance pour Evergrande.

Dans son ensemble, la stratégie de la Chine est similaire aux efforts de la Fed à la fin des années 1920 : essayer de resserrer le financement des activités spéculatives, tout en encourageant/soutenant les prêts pour l’investissement productif.

Cela n’a pas fonctionné pour la Fed à cette époque.

Est-ce que les autorités chinoises peuvent réussir cette manœuvre délicate là où la Fed a échoué ? C’est possible mais ce n’est pas acquis.

La question est : peut-on nettoyer chirurgicalement les abcès et la gangrène par simples amputations locales ? Je vous dirais que j’en doute parce que je pense que tout est imbriqué et que tout est faux, tout est dans tout. Tout est bidon aussi bien en Chine qu’ailleurs, mais je suis ouvert…

Nous sommes dans les phases finales d’un grand cycle spéculatif alimenté par le cycle du crédit qui a commencé en 1945. La Chine, si je ne me trompe pas dans mon interprétation, accepte de considérer cette fin et s’y prépare.

L’Occident, sous la conduite des Etats-Unis, ne semble pas vouloir suivre le même chemin et veut pousser encore, pousser malgré les risques.

Qui a tort, qui a raison ?

En fin d’un cycle spéculatif majeur, on est dans le Minsky pur, la spéculation à effet de levier devient la source principale de crédit et de liquidité du système. On ne peut plus supporter le moindre ralentissement dans la production de crédit, c’est marche ou crève.

Si les bulles vacillent, le désendettement qui en résulte assure une contraction du crédit spéculatif dévastatrice.

La Chine essaie de tenter l’expérience d’un dégonflement partiel, est-ce praticable ?

L’Occident essaie de pousser encore les feux, est-ce raisonnable ?

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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