La Chronique Agora

La Chine à la rescousse de l'économie mondiale

** Le monde entier se tourne vers les Chinois : "guérissez-nous !"

* La Chine, avec sa population tapageuse… sa croissance tape-à-l’oeil… et ses politiciens à la main de fer… représente l’espoir mondial pour une reprise rapide.

* "La Chine sera la première à sortir de la crise", déclare notre vieil ami Jim Rogers. Jim a misé sa fortune, sa réputation et son avenir sur deux choses : les matières premières et la Chine.

* Bien entendu, l’un ne va pas sans l’autre. Si la Chine peut continuer à se développer, elle demandera de plus en plus de matières premières. Les prix du blé, du fer, de l’étain, du charbon — et d’à peu près tout le reste — grimperont à mesure que le niveau de vie de la Chine augmente. Ou pas.

* La Chine n’a même pas besoin de devenir plus riche pour utiliser plus de matières premières. Tout comme son voisin safran au sud, l’Inde, sa population est si vaste, et augmente en proportion si gigantesques, qu’elle lutte rien que pour tenir le rythme. 1% de croissance démographique, ce n’est pas beaucoup. Mais 1% de 1,3 milliard, c’est 13 millions de personnes — c’est-à-dire la totalité de la population de sans-emplois aux Etats-Unis.

* On pense que le Royaume du Milieu, comme on l’appelle, a un avantage dans la lutte contre la dépression. Il n’a pas à lutter contre les législateurs républicains, les libertaires civils et les gens raisonnables de toutes sortes. Si les rouges veulent faire quelque chose — aussi inspiré ou crétin que ce soit — ils peuvent en général le faire.

** Mais il y a là un embranchement sur notre chemin. Et nous allons le prendre. Nous ne suivons pas les événements en Chine de la même manière que Jim. Peut-être a-t-il raison ; peut-être que la Chine sera la première à s’en sortir. Mais nous avons le sentiment que William Pask pourrait lui aussi avoir raison. Selon lui, l’idée que la Chine puisse tirer le monde hors de la dépression est "pure fantaisie".

* "Les exportations chinoises perdent 25% alors que la demande disparaît", titrait le Financial Times. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Rappelez-vous, c’est une dépression, non une récession. Durant une récession, les consommateurs font une pause… les demandes chutent… et les exportations déclinent. Mais ce n’est que temporaire… et non catastrophique.

* Suivons la piste des exportations pour voir si nous pouvons comprendre ce qui tourne mal.

* Voyons… voilà l’usine de Quangzhou. Hmmm… elle a réduit son planning de production. Et voici un camion qui quitte les lieux… il n’est qu’aux trois-quarts plein. Les commandes ont chuté… Il arrive à Hong Kong. Là, on s’aperçoit que le planning d’expédition a lui aussi été réduit (tout comme le coût)… radicalement. Une fois le conteneur mis à bord, le bateau lève l’ancre et part. Deux semaines plus tard — il navigue plus lentement qu’autrefois, pour économiser le carburant et réduire les dépenses — il arrive à Long Beach… où il est rapidement déchargé ; le conteneur est mis dans un camion qui l’emmènera à l’entrepôt, où il sera ouvert et son contenu distribué à d’autres camions qui le porteront chez des détaillants dans tous les Etats-Unis. Tout ce processus prend moins de temps qu’il y a quelques mois — simplement parce qu’il y a moins de trafic et moins de retards à chaque étape. Lorsque les marchandises sont mises en rayons, on trouve moins d’acheteurs pour les regarder, et encore moins pour les acheter.

* Et c’est là que se trouve la source des ennuis de la Chine… et la raison pour laquelle elle ne peut pas se remettre rapidement. Elle a mis en place une économie destinée à fournir des produits finis à des étrangers. Ces étrangers ne peuvent plus et ne veulent plus acheter comme autrefois ; ils n’ont plus l’argent. La bulle du crédit a éclaté. C’est terminé.

* Eh bien… peut-être que les Chinois pourraient prêter de l’argent aux consommateurs américains ? Ah… c’est là le piège. Les consommateurs américains ont plus de deux fois la dette qu’ils portent en général. La dernière chose qu’ils veulent, c’est encore plus de dette. Ils ont vu combien il est difficile de rembourser — surtout lorsqu’on perd son emploi. Le chômage aux Etats-Unis dépasse déjà les 8%. Il sera probablement au-delà des 10% d’ici la fin de l’année. Chaque point de pourcentage représente 1,5 million de personnes qui n’achètent plus autant de produits chinois.

* Alors peut-être que les Chinois pourraient fabriquer des choses pour leur propre population ? Oui, ils le pourraient… et ils le feront. C’est bien ce qui fait de la situation actuelle une dépression et non une récession. Toute la structure de l’économie doit changer. Sur la photo accompagnant l’article du Financial Times, par exemple, on voit une usine de Pékin fabriquant un tiers des violons de la planète — quasiment tous sont exportés. Evidemment, les Chinois pourraient décider de se mettre en masse au violon. Mais ce genre de changement culturel prend du temps. Ou l’usine pourrait décider de se mettre à fabriquer des placards. A nouveau, c’est possible… mais ça prend du temps. Et l’ajustement est douloureux. Les fabricants de violon doivent être formés. Beaucoup d’entre eux se feront licencier alors que l’usine cherche une nouvelle ligne de produits. Sans revenus, peut-être fera-t-elle faillite… avant d’être rachetée aux enchères par un fabricant de placards.

* Tel est le processus de destruction créative décrit par Schumpeter. Un secteur est détruit pour qu’un autre puisse être créé. Voilà ce pour quoi sont faites les dépressions. C’est ce à quoi nous sommes tous confrontés en ce moment — y compris la Chine. Peut-être même surtout la Chine.

* Mais les Chinois ne pourront-ils pas le faire plus rapidement — puisque les communistes sont toujours au pouvoir ?

* Oh, cher lecteur… c’est notre coeur que vous piétinez, lorsque vous nous posez une telle question ! Si nous avons appris quelque chose, ces 100 dernières années, c’est que les économies à la commande ne marchent pas très bien. Comparé au libre-échange — avec son intelligence élégante et ses informations infinies — la planification centrale est maladroite, empotée et, au final, improductive. Les commandants sont invariablement des idiots. Et les commandés passent leur temps et leur énergie non à faire ce qu’on leur demande, mais à trouver des moyens d’éviter de le faire.

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