** Ben Bernanke s’était rendu célèbre quelques années auparavant (en 2001) en évoquant le largage de dollars par hélicoptères en cas de nécessité — il faut dire que les Etats-Unis possèdent des machines à double rotor capables de transporter un autobus. Alors imaginez la masse de billets de 100 $ que l’on pourrait y enfourner !
J.C. Trichet n’a ni barbe poivre et sel ni sens de la formule. Mais il semblerait que le patron de la BCE ait empoigné le levier d’une grosse pelleteuse pour déverser par dizaines de milliers des liasses de 100 000 euros dans n’importe quel fourgon bancaire venant se garer devant les agences de la banque centrale, avec l’ordre de n’en repartir que chargé à bloc.
En effet, la BCE avait organisé une sorte de journée « portes ouvertes » où il suffisait à n’importe quel établissement de crédit de la zone euro de présenter un document authentique — liste d’actifs offerts en garantie — pour obtenir sans limitation toute somme jugée nécessaire afin d’assurer le cours normal de ses activités.
La BCE avait estimé les besoins courants à 180 milliards d’euros, un montant un peu plus élevé que la moyenne, mais qui n’a rien de très exceptionnel s’agissant d’une opération de prêt à court terme, — les échanges interbancaires sont quotidiennement bien plus considérables. Cependant, en faisant ses comptes en milieu de matinée, elle reconnaissait avoir alloué pas moins de 348,6 milliards d’euros (93% de plus que prévu !) à un taux de 4,21% jugé franchement « cadeau ». C’est de saison, puisque Noël sera célébré dans une toute petite semaine !
** L’effet d’annonce avait redonné un coup de fouet à des indices boursiers bien moroses en début de matinée. L’euphorie est vite retombée, cependant, comme si les marchés devenaient victimes d’un phénomène d’accoutumance aux bonnes nouvelles ou se mettaient à rechercher les causes de tant de générosité de la part des banques centrales.
Les places européennes alignent donc une seconde séance de repli consécutif — 0,1% pour le CAC 40 et 0,22% pour l’Eurotop 100 — pour un repli global de 4% en l’espace de quatre séances. Avouez que cette dernière semaine précédant la trêve des confiseurs reflète de moins en moins le schéma classique du rally de fin d’année que beaucoup d’opérateurs nous promettaient.
Le CAC 40 éprouve beaucoup de difficultés à échapper à l’attraction des 5 500 points. Après un premier test tôt dans la matinée, l’indice était parvenu à se hisser vers 5 580 points (1,2%) peu avant l’ouverture de Wall Street. Mais au final, revoici les vedettes de la cote en territoire négatif (0,1%) tandis que le SBF 80 continue de dévisser : 0,8% lundi, 4,9% en cinq séances et 7%, depuis le 1er janvier.
La cause de cette évolution pour le moins contrariante était à rechercher du côté de Wall Street, où les principaux indices s’étaient retournés à la baisse — 0,5% au bout de deux heures de cotations — après une entame de séance positive (0,7%), conformément aux attentes.
Dans un premier temps, les investisseurs américains s’étaient presque réjouis d’une baisse de 3,7% — inférieure aux prévisions — des mises en chantiers de logements neufs (1,19 million d’unités en novembre) tandis que les permis de construire ont baissé de 1,5% à 1,15 million d’unités (plus bas niveau depuis 14 ans).
** La banque d’affaires Goldman Sachs avait agréablement surpris les analystes en annonçant en pré-ouverture une hausse de 14% de son produit net bancaire ainsi qu’un résultat record de 11,6 milliards de dollars pour l’exercice 2007 (clos le 30 novembre dernier). Mais le titre a dérapé de 5% après une hausse initiale de 1%.
Dans le détail des chiffres communiqués mardi, les analystes ont détecté une plus-value exceptionnelle de quatre milliards de dollars, liée à des opérations spéculatives sur les dérivés de crédit. Goldman Sachs n’a fait que parier à la baisse sur des lignes de créances subprime, ce qui a permis de neutraliser une partie des pertes encourues sur cette activité (et quid de la consolidation des véhicules hors bilan ?).
Wall Street doute que cela suffise à compenser l’effet des dépréciations d’actifs qui ne manqueront pas d’être effectués au premier trimestre de l’exercice 2008.
Les gérants de portefeuilles sauront-ils mettre entre parenthèses leurs inquiétudes du moment pour se lancer enfin dans les traditionnelles opérations cosmétiques d’habillage de bilans de fin d’année ?
Pour l’heure, ils ne se montrent guère déterminés à tirer les cours à trois jours de la fameuse séance des « Quatre Sorcières ». Et pourquoi se précipiteraient-ils alors que le Nasdaq 100 affiche une très honorable performance de 15% tandis que le Dow Jones engrange environ 6% malgré la chute de 50% de Citigroup ou de J.P. Morgan ?
Philippe Béchade,
Paris