La Chronique Agora

De la joie à la catastrophe

La déroute des obligations s’aggrave et l’empire recule : qu’adviendra-t-il du dollar ?

« Les tensions géopolitiques très élevées posent des risques importants pour l’activité économique mondiale. » – Jerome Powell, la semaine dernière.

Nous n’avons aucune raison d’abandonner notre hypothèse selon laquelle le monde financier a basculé à l’été 2020… et que désormais, les derniers seront les premiers…

Nous avons vu la façon dont le marché obligataire a été renversé, le crédit le plus sûr au monde – l’obligation à 10 ans du Trésor américain – ayant perdu 40% de sa valeur réelle. Mais nous n’avons pas assisté à un effondrement massif du marché boursier. La valeur des actions est seulement rongée par l’inflation.

Si certains pensent que les obligations devraient rebondir, que l’inflation pourrait marquer une pause et que les actions pourraient augmenter, la tendance principale risque, en réalité, de rester la même pendant de nombreuses années, avec des rendements obligataires en hausse, des actions en baisse et une inflation fluctuante, mais qui ne disparaît pas.

L’effet de spirale

Cette nouvelle tendance primaire nécessitera des ajustements à grande échelle, notamment la suppression de milliers de milliards de dollars d' »investissements » qui ne pourront jamais être rentabilisés. C’est ainsi que va le monde… Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, à condition d’être du bon côté lorsque les ajustements sont mis en place et que les autorités n’aggravent pas la situation.

Or, c’est exactement ce qu’elles font. Plutôt que de réduire les dépenses et les emprunts, le Congrès poursuit son chemin vers la catastrophe. Business Insider rapporte :

« L’offre d’obligations du Trésor pourrait bientôt atteindre des niveaux record, les déficits insoutenables et les taux élevés créant un effet de spirale, selon Bank of America

‘La hausse des taux d’intérêt aura probablement un impact significatif sur les dépenses de déficit et entraînera une augmentation des émissions d’UST, créant un effet de spirale. Les problématiques liées à l’offre sont de plus en plus importantes, dans un contexte de coûts de financement plus élevés.’ 

Le déficit de 1 700 milliards de dollars de l’exercice 2023 dépassant les attentes, Bank of America a ajusté ses perspectives pour les années à venir : entre 2024 et 2026, les déficits devraient augmenter régulièrement, passant de 1 800 milliards de dollars à 2 000 milliards de dollars.

Dans le même temps, les paiements d’intérêts nets représenteront une part croissante du PIB, atteignant un niveau record de 3,5% en 2026. »

Ce qui nous amène à notre thématique du jour. Il s’agit de la « suite de l’histoire » à laquelle nous avons fait allusion. Plusieurs tendances intrigantes et dangereuses se dessinent ; d’autres « tendances primaires ».

Des bombes qui éclatent dans l’air

L’industrie de la puissance de feu américaine fait déjà tout ce qu’elle peut pour continuer à tuer en Ukraine et en Israël.

L’année dernière, Poutine et Zelensky étaient apparemment prêts à entamer les négociations. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont insisté pour que la guerre se poursuive. La semaine dernière, le Brésil a proposé un cessez-le-feu à Gaza. La plupart des Nations unies y étaient favorables. Mais les Etats-Unis ont opposé leur veto. Et voilà que Joe Biden exige 105 milliards de dollars de puissance de feu supplémentaire.

L’erreur est tellement grande qu’il ne peut s’agir d’une erreur. Lors de la première guerre mondiale, en 1916, l’Angleterre, la France et l’Allemagne étaient déjà épuisées par deux années de guerre. Vouées à elles-mêmes, elles n’auraient eu d’autre choix que de trouver un accord de paix. Les Etats-Unis sont entrés dans la danse, avec une réserve presque inépuisable d’argent frais, de soldats, et d’illusions… et la guerre s’est poursuivie pendant deux années et environ 10 millions de morts supplémentaires, ce qui a conduit à la révolution bolchevique en Russie et à la montée du nazisme en Allemagne.

Aujourd’hui, sans le soutien des Etats-Unis, les armes cesseraient probablement bientôt de faire des dégâts en Ukraine, et en Israël également.

Mais la situation est fondamentalement différente aujourd’hui. Les Etats-Unis étaient à l’époque la jeune puissance montante du XXe siècle. Aujourd’hui, selon nos estimations, le pays est en déclin.

César gériatrique

Un grand empire a ses sueurs et ses craintes nocturnes. Ses aristocrates et ses hommes politiques craignent d’être devancés, surpassés et éclipsés par des concurrents arrivistes. Ils envoient leurs navires de guerre… ils offrent leurs pots-de-vin… ils constituent leurs garnisons – comme le pauvre Limanei romain grelottant sur les rives du Danube ou le pauvre Charles Gordon mourant de faim à Khartoum en attendant qu’on lui coupe le cou.

La perte inévitable de la puissance américaine est une sorte de tendance primaire en soi. L’insécurité augmente… à mesure que les coûts de la fausse sécurité augmentent (de plus en plus de dépenses financent la sécurité d’hier… les pensions militaires, l’entretien des systèmes d’armement existants, les prestations aux anciens combattants, les intérêts sur la dette liée à la défense, etc.).

Mais les véritables risques qui pèsent sur les Etats-Unis ne sont ni en Chine, ni en Israël, ni en Ukraine. Ils sont chez eux, et sont d’ordre financier et politique, soit habituels, et prévisibles. Les Etats-Unis dépensent plus qu’ils ne peuvent se le permettre. S’ils continuent, ils s’exposeront à davantage d’inflation, de faillites et de faiblesses.

Le déclin de la puissance américaine s’accompagne d’un déclin du leadership américain. Ceux qui détiennent le pouvoir sont à peine capables d’élire un président… et lorsqu’ils le font, ils choisissent l’un des plus grands imbéciles de la sphère politique. Comment pourraient-ils s’attaquer à des compromis difficiles ? Ou affronter les pouvoirs en place qui se cachent derrière les gros titres détournant toute l’attention publique ?

Joe Biden a déclaré que « le leadership américain est ce qui maintient la cohésion du monde ». Si cela était vrai, alors le monde devrait attacher sa ceinture. Heureusement, les déclarations de Joe Biden ne sont que le bla-bla d’un César gériatrique, d’un empire dégénéré.

Seul un petit groupe de républicains s’est montré intéressé par le fait de réduire les dépenses de l’Etat. Et même eux sont profondément troublés par leur désir de maintenir l’empire en vie à tout prix. Financer l’Ukraine… financer Israël… financer une nouvelle guerre contre la Chine ! Résultat : aucune réduction sérieuse des coûts n’est jamais envisagée et aucun effort sérieux n’est fait pour « équilibrer le budget ».

En fait, il n’y a pas de budget à équilibrer… juste une série de « projets de loi de dépenses »… qui nous mènent vers le chemin de la catastrophe.

Le désastre financier est si clair, si évident et devient si imminent que seuls des imbéciles pourraient ne pas l’avoir vu venir. Pourtant – et il s’agit de l’un des grands mystères de la démocratie moderne – « le peuple » en a élu 450.

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