▪ Nous sommes au royaume d’Ubu. Tout ceci n’est que de l’enfumage. Désolée, cher lecteur, mais la crise européenne est en train de se transformer en piège mortel. Voyons de plus près pourquoi.
▪ 50%, et alors ?
Les banques ont accepté volontairement une décote de 50% sur les dettes grecques qu’elles détiennent. Traduction : elles acceptent, sous la pression politique, que la Grèce ne leur rembourse pas la moitié de ses dettes.
J’insiste sur le « volontairement ». Si les banques sont d’accord pour s’asseoir sur leur argent, les assurances contre le non-remboursement de ces dettes (les CDS) ne se déclencheront pas. Or une des principales craintes en cas de défaut désorganisé de la Grèce était le déclenchement de ces fameux CDS qui auraient obligés banques et assureurs à sortir des milliards qu’ils n’avaient pas pour payer les compensations dues aux créanciers lésés.
Oui mais voilà, cette décote de 50% n’est pas vraiment le problème :
– Premièrement, parce que la Grèce est effectivement en situation de faillite. Ce n’est pas 50% de sa dette qu’elle ne peut réellement pas rembourser, c’est la totalité, ou presque, de ses créances. La Zone euro, la BCE et FMI devront bientôt de nouveau trouver une solution pour les dettes restantes.
– Deuxièmement, parce que, au fond, la Grèce n’est pas vraiment le problème. Non, le véritable problème, c’est les autres pays de la Zone euro dont l’économie et les dettes pèsent bien plus lourd.
Quel est le message envoyé par l’accord de cette nuit au Portugal ou à l’Irlande ? Pas très bon pour des pays qui ont fait le choix de la rigueur et qui en paient lourdement le prix. Pour rappel, l’Irlande s’est lancée il y a plusieurs mois déjà dans une politique de rigueur budgétaire sans équivalent actuellement dans la Zone euro. Choix qu’elle paie lourdement (chômage, baisse du niveau de vie, chute de la consommation…).
▪ L’Europe sans le sou
Les dirigeants de la Zone euro espèrent, avec l’accord de cette nuit, rassurer les marchés.
Oui mais voilà, au vu des sommes engagées pour soutenir la Grèce — et de celles qui seront nécessaires pour aider les autres pays de la Zone euro qui en ont besoin — le seul véritable moyen de rassurer les marchés seraient de prouver que notre appareil à créer de la richesse (de la croissance) fonctionne toujours.
Je le disais il y a quelques jours dans La Quotidienne, la croissance du PIB est en recul partout en Europe : « la croissance européenne est atone, comme l’expliquait hier Frédéric Laurent à ses lecteurs dans Vos Finances : ‘en interne, l’optimisme prévaut : nos dirigeants anticipent une croissance de 1,5%. Or, d’après l’avis unanime des économistes notre croissance serait à peine de 1% L’Allemagne qui attendait 1,8% de croissance est revenue plus sagement sur 0,8%. Et pourtant elle est considérée comme étant le moteur de l’Europe…' ».
L’Europe n’a plus un sous vaillant, et aucun moyen de produire de la richesse. A part l’endettement ou la création monétaire.
▪ Angela, celle qui dit non
Rien ne la fait changer d’avis, Angela Merkel s’est de nouveau fermement opposée à ce que la BCE soit autorisée à imprimer de la monnaie pour financer les plans de soutien et le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Une position qui est très largement soutenue par les Allemands. Merkel n’a donc aucune raison de céder sur ce point.
Il va donc falloir trouver de l’argent, et vite.
▪ De la fumée, pour cacher l’incendie
« ‘Le sommet a permis d’adopter les éléments d’une réponse globale, d’une réponse ambitieuse, d’une réponse crédible à la crise que traverse la Zone euro’, a déclaré Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse dans la foulée de l’annonce de l’accord. Et d’ajouter : ‘il s’agit de décisions lourdes que personne n’aurait imaginé il y a un an. La France réclamait la convergence, c’est ce qui a été décidé. La France voulait éviter le drame d’un défaut, c’est ce qui est fait. La France souhaitait un fonds européen avec un effet de levier, c’est ce que nous avons fait également' ». (Passage extrait du Figaro)
Passons sur le début de la déclaration : « une réponse crédible à la crise que traverse la Zone euro » (nous verrons bien), pour nous intéresser à cette déclaration : « la France souhaitait un fonds européen avec un effet de levier, c’est ce que nous avons fait également ».
L’idée derrière tout cela est la suivante : le FESF va rapidement avoir besoin de plus d’argent. Où va-t-il le trouver ? Pas auprès des Etats de la Zone euro qui sont de plus en plus réticents à payer pour les erreurs des autres (ils ont leurs propres erreurs à assumer). Certains gouvernements veulent donc augmenter la capacité financière du FESF grâce à un effet de levier : on emprunte plus pour gagner plus.
Vous n’avez rien compris ? C’est normal. Nos gouvernements essaient de nous enfumer pour nous faire croire que la situation est sous contrôle mais surtout pour masquer que nous sommes dans une impasse face à un énorme mur de la dette.
▪ Rendez-vous avec la Chine
Paroxysme de cette grande mascarade, la Zone euro a décidé de faire appel à la Chine pour l’aider à payer la note de la crise de la dette.
A vrai dire, il ne reste plus grand monde assez riche pour nous prêter. L’Europe, non, les électeurs ne veulent plus payer. Les Etats-Unis ? Ahahah. Le Japon ? Re-ahahah. Le Brésil ? Il a clairement fait savoir qu’il ne prêterait pas un sous aux Européens via le FESF (à la limite par le FMI…).
En véritables nouveaux pauvres, nous ne sommes même plus capables d’assumer nos propres dettes, nous allons maintenant faire appel aux nouveaux riches pour nous sauver. Les responsables européens vont aller mendier (je ne vois pas d’autres termes) de l’aide auprès de la Chine.
Que va demander l’empire du Milieu en échange ? Car s’ils décident de nous aider, ils ne le feront pas sans contreparties. On sait qu’ils sont intéressés par prendre des participations ou racheter des infrastructures et de la logistique en Europe — en partie pour faciliter leurs exportations. La Chine a ainsi mis la main sur le port du Pirée près d’Athènes.
Que demanderont-ils cette fois-ci ? Des châteaux producteurs de grands vins ? Des mines grecques ? Des ports ? Une participation dans Airbus ? De l’or ? De nouvelles règles commerciales ?
Et si la Chine refusait ? Après tout, elle a aussi ses propres problèmes — qui ne sont pas mineurs. L’Empire du Milieu a certes des réserves financières mais est confronté à la fois à une inflation difficile à contrôle, à une bulle de l’immobilier et à un fort endettement interne (les régions chinoises). Ajoutons à cela qu’elle a déjà son lot de créances douteuses avec son énorme tas de bons du Trésor.
Peut-elle vraiment refuser ? Nous verrons bientôt. Quelles seront les conséquences ? Pas bonnes du tout pour nous…
[NDLR : Pas de panique, nous avons des solutions pour vous, cher lecteur — que nous allons vous dévoiler sans tarder. Restez à l’écoute…]