▪ Pré-requis : en mathématiques, en sciences et en technologie, apprendre est une chose linéaire. Chaque idée se construit sur les innovations qui ont été trouvées avant elle. En politique et en économie — comme en amour et dans la guerre — nous continuons à commettre encore et encore les mêmes erreurs stupides.
Première pièce à conviction : une édition du Financial Times parue il y a quelques jours nous propose sa vision de l’expérience mise en place par le Japon avec le capitalisme démocratique : le Premier ministre japonais Shinzo Abe "a lancé la ‘troisième flèche’ de son programme de redressement économique". J’ai lu l’article pour vous, pas la peine donc de perdre votre temps. Je vous épargnerai les traits d’esprit rebattus qui émaillent le texte.
"Le Premier Ministre japonais Shinzo Abe", rapporte le Financial Times (FT), "a terminé ce mercredi la description dans les grandes lignes de son plan de réformes économiques. Il a promis d’assouplir les règles régissant la vente de médicaments prescrits sans ordonnance et de permettre à certaines villes de bénéficier d’un impôt allégé et d’une réglementation assouplie. Ces propositions entrent dans le cadre d’une large ‘stratégie de croissance nationale’ que le gouvernement devrait approuver la semaine prochaine".
Il était temps ! Quelqu’un va enfin faire quelque chose pour cette pauvre économie japonaise.
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Les marchés actions et obligations japonais ont connu une envolée folle. Les rendements ont augmenté malgré le fait que la Banque du Japon achète pour 68 milliards de dollars d’obligations d’Etat japonaises par mois et que le Nikkei a chuté de 20% depuis son plus haut du 22 mai — entrant officiellement dans un marché baissier.
▪ Trois flèches…
A présent, cette "troisième flèche" de baisse d’impôts et de dérégulation ajoute la munition à pointe creuse au carquois de M. Abe.
"Si cela est nécessaire à la croissance", a déclaré M. Abe, "je suis prêt à faire face à n’importe quel obstacle".
"Jusqu’ici, M. Abe a déployé une liste d’objectifs mais a donné peu de détails sur les délais dans lesquels ils seront atteints", peut-on lire dans le FT. "Il souhaite doubler les revenus agricoles, le tourisme et l’investissement étranger direct, tripler les exportations de transport et d’équipements de production d’électricité, et booster les investissements des entreprises de 10% par an".
Voici comment CNN Money décrit le plan d’Abe :
"[Il] comprend des dépenses publiques coordonnées, un stimulus par la banque centrale et des réformes économiques structurelles".
"L’idée est que ces mesures pousseront les prix vers le haut et mettront fin à quinze années de déflation, conduisant la troisième économie mondiale vers une croissance plus ferme".
"Le programme a permis d’affaiblir le yen et a significativement stimulé les bénéfices des exportateurs. Tout cela a fait exploser à la hausse l’indice Nikkei".
"La volatilité a laissé les investisseurs dans le doute : les décideurs peuvent-ils réussir cet exercice de haute voltige tout en évitant les embûches inhérentes à une croissance stimulée dans le pays le plus endetté au monde ?"
Les détails peuvent être confus mais j’ai l’impression que nous avons déjà vu cette trajectoire auparavant.
Les critiques de la révolution par l’offre avaient surnommé ce plan Reaganomics… aujourd’hui au Japon, il est nommé Abenomics. A mon avis, le résultat rimera de la même façon.
▪ … ou quatre pieds ?
J’ai récemment interviewé Lewis Lehrman chez lui dans le Connecticut. Lehrman a été l’une des "éminences grises" lors des discussions qui, à l’époque, ont conduit à la politique économique qui selon le gouvernement Reagan permettait d’entrer dans une nouvelle ère de prospérité et réparerait la catastrophe de la décennie précédente. Il pensait que la réforme économique nécessitait quatre "pieds" — des impôts faibles, une réglementation assouplie, des budgets équilibrés et une monnaie saine.
"Les quatre pieds de la table devaient être construits en même temps", m’explique-t-il. "Avec seulement deux pieds, par exemple la réforme fiscale ou la dérégulation, on aurait obtenu une table très instable". L’analogie de la table convient très bien à la situation actuelle du Japon. La configuration pour la chute est la même mais les enjeux sont plus élevés.
A la fin des années 1980, les Reaganomics augmentèrent la dette américaine à plus de 40% du PIB — un fait que Reagan lui-même déplorait. "Il disait que l’une de ses plus grandes déceptions", raconte Lehrman, "fut qu’il avait été incapable de maîtriser le budget".
Si Abe continue l’analogie — réduisant les impôts et assouplissant les règles mais n’arrivant pas à équilibrer le budget ni à produire une monnaie saine — il dépassera sans doute Reagan dans le domaine des regrets. Le graphique ci-dessous résume bien la situation du Japon :
Allez dans un centre commercial, achetez pour un montant représentant deux fois votre revenu annuel et voyez ce qui arrive.
Mais si vous posez la question à un professeur d’économie, il vous dira que ce n’est pas la même chose car les pays ne meurent pas. Ils n’ont pas besoin de rembourser leur dette de la même façon qu’un individu.
Nous verrons bien quelles seront les répercussions sur le long terme sur les marchés obligataires. Il en ira de l’Occident comme du Japon.