▪ ll y a des moments où l’on a envie de tout envoyer promener ; par exemple lorsque le niveau d’imbécilité de la sphère politique dépasse les limites du concevable.
Nous faisons référence à des prises de position qui trahissent sans conteste le désir égoïste de quelques caciques de se faire mousser médiatiquement en flattant les plus bas instincts de leur électorat. Peu importe les conséquences à l’échelon européen, pourvu que cela leur procure quelques points de mieux dans les sondages.
Il n’est pas dans nos ambitions de démontrer l’infaillibilité définitive de nos analyses et préconisations économiques, ponctuant notre propos de « yzonka » ou « ifodréke ». Pourtant nous succombons à cette supplique : « il faudrait qu’ils se taisent ».
A plus forte raison s’ils n’ont aucune solution à proposer !
A plus forte raison si leur crispation dogmatique est d’une telle stupidité que nous n’aurions pu la retenir comme hypothèse de travail, même pour un « scénario du pire. »
Tout simplement parce que vous nous auriez rétorqué que des dirigeants politiques ne sauraient ressembler à ce point à ce que certains caricaturistes dépeignent.
Parce qu’ils ne sauraient s’enferrer dans l’erreur — vent debout — face à des évidences qui discréditent leur posture.
Le psychodrame du relèvement du plafond de la dette américaine (qui a plombé les marchés durant tout le mois de juillet) a prouvé que le divorce entre la position politique — à visée électoraliste — et l’intérêt supérieur de la nation était consommé.
Le Congrès US a failli récidiver en frôlant l’infamie. En effet, fin septembre, le groupe républicain a menacé de subordonner — pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis — l’indemnisation des victimes de l’ouragan Irène à des mesures d’économies sur les dépenses sociales. Un compromis bancal a finalement été trouvé in extremis en jouant sur un décalage d’échéance budgétaire.
▪ Nous avons connu une série de cinq lundis gris foncé sanctionnant l’enlisement du dossier grec face à une opposition systématique d’une partie du personnel politique allemand à toute mesure susceptible d’éteindre l’incendie qui ravage le système bancaire européen. Et comme si ça ne suffisait pas, l’entourage d’Angela Merkel a remis ça jeudi puis vendredi dernier.
Histoire d’en remettre une couche, ce dimanche, un porte-parole de la CSU — le principal parti allié de la Chancelière — appelait à une sortie de la Grèce de l’Europe (voir notre commentaire de lundi).
Comme les marchés partaient en vrille en Asie (-4,3% à Hong Kong) puis dès l’ouverture en Europe (avec un CAC 40 à -3% au bout de 10 minutes, un DAX 30 à -4%), nos gouvernants qui sont soi-disant « au taquet » sur la question de la dette grecque se sont empressés… de ne pas démentir les propos cacophoniques et hautement nuisibles à la crédibilité de la Zone euro proférés durant le week-end.
Et les marchés de conclure : « qui ne dit mot, consent ».
▪ La clôture des places européennes (-1,9% en moyenne) avait été moins désastreuse qu’on pouvait le redouter eu égard à ce qui précède. Cela est en partie dû à la matérialisation de quelques gains symboliques à Wall Street en début de matinée, mais les indices américains ont rebasculé dans le rouge à partir de 18h, pour se mettre à dévisser dès l’heure du déjeuner.
Le Dow Jones s’est vite retrouvé sous le support des 10 700 points, le S&P 500 sous le plancher annuel de clôture des 1 120 points. Le Nasdaq est passé sous les 2 350 points (autant de supports testés à plusieurs reprises depuis début août), dans le sillage des valeurs bancaires américaines dont l’exposition sur les actions et les dettes souveraines de la Zone euro commence à effrayer certains stratèges.
Morgan Stanley avait plongé de 11% vendredi soir pour ce motif. D’autres géants du secteur bancaire l’ont rejointe lundi soir, comme Citigroup et Bank of America.
Wall Street, qui avait mal entamé la séance (-0,7%) vu l’ambiance de plomb régnant de l’autre côté de l’Atlantique, s’est un peu rassurée vers 16h avec la croissance de l’activité du secteur manufacturier. L’indice ISM s’est redressé à 51,6 alors que les économistes tablaient en moyenne sur un léger repli à 50,5.
Autre nouvelle pour le moins inattendue, les dépenses américaines de construction ont augmenté de 1,4% au mois d’août en comparaison séquentielle, alors que le consensus attendait une baisse de 0,2%. La récession semble prendre son temps aux Etats-Unis.
Mais Wall Street commence à perdre patience face à la cacophonie européenne. Les politiques allemands s’acharnent à convaincre les marchés qu’il n’y a aucun espoir de renforcement du Fonds ni de changement de statut visant à le doter d’une capacité d’intervention plus étendue.
L’Europe ira droit dans le mur et c’est tout le système financier mondial qui ira au tapis si rien de positif ne sort des prochains pourparlers franco-allemands. La chute des indices boursiers ce lundi pourrait bien constituer le « dernier avertissement ».
Paris a chuté de 1,85%. Seul le début de l’année 2001 avait été aussi mauvais (-2,15%) ; le début du troisième trimestre 2010 avait été pire — -3% le 1er juillet… mais le mois s’était heureusement conclu par une hausse globale de 6%, le plus forte des deux dernières années.
▪ L’histoire risque de ne pas se répéter cet automne, à en juger par un final sur les marchés américains à faire ruisseler de sueurs froides un roi du bluff au poker.
Les indices américains s’étaient repositionnés au-dessus de leurs supports annuels à un quart d’heure de la clôture mais une vague de ventes agressives sortie de nulle part a fait plonger les indices de 0,5% au cours des trois dernières minutes. Il s’agit là d’un trou d’air sans précédent depuis début août.
Le Dow Jones a perdu 100 points en 10 minutes et 70 points entre 21h57 et 22h01. Le S&P a dévissé de 2,85%, sous le seuil des 1 100 points. Les enfers ont semblé s’ouvrir sous les pas des investisseurs suite à la propagation d’une nouvelle rumeur (non confirmée naturellement) de démission de Georges Papandréou en provenance d’Allemagne. Il est difficile de déterminer si la source est 100% allemande mais elle a été relayée par l’édition en ligne du Financial Times Deutschland.
S’il s’agit d’une fausse rumeur, elle aura brillamment fait échouer le rebond technique du dernier quart d’heure et permis simultanément de démontrer la vulnérabilité des supports estivaux. Ces derniers ont été enfoncés avec une facilité déconcertante ; un enseignement que ceux qui orchestrent l’effondrement des places européennes depuis début juillet — en surfant sur l’incurie du personnel politique germanique — feraient bien de méditer.
S’ils s’avisent d’exploiter cette situation technique nouvelle qui semble leur sourire, c’est un effondrement systémique auto-réalisateur qui risque de couronner leurs efforts: est-ce là le but qu’ils poursuivent fondamentalement ?
Ce serait un fusil à un seul coup car une fois les marchés, l’Europe puis rapidement l’économie américaine au tapis, il n’y aurait plus de moutons à tondre. Il n’y aurait tout simplement plus personne pour leur servir de contrepartie, y compris pour leur verser les gains qu’ils auraient réalisés à la baisse.
Vertigineux non ?