La Chronique Agora

Investir en Russie : un bon calcul ?

richesse

▪ Octobre est en chemin. Les excès de liquidité disparaissent. Les actions américaines sont en territoire "à vendre", avec des PER dépassant les 20. Soyez prudent.

Le monde de l’investissement est divisé en trois. Une partie est aristotélicienne, cartésienne, pythagoricienne — c’est un monde de logique et de calculs. Qui calcule le mieux sort gagnant.

Une autre partie est socratique. Le monde de l’investissement, comme le reste du monde, suit des règles. C’est-à-dire que lorsqu’on fait "mal" quelque chose, on en paie les conséquences. Oubliez de payer votre amende de stationnement… et vous le regretterez probablement. Laissez traîner un râteau dans le jardin, les dents en l’air, et vous êtes presque assuré de marcher dessus. Achetez une valeur chère, recommandée par un courtier que vous ne connaissez pas, basé à Chypre, et vous perdrez probablement de l’argent.

C’est vrai aussi dans un sens plus large. Une économie qui s’enfonce trop profondément dans la dette devra en subir les conséquences. Aucune dose d’assouplissement quantitatif ou de taux zéro ne fera disparaître lesdites conséquences. Cela ne peut que les fausser et les déplacer.

Ce qui ne signifie pas pour autant que les règles morales suivront à chaque fois le déroulement attendu. Tuer, c’est mal. Mais si on avait éliminé certain peintre amateur à Vienne dans les années 20, le monde ne s’en serait pas forcément trouvé plus mal. De même, tous les paris insensés ne tournent pas à la catastrophe. Pourtant, vous vous en tireriez mieux en pensant que ce sera le cas.

La dernière partie du monde de l’investissement est tout simplement complètement imprévisible et inconnaissable

Enfin, la dernière partie du monde de l’investissement est tout simplement complètement imprévisible et inconnaissable. M. le Marché fait des bêtises de temps en temps ; il rend les moralistes fous et pousse les logiciens à boire.

▪ Que faire aujourd’hui ?
Un investisseur moyen ne bat pas les indices — même pas de loin. Ce qui amène les partisans de l’efficience des marchés à dire : "achetez simplement un fonds indiciel. On ne peut pas faire mieux que le marché".

Mais nous sommes d’avis qu’il y a un bon et un mauvais moment pour acheter. "Acheter bas, vendre haut" est la règle de base. Les valeurs américaines sont désormais chères. Shiller met le PER des valeurs US à 26 — bien au-delà de notre limite de 20. Que faire ?

Le problème avec notre système — achetez quand les PER sont à 10 ou au-dessous, vendez quand ils dépassent les 20, pour rappel — est qu’il est à trop long terme pour la plupart des gens. Il nous a poussé hors du marché boursier à la fin des années 90. Nous n’avons jamais reçu le signal de revenir. En mars 2009, le PER a chuté à 13. Nous avons attendu. Il fallait qu’il atteigne les 10 avant que nous nous repositionnions. Il ne l’a jamais fait.

Nous sommes donc personnellement resté hors du marché boursier américain pendant près de 20 ans… manquant deux gros marchés haussiers. Qui voudrait faire ça ? Peu de gens.

▪ Que faire quand on est sorti du marché depuis deux décennies ?
Eh bien, trouver des marchés qui ne sont pas aussi coûteux. Comme la Bourse russe ! Là-bas, le PER est sous les 6.

Vous pensez sans doute : "hmmm… les valeurs russes sont traîtres. Tout le monde le dit. Et avec les sanctions, elles pourraient aller bien plus bas". L’un de nos propres sagaces lecteurs nous avertit :

"La marge de baisse pour les actions russes est encore de 100% par rapport aux niveaux actuels. Mathématiquement, c’est la perte maximum qu’on encourt en achetant des valeurs russes. Cela s’est produit une fois ces 100 dernières années — quand les bolcheviques ont fermé le marché boursier en 1917… Si les valeurs russes chutent de 10% supplémentaires, il vous faudra un rebond de 20% pour rentrer dans vos frais ; et si elles perdent 20%… Dans la mesure où les marchés américains n’ont jamais perdu 100% tandis que les marchés russes si, d’une perspective historique, les valeurs américaines, même à 20 fois les bénéfices, sont probablement un meilleur investissement que les valeurs russes (et peu importe s’ils utilisent un système comptable fiable). Attendez un peu que la Russie ferme son marché aux investisseurs étrangers, émette des contrôles de capitaux et que les ADR et ETF tombent à zéro".

Nos calculs (aussi primitifs soient-ils) nous disent qu’on obtient plus de valeur pour son argent en Russie

Il a peut-être raison. Mais nous ne prétendons pas savoir ni ce qui se passe vraiment actuellement… ni ce que cela signifiera pour l’avenir. Ni en Russie ni aux Etats-Unis. Tout ce que nous savons est que nos calculs (aussi primitifs soient-ils) nous disent qu’on obtient plus de valeur pour son argent en Russie.

Notre règle "morale" nous dit qu’on ne gagne pas d’argent en spéculant sur l’avenir. On gagne de l’argent en investissement avec sagesse dans le présent.

Et nous sommes d’avis que M. le Marché a pour objectif de tourner autant d’investisseurs que possible en ridicule… Or pour l’instant, il y a bien plus d’investisseurs hors de la Russie que dedans.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile