La Chronique Agora

Investir à bon escient dans une start-up

investir dans une startup

Lorsque vous investissez dans une jeune entreprise non cotée, des fonds ont mis ou vont mettre au pot, pour des raisons différentes, qu’il vous est utile de connaître.

Régulièrement, les médias mettent en avant les start-up qui ont levé des fonds importants. C’est même à se demander si l’essentiel n’est pas le montant collecté, plutôt que l’activité de l’entreprise et l’innovation qui va lui permettre de terrasser la concurrence.

Vous pourriez être tenté vous aussi d’investir quelque argent dans ces entreprises qui lèvent des millions d’euros, en partant du principe que si des fonds injectent de telles sommes, c’est bien parce le projet est sérieux et le retour sur investissement assuré.

Encore faut-il savoir ce que cherchent ces fonds en investissant dans une start-up. Car la levée des fonds est là pour servir le projet et la croissance de l’entreprise, mais celui qui investit de l’argent poursuit également son propre intérêt.

Les principaux types de fonds

Examinons tout d’abord les types de participation existants. Les plus connus sont sans doute les business angels (BA).

Le business angel est une personne physique – cadre, dirigeant d’entreprise, entrepreneur, en activité ou retiré des affaires – qui a décidé d’investir une partie de son patrimoine dans des entreprises. À l’origine, les BA apportaient les fonds d’amorçage. On s’aperçoit aujourd’hui que le soutien des BA aux projets en démarrage est de moins en moins répandu. Ils ont tendance à demander un début de chiffre d’affaires avant d’investir.

Ce repositionnement des BA est probablement dû à l’explosion du nombre de créateurs d’entreprises recherchant des business angels pour leur tour de table. Il est aussi la résultante d’échecs qui ont rendu les BA plus circonspects dans leurs choix. De fait, 5% à 8% des dossiers reçus par les BA donnent lieu à financement de leur part.

Il n’est pas rare que les BA se regroupent en clubs régionaux ou thématiques. Environ 80 existent en France, regroupés par France Angels.

Deuxième acteur, le venture capitalist (VC). En français, on parle de « capital-risque » plutôt que de venture capital, mais les initiales VC se sont plus ou moins imposées dans le langage de la finance.

Derrière les VC se trouvent des professionnels qui ont créé et gèrent des fonds. Ils ont convaincu des investisseurs de leur confier une partie de leur argent pour huit à dix ans. Pour cela, le gestionnaire de fonds va promettre un retour sur investissement alléchant.

Le venture capitalist s’appuie sur une équipe qui va chercher les bons dossiers et suivra leur évolution tout le temps que les fonds resteront investis. Pour se rémunérer, le VC prend un pourcentage des fonds investis et un pourcentage des plus-values réalisées avant que celles-ci soient reversées aux investisseurs.

Cousin germain du précédent, le corporate venture capital (CVC) est un fonds d’investissement en capital-risque créé par une société privée, le plus souvent un grand groupe, qui finance des entreprises par des prises de participation minoritaire.

La différence entre VC et CVC tient au fait que ces derniers investissent généralement dans des structures de leur propre secteur d’activité. Ils poursuivent, en fait, des objectifs stratégiques : ils effectuent ainsi une veille, cherchent à éviter de se faire « ubériser » en tentant de capter les nouveaux business models.

Par exemple, le CVC de Danone, Danone Manifesto Ventures, a pris en 2016 une participation de 40% dans Michel & Augustin.

Le private equity s’apparente au venture capital mais il en diffère sur plusieurs points. Le principal, pour le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, est que le private equity délaisse en général les start-up pour se consacrer à des entreprises matures souvent sous-évaluées, qui connaissent des difficultés ou qui souhaitent se développer.

Quant au family office, il a été créé, à l’origine, par de richissimes familles industrielles qui avaient besoin de s’attacher les services de professionnels pour gérer leur fortune et préserver leur patrimoine. Se sont ensuite développés des multifamily offices, extérieurs à la famille, qui travaillent pour plusieurs clients fortunés.

De nombreuses banques privées offrent aujourd’hui de tels services et tentent de capter la clientèle des entrepreneurs qui se sont enrichis en revendant leur entreprise. Il arrive que des family offices ouvrent leurs fonds à des clients externes.

En fonction de ses clients – new money, entrepreneurs ayant revendu leur entreprise, ou old money, vieilles et grandes familles industrielles – le family office privilégiera des investissements plus ou moins prudents, c’est-à-dire excluant plus ou moins les start-up du portefeuille.

Ce qui intéresse ces différents fonds(1)

Les business angels vont en général chercher à soutenir de véritables entrepreneurs, et seront attentifs à l’offre de l’entreprise, à son positionnement vis-à-vis de la concurrence, au marché ciblé. Ils attacheront également beaucoup d’importance à l’équipe qu’ils ont en face d’eux. Ils vont regarder le dossier du « start-upper » avec attention, mais aussi le profil des autres investisseurs invités à participer au tour de table.

Les business angels prennent leur temps : ils demanderont plusieurs rendez-vous à l’entrepreneur et une présentation (pitch) devant les investisseurs pressentis avant de commencer à étudier sérieusement le dossier. Comme nous l’avons déjà dit, ils seront friands de chiffre d’affaires déjà existant et de premiers résultats. Leurs yeux seront rivés sur le business plan, et ils penseront au retour sur investissement en espérant des profits dans les trois ans.

Les fonds de venture capital seront, eux aussi, soucieux de l’équipe de la start-up et singulièrement du leadership des dirigeants fondateurs. Ils attendent de ces derniers qu’ils sachent emmener l’équipe et l’entreprise vers le succès, si possible à l’international. Les venture capitalists chercheront des entreprises avec une offre capable de changer la donne sur un marché le plus large possible, et dont la technologie est difficilement accessible à la concurrence.

Ils chercheront donc des start-up avec de très gros potentiels de croissance sur 18 à 36 mois. Le VC s’attend à une rentabilité rapide. Il ne faut en effet pas perdre de vue que le fonds a une durée de vie maximale de dix ans. Il va donc falloir qu’il investisse dans les bonnes entreprises au bon moment, et en sortir à point nommé.

Le VC se focalise, dès l’entrée au capital, sur les opportunités de sortie. Il est donc particulièrement intéressé par les sociétés qui multiplieront leur valeur par cinq à dix sur une période de trois ans.

Les corporate venture capital se comportent plus ou moins comme les VC, avec cependant un prisme différent quant à la sortie. En effet, ils s’interrogeront sur la possibilité d’un rachat total de la start-up et de son intégration dans leur propre groupe. Leurs choix d’investissements seront donc inévitablement liés à la stratégie de leur entreprise.

Quant aux family offices, leur durée d’investissement est généralement plus longue. Ils sont moins pressés par le temps, même si la rentabilité est demandée. Ils pourront également être amenés à prendre des participations plus fortes au fil du temps s’ils estiment que la société le vaut.

Les professionnels aussi peuvent se tromper

Ces informations devraient vous permettre d’investir à meilleur escient. Si vous le faites à travers un de ces fonds, vous saurez ainsi comment ils se comportent et ce qu’ils attendent de leurs investissements. Si vous investissez par d’autres moyens – crowdfunding, crowdlending, etc., sur lesquels nous reviendrons plus tard – prêtez attention à la nature des fonds qui sont déjà présents et ceux qui sont sollicités.

N’oubliez jamais que ces fonds n’ont pas toujours le nez creux. Save, par exemple, une start-up spécialisée dans la réparation de smartphones, tablettes et autres ordinateurs, créée en 2013, a levé 15M€ en 2015. En 2016, elle est déclarée en cessation de paiement.

On peut citer aussi le cas de Allmyapps, créée en 2009, une société proposant un service d’installation groupée de logiciels sur ordinateur. La start-up réunit 70 000€ pour se lancer. En 2010, elle lève des fonds auprès de Elaia Partners, un VC. La société a du mal à décoller, mais Elaia Partners réinjecte 1 M€, puis encore 300 000€ en 2012. En 2013, Allmyapps gagne enfin de l’argent, mais Google change son algorithme et le trafic sur l’application chute de 70%. L’entreprise est placée en liquidation judiciaire, et l’Israélien Ironsource la rachète pour 361 000$.

Nous pourrions citer également Ekyog, Stootie, Giroptic, Meninvest, Morning ou encore Lima.

Bref, regardez ce que font les fonds, mais ne les suivez pas aveuglément !


(1) Nous nous sommes beaucoup appuyé pour cette partie sur le livre de Xavier Milin, Lever des fonds, Diateino, 2018.

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