▪ Paris termine sur un gain hebdomadaire « canon » de 4,7% — ce qui efface la totalité des pertes du mois d’août. Quatre semaines de repli balayées en seulement quatre séances, voilà qui peut laisser songeur !
Même avec les deux ou trois bons chiffres qui sont invoqués pour justifier ce rally (il compte parmi les trois plus spectaculaires de l’année), il semblerait que le marché se cherchait n’importe quel prétexte pour progresser — peut-être même de façon un peu démesurée.
L’euphorie des dernières heures de la semaine provient de la publication de chiffres de l’emploi américain « moins mauvais » que prévus au mois d’août. Les destructions de postes s’avèrent inférieures de moitié par rapport aux prévisions (-54 000) ; le chiffre de juillet est également révisé en baisse, à -54 000 également.
Le taux global du chômage remonte à 9,6% et le total hebdomadaire d’heures travaillées reste stable à 34,2… Mais c’est le genre de détail auquel les marchés ne prêtent aucune attention ; les 10 000 pertes d’emplois mesurées par ADP dans le secteur privé sont bien vite oubliées.
▪ L’enthousiasme des marchés n’a été qu’à peine émoussé par la chute de -2,8 points de l’indice ISM des services à 51,5 en août (au lieu de 54 anticipés), contre 54,3 en juillet, après 53,8 en juin et 55,4 en mai.
Le « tertiaire », c’est plus de 70% de l’activité économique aux Etats-Unis. Cependant, cela n’a guère ému des investisseurs qui avaient fait flamber le CAC 40 de +3,85% mercredi sur la publication d’un ISM manufacturier (moins d’un tiers de l’activité économique américaine) en légère hausse de 0,8 point à 56,3 au mois d’août. Cela ressemble fortement à un système de pensée imprégné de « deux poids, deux mesures » !
Le CAC 40, qui a gagné plus de 1,1% vendredi, déborde les 3 670 points. Il avait même refranchi les 3 700 points vers 14h45, quatre jours seulement après avoir rebondi sur 3 430 — soit +8% en ligne droite, c’est vertigineux !
Il aura donc suffi de deux chiffres américains (l’ISM et l’emploi) et d’une légère contraction du chômage en Europe pour effacer les effets négatifs de dizaines d’autres qui invitaient les investisseurs à beaucoup plus de circonspection depuis le milieu de l’été… sans revenir sur le mauvais ISM des services évoqué en préambule.
▪ La volonté de tirer les cours vers le haut semble difficilement contestable — une entreprise d’ailleurs facilitée par un consensus baissier qui s’alimentait de nombreuses anticipations négatives et de l’avertissement par Donald Kohn (ex-vice-président de la Fed) que les marchés ne devaient plus s’attendre à des mesures monétaires capables d’engendrer un sauvetage miraculeux du système bancaire et de l’économie.
Cela n’empêche pas Ben Bernanke de réitérer sa promesse d’intervenir en cas de risque de « double creux » de la croissance américaine… Mais pourquoi un nouvel assouplissement quantitatif réussirait-il là où le précédent a échoué ?
Tout est affaire de perception, et la subjectivité fait un retour en force depuis le 1er septembre. La meilleure preuve nous est administrée par les statistiques américaines de l’emploi.
Elles s’avèrent à géométrie très variable. Il est assez fascinant de voir à quel point les indices boursiers s’en remettent à des chiffres d’une volatilité aussi considérable — à tel point qu’ils s’imposent comme les moins fiables parmi tous ceux qui sont crédités du label « officiel ».
▪ Wall Street engrangeait 1% à la mi-séance vendredi soir. Mais paradoxalement, les cambistes montraient beaucoup plus de réserve puisque le dollar — qui devrait être dopé par les scores de l’emploi dévoilés à 14h30 — poursuivait malgré tout sa chute (-0,5% à 1,29 pour un euro). Quant au pétrole, qui aurait dû au minimum imiter les indices boursiers européens, il a brusquement rechuté (-2 $ à 73,5 $ le baril) ; il a même perdu 0,5% sur la semaine.
Qui fait donc la bonne analyse de la conjoncture ? Les spécialistes des devises qui brassent 4 000 milliards de dollars par jour ?… Ou les traders sur actions dont le passe-temps consiste à prendre à contrepied le consensus du moment afin de « faire courir » alternativement les vendeurs puis les acheteurs… sans qu’il n’émerge une tendance durable induite par une véritable réflexion macro-économique ?