La Chronique Agora

Insolvabilité grecque aujourd’hui… et demain, insolvabilité d’autres Etats de la Zone euro ?

▪ Les conséquences du futur défaut grec et/ou de la future sortie de la Grèce sont difficiles à évaluer puisque l’on se retrouverait dans une situation inédite : pour la première fois, l’on assisterait au défaut d’un Etat au sein d’une union monétaire.

Nous pensons que de tels événements auraient des conséquences plus importantes encore que ceux qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers

Trois types de conséquences bouleverseront le financement de l’économie : disparition progressive des marchés obligataires (financements des dettes publiques de plus en plus difficiles en dehors des actions conventionnelles des banques centrales) ; risques croissants sur l’épargne privée ; émergence des courants de pensée "anti-capitalistes" sur l’illégitimité de certaines dettes publiques (encourageant d’autres futurs défauts après celui de la Grèce).

▪ Le marché de la dette publique en voie de disparition
Le marché obligataire de la dette publique est en train de progressivement disparaître. Les assouplissements quantitatifs (QE) suppriment la dette non pas en stock mais en intérêts. De toute façon, émetteurs et investisseurs se fichent de la dette du point de vue du stock de capital puisque ces obligations in fine (le capital est remboursé à échéance en une seule fois) sont remboursées par de nouvelles émissions.

En revanche, les QE mènent à une annulation des intérêts sur les dettes rachetées : en effet, les banques centrales reversent leurs profits aux Etats. Si une banque centrale achète la dette publique de son pays, l’Etat lui verse les intérêts correspondants ; puis en reversant ses bénéfices annuels, la banque centrale reverse donc ces intérêts à l’Etat. La dette publique achetée est donc en réalité annulée.

On a donc aujourd’hui un transfert de risque progressif des banques vers la banque centrale. La vraie question devient : une banque centrale peut faire faillite ? En principe, une banque centrale ne peut théoriquement pas faire défaut puisque son passif n’est pas exigible. Et en cas de pertes, elle peut tout simplement émettre plus de monnaie et elle n’est pas obligée de se recapitaliser comme une banque ordinaire.

Ce pouvoir en apparence infini se heurte cependant à deux limites : les risques d’hyperinflation d’une part ; la doctrine de la BCE d’autre part.

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La monnaie papier créée par une banque centrale est fiduciaire, n’est garantie par rien. La valeur de la monnaie repose donc sur la confiance des épargnants en la capacité de banque centrale à préserver le pouvoir d’achat de cette monnaie. Seule une forte inflation peut faire perdre de sa valeur à la monnaie papier. Cela arrive après des années et des années de création monétaire. Ce risque est encore trop lointain pour que vous cherchiez à le couvrir et que vous vous en préoccupiez dans votre allocation d’actifs.

La doctrine de la BCE sur la situation d’une banque centrale nationale (BCN) en termes de fonds propres a été clairement affirmée :

"Il convient d’éviter toute situation dans laquelle le capital de la BCN serait inférieur au niveau de son capital statutaire, voire négatif, pendant une période prolongée, en particulier lorsque les pertes dépassant le niveau du capital et les réserves, sont reportées. Pareille situation […] pourrait en outre entacher la crédibilité de la politique monétaire de l’Eurosystème. Aussi, dans l’éventualité où le capital de la BCN devenait inférieur à son capital statutaire, voire négatif, l’Etat membre concerné serait tenu de pourvoir la BCN des fonds nécessaires (de telle sorte que son capital soit au moins égal à son capital statutaire) dans un délai raisonnable afin de respecter le principe d’indépendance financière".

▪ Prise de conscience des risques des emprunts d’Etat
La répression financière est désormais organisée par la loi afin de faciliter le financement de dettes publiques insoutenables.

Le point 3 de l’article 12 instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) a prévu que "des clauses d’action collective figureront dans tous les nouveaux titres d’Etat de la Zone euro d’une maturité supérieure à un an émis à compter du 1er janvier 2013, de manière à leur assurer un effet juridique identique".

La Loi de Finances française 2013 (votée le 29 décembre 2012) reprend ce point à l’article 59.

"L’objet de ces clauses est de faciliter la restructuration de la dette d’un Etat de la Zone euro dans l’éventualité où il se révèlerait dans l’incapacité d’honorer les engagements financiers pris vis-à-vis des détenteurs obligataires selon le calendrier et les modalités initialement fixées. Par solidarité entre les Etats membres de la Zone euro, l’ensemble de ces Etats s’est engagé à introduire de telles clauses.

Concrètement, l’Etat est ainsi autorisé, s’il obtient l’accord d’une majorité de créanciers, à modifier les conditions de remboursement de l’ensemble des titres concernés par le contrat d’émission. Cet accord des créanciers résulte d’un vote à la majorité, dont le quorum et le seuil requis dépendent de l’importance de la modification proposée. La détermination des modalités d’exercice de ce vote et des quorums et seuil de majorité est renvoyée à un décret.

La modification proposée par l’Etat et approuvée par une majorité de créanciers s’applique à l’ensemble des titres concernés par le contrat d’émission, y compris à ceux détenus par les créanciers minoritaires l’ayant refusée".

Ces clauses d’action collectives (CAC) signifient explicitement que nous aurons une probabilité nettement accrue d’assister à des restructurations de dettes souveraines.

Les risques de nationalisation de l’épargne privée
Dans un futur plus ou moins lointain, des pays comme la France pourraient remplacer tout ou partie de votre assurance-vie en euros (largement investie en obligations d’Etat Françaises) :

– Soit par d’hypothétiques droits futurs pour votre retraite dont on sait bien qu’ils seraient vite menacés.
– Soit par des emprunts d’Etat à la rémunération de plus en plus aléatoire : indexation sur la "croissance" ou sur les performances budgétaires ; pas de versements de coupon annuel, mais principe de bon de capitalisation avec paiements du capital et des intérêts à l’échéance du titre (le retour des rentes perpétuelles en quelque sorte).

▪ Un risque de fiscalité de plus en plus confiscatoire
Le FMI avait préconisé en octobre 2013 de ramener le niveau d’endettement public insoutenable de certains pays à un niveau dit "normal" par une taxation "une fois pour toutes" des patrimoines financiers et immobiliers des ménages/

Plus récemment, dans un papier A new start for the Eurozone : dealing with debt ["Un nouveau démarrage pour la Zone euro : traiter la dette", ndlr.], des économistes préconisent la création d’un fonds dit de stabilité visant à racheter et éliminer une large portion de la dette existante pour ramener les pays à des taux d’endettement de l’ordre de 80% ou 90% de dette sur PIB. Ce fonds pourrait être alimenté par les revenus courants et futurs d’un impôt sur le patrimoine, ou d’une partie des recettes de la TVA.

▪ Montée des courants politiques sur la dette illégitime et sur l’effacement de la dette
Première idée mise en avant, le fait que les Etats finalement ne remboursent jamais leurs dettes. Ecoutons Ivan Best s’exprimant récemment dans La Tribune :

"[…] l’Etat — et donc les contribuables — ne rembourse jamais la dette publique. Quand un emprunt arrive à échéance, l’Etat le rembourse, via l’Agence France Trésor (AFT), en empruntant à nouveau. Le budget de l’Etat, qui retrace toutes ses recettes et dépenses, ne comprend aucune ligne ‘remboursement des emprunts’. Car, de fait, il s’agit d’une opération dite de trésorerie, gérée par l’AFT : ainsi, elle a emprunté 186 milliards d’euros en 2013, afin de rembourser notamment 106 milliards d’euros d’obligations arrivant à échéance".

Seconde idée qui va dans le sens de l’illégitimité et illégalité de certaines dettes publiques accumulées, l’audit réalisé par des experts internationaux qui conclut que "la Grèce ne devrait pas payer cette dette illégale, illégitime et odieuse". Le rapport présenté au Parlement grec détaille la mise en place des deux plans de sauvetage du pays, en 2010 et en 2011-2012, qui prévoyaient 240 milliards d’euros de prêts illégitimes en échange de mesures économiques et sociales qui n’ont pas été utilisées au bénéfice de la population mais pour sauver les créanciers privés de la Grèce.

On le voit, un défaut grec n’entraînera pas de risque systémique de type post-Lehman. Mais les conséquences seront peut-être pires avec une disparition durable de la confiance, sans laquelle l’économie ne peut fonctionner.
[NDLR : Votre patrimoine est-il prêt à toutes les éventualités, en cas d’aggravation de la crise grecque ? Pour être certain d’avoir pris toutes les mesures nécessaires, cliquez ici.]

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