La Chronique Agora

Inquiète, la Fed continue d’injecter des liquidités sur le marché des repos (1/2)

La Fed et son QE-qui-n’en-est-pas-un n’ont pas fini de faire parler d’eux : la situation s’aggrave sur les marchés, et les acheteurs étrangers ne sont plus au rendez-vous pour le T-Bond US.

La Fed a annoncé le mardi 7 janvier qu’elle allait injecter 83 milliards de dollars supplémentaires dans le système afin « d’apporter temporairement des liquidités aux marchés financiers ».

La suite du communiqué ne surprendra pas les cyniques : la Fed a en effet ajouté qu’elle « pourrait continuer d’apporter temporairement des liquidités supplémentaires aux marchés financiers pour une durée plus longue que ce que les responsables de la politique monétaire avaient envisagé au mois de septembre ».

Cela a été confirmé le 14 janvier, la Fed annonçant que ce programme allait se poursuivre jusqu’au 13 février prochain, au minimum. Cette nouvelle action de la Fed vient renflouer le marché des repos, qui a nécessité qu’elle réactive son programme d’assouplissement quantitatif (mais ne l’appelez pas ainsi !) depuis le mois de septembre.

On ré-alourdit le bilan

Les dernières décisions vont accroître encore davantage le poids du bilan de la Fed. Le montant total des actifs détenus par la Réserve fédérale a eu tendance à diminuer depuis le début de l’année 2015, mais au mois de septembre dernier, la banque centrale américaine a recommencé à acheter des actifs dans le but de rediriger des fonds vers le marché des repos.

Comme Reuters l’a rapporté à l’époque :

 « Les liquidités disponibles pour les besoins de financement à court terme des banques se sont asséchées au début de la semaine et les taux d’intérêt sur le marché monétaire américain ont explosé pour atteindre jusqu’à 10% sur certains prêts au jour le jour. […]

 Cela a obligé la Fed à injecter en urgence plus de 125 milliards de dollars […] il s’agit de sa première intervention majeure depuis la crise financière il y a maintenant plus d’une décennie, afin d’éviter que s’enclenche un cercle vicieux de hausse des taux d’intérêt à des niveaux encore plus élevés. »

 D’après Caitlin Long, ce véritable séisme intervenu sur le marché des repos a probablement été déclenché car :

« Quelqu’un – probablement une grande banque – a eu un besoin tellement urgent de liquidités qu’elle était prête à payer un taux d’intérêt outrageusement élevé pour les obtenir. »

Cela s’est produit malgré le fait que les prêts sur le marché des repos sont supposés être parmi ceux dont les taux sont les plus bas, étant donné qu’ils sont adossés à des titres collatéraux théoriquement peu risqués tels que les bons du Trésor.

Les prêts repo consistent pour un emprunteur à échanger temporairement un actif (généralement une obligation d’Etat) contre des liquidités. Etant donné que l’emprunteur échange un actif peu risqué, le taux d’intérêt payé au préteur est également peu élevé.

Malgré ce niveau de risque supposément faible et la demande prétendument élevée pour les bons du Trésor américain, les créanciers sur le marché des repos ont décidé qu’ils n’étaient pas prêts à avancer des fonds aux taux bas habituels.

Rachats discrets…

Au regard de l’ampleur de l’intervention en cours de la Fed, il semble que le taux d’intérêt qui serait fixé sur le marché en l’absence d’intervention de la banque centrale soit beaucoup plus élevé que ce que ses dirigeants sont prêts à tolérer dans le cadre de leur politique monétaire visant à assurer un accès facile à la liquidité.

La Fed a donc décidé de racheter directement davantage de bons du Trésor, afin d’injecter une plus grande quantité de liquidités dans le système et ramener les taux à leurs faibles niveaux habituels.

Il y a au moins deux raisons permettant d’expliquer le phénomène actuel — et pourquoi une autre crise sur ce marché reste probable.

La première raison est que la demande de bons du Trésor US n’est peut-être pas aussi élevée que ce que pensent les gens. Comme l’a indiqué le CBO (le Bureau du Budget du Congrès américain) le 8 janvier :

« Le déficit a augmenté de 12% au cours du premier trimestre de l’exercice fiscal 2020 par rapport à l’année précédente, bondissant de 39 milliards de dollars pour atteindre 358 milliards de dollars. »

C’est 12% au-dessus du niveau de déficit déjà stratosphérique de l’exercice fiscal 2019, une année au cours de laquelle le déficit a frôlé la barre des mille milliards de dollars alors que l’économie est en expansion.

Il y avait de quoi de s’inquiéter, et ces chiffres illustraient à quel point le déficit actuel est important par rapport à sa moyenne historique.

Pression et nouveaux emprunts

Financer un tel déficit nécessite d’émettre de grandes quantités de nouveaux emprunts d’Etat. Et, avec un tel volume de nouveaux emprunts dans le système, il est possible que tout le monde ne soit pas prêt à avancer des fonds en échange de ces dettes au même taux que dans le passé.

Ceci vient accroître la pression à laquelle font face les emprunteurs qui dépendent des taux bas et de l’accès facile à la liquidité que leur assure le marché des repos. Bryan Chappatta, de l’agence Bloomberg, indiquait au mois de septembre :

« Le chaos qui s’est manifesté sur le marché des repos était attendu étant donné l’aggravation du déficit budgétaire américain […].

 Les déficits ne sont pas un phénomène nouveau et continuent de s’accumuler au fil du temps. Et bien qu’ils aient reculé entre 2011 et 2015, à la fois en chiffres absolus et en % du PIB, l’écart s’est encore aggravé depuis l’arrivée au pouvoir du président Donald Trump. Au total, le montant de la dette du gouvernement fédéral américain a quasiment triple depuis la crise financière.

Cette croissance de la dette était globalement sous contrôle au cours des années qui ont suivi la crise financière car la Fed a racheté de larges quantités de bons du Trésor US au travers de son programme d’assouplissement quantitatif. » 

Naturellement, ceci a permis de soutenir la demande d’emprunts d’Etat. Les investisseurs étrangers, en revanche, sont devenus beaucoup moins enthousiastes, comme nous le verrons dès demain…


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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