La Chronique Agora

Impôts, dette et crédit, c’est tout ce qu’il reste aux Etats-Unis

▪ Nous terminons aujourd’hui notre discours aux diplômés américains de la promotion 2014. Notez que nous le faisons dans la plus profonde solitude. Nous n’avons pas trouvé d’alliés — ni à droite, ni à gauche.

Les Egyptiens doivent particulièrement apprécier la démocratie. Mardi dernier, ils sont retournés aux urnes pour la deuxième fois en 11 mois. Ils continueront de voter jusqu’à élire un candidat que l’élite acceptera.

Le système américain lui est supérieur pour une raison bien précise : les candidats — démocrates ou républicains — qui ne sont pas acceptables pour le Pentagone, ou Wall Street, ou le système de santé sont écartés bien avant d’atteindre les élections présidentielles.

Un candidat indépendant ne dépassera pas la première étape. Il ne recevra pas de contributions électorales. Et il n’obtiendra pas l’attention des médias. Les journaleux lui colleront une étiquette "inéligible" et le rendront invisible, trop "bizarre" et "à la marge" pour valoir une attention sérieuse.

L’industrie, les médias et l’intelligentsia sont tous en faveur des candidats acceptables… ceux qui promettent de ne pas faire de vagues. Pour obtenir des votes, bien entendu, le candidat promettra "du changement"… mais c’est bien la dernière chose qu’il a en tête. L’élite n’en veut pas. Les lobbyistes, les trafiquants, les escrocs, les parasites et les zombies n’en veulent pas. Et vous n’en voulez pas. Pas maintenant… pas après avoir investi 100 000 $ et quatre années de votre vie pour en faire partie. En fait, vous ne voulez certainement pas que quelqu’un vienne vous dire que le système ne fonctionne pas vraiment comme ça… que vous avez gâché votre temps et votre argent… et que vous êtes idiot de croire à ces histoires.

Non, cher diplômés, vous voulez vous mettre à la file et tendre la main.

Au cours des 50 dernières années, la quantité de crédit aux Etats-Unis a été multipliée par 50

Au cours des 50 dernières années, la quantité de crédit aux Etats-Unis a été multipliée par 50. Cela représentait environ 33 000 milliards de dollars de nouvel argent — du pouvoir d’achat qui n’existait pas auparavant. Richard Cantillon a remarqué en 1755 que lorsqu’on ajoute du nouvel argent au système financier, il ne va pas à tout le monde en parts égales. Il va à ceux qui contrôlent le système. Puis, plus tard, quelques gouttes s’écoulent jusqu’aux pigeons. A ce moment-là, l’argent a perdu la majeure partie de sa valeur.

Vous espérez qu’on rajoutera encore plus de nouvel argent. Et que vous — en tant que membres potentiels de l’élite — en obtiendrez. Mais vous êtes un peu en retard à la fête. Vous ne contrôlez pas le système. Ce sont des personnes plus âgées qui sont à sa tête — les oligarques. Les manipulateurs. Ceux qui ont l’argent. Et le pouvoir. Ils prendront le nouvel argent… et l’ancien. Puis le système explosera avant que vous n’arriviez en tête de file.

"Décoordination intertemporelle", voilà bien une expression d’Allemand. Dans le cas présent, il s’agissait de Ludwig von Mises, qui était autrichien. Un détail. Cette expression signifie que lorsque les autorités se mêlent de la masse monétaire et du crédit, elles font inévitablement un épouvantable gâchis. Mais c’est un gâchis très spécial. D’abord, comme l’avait noté Cantillon, les initiés prennent la part du lion. Ensuite, le nouvel argent créée des distorsions et des perturbations qui condamnent tout le système à l’effondrement.

Vos parents et les initiés obtiennent le nouveau crédit. Vous échouez avec la vieille dette

▪ L’intertemporalité, ce n’est guère amusant
Le célèbre économiste John Maynard Keynes a expliqué l’importance du crédit comme étant "un lien entre le présent et l’avenir". C’est pourquoi on parle d’"intertemporalité". En bref, vos parents et les initiés obtiennent le nouveau crédit. Vous échouez avec la vieille dette.

Je parle de ça en expert, en quelque sorte… ou au moins en vétéran. Il y a 30 ans, je pensais qu’il n’était pas juste que ma génération accumule tant de dette gouvernementale en s’attendant à ce que votre génération la paie. J’ai donc fait un procès en class action au gouvernement américain, dans lequel mon fils Will, qui avait sept ans à l’époque, était le principal plaignant. Une cour fédérale a jugé que la plainte était sans fondement. A ce moment-là, Will et les autres jeunes étaient confrontés à 1 700 milliards de dette fédérale. A présent, il y en a 10 fois plus.

L’économiste Richard Duncan est d’avis qu’elle dépassera les 30 000 milliards de dollars avant que tout explose. Pourquoi tant de dette ? Parce que c’est ainsi que les initiés transfèrent la richesse réelle, la faisant passer de votre poche à la leur. Le secteur financier vous prête de l’argent pour des maisons, des voitures et ainsi de suite. Et — dans le cas des prêts hypothécaires –, le prêt sera garanti par Fannie Mae. Les prêts hypothécaires sont rarement remboursés. Ils continuent simplement, d’un "propriétaire" à l’autre. C’est ainsi que le secteur financier est désormais le "propriétaire immobilier" de 44 millions d’Américains. Et d’où les banques obtiennent-elles l’argent qu’elles vous prêtent ? De nulle part.

Mais vous êtes déjà au courant du système de crédit, n’est-ce pas ? A sa remise de diplôme, un étudiant américain typique a déjà environ 25 000 $ de dettes. Ici à Baltimore, le taux d’imposition marginal frôle les 50%, de sorte que vous devrez amasser 50 000 $ de revenus pour revenir dans le vert.

Lorsque les Espagnols ont conquis l’Amérique latine, leur système d’encomienda exigeait généralement 40 jours de travail seulement de la part de leurs victimes. Les Français ont conquis Madagascar ; ils ont forcés les hommes de l’île entre 16 et 60 ans à travailler 50 jours par an. L’exemple américain ressemble plus à celui de la Russie, où le tsar Paul I avait déclaré en 1797 que les serfs devaient trois jours par semaine à leurs seigneurs et maîtres. Cela représente près de 150 jours.

Un taux d’imposition de 50% — fédéral et local — est l’équivalent d’environ 125 jours de travaux forcés par an. Cela fait beaucoup. Mais ce n’est que le début. Dans notre système de démocratie de copinage, tous les grands secteurs ont le fouet en main.

Et maintenant que vous êtes sorti de l’université, vous pouvez rejoindre les rangs des corvéables.

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