La Chronique Agora

L’impécuniosité heureuse

▪ Par où commencer ? Par le moyen d’augmenter sa richesse ? Ou de la perdre ?

Pour ce qui est de la perdre, c’est assez simple : il suffit d’acheter quelque chose qui ne vaut pas l’argent qu’on a dépensé. On est instantanément plus pauvre, qu’on en soit conscient ou non. C’est ce qui arrive aux investisseurs boursiers. Les actifs qu’ils ont achetés ne valaient pas l’argent investi ; à présent, M. le Marché le leur fait savoir.

Le Dow a baissé — prochaine étape : 15 000 points. "C’est un marché baissier", dit Jim Cramer. Ce sera "un bain de sang", prévient Carl Icahn.

Nous n’en savons rien. Mais nous sommes d’avis que, dans 10 ans, vos actions ne vaudront pas plus que ce qu’elles valent aujourd’hui.

Mais passons à la manière de gagner de l’argent.

Nous avons quitté Paris tôt hier matin. Il faisait encore sombre. Désormais, les jours raccourcissent… deviennent humides et froids. Sous les feuilles en décomposition, le trottoir était glissant. Le déclin qui approche rend les derniers jours de l’automne particulièrement riches, comme la dernière bouchée d’un dessert favori. Et sur Paris brillait une "super lune" qui a dû faire se languir bien des coeurs…

Mais se languir de quoi ? De romantisme ? D’amour ? Prenez en pitié le pauvre coeur de fer blanc — comme une poubelle vide — qui observait cette pleine lune éclairant les toits d’ardoise de Paris et espérait de l’argent.

Si l’on n’a pas d’argent, on doit pouvoir dépasser le luxe, l’avidité et la vie facile la tête haute

▪ Pourquoi être riche, finalement ?
C’est pourtant l’argent notre thème, à la Chronique. Et nous nous y tenons. Mais l’argent ne signifie rien sans la philosophie. Au-delà de ce dont nous avons besoin pour survivre, l’argent n’a pas d’importance. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Tout dépend. Nous avons besoin d’une philosophie simple pour le comprendre… pour nous guider au-delà du dernier sac Gucci, au-delà de la télé câblée et au-delà de l’appartement à un million d’euros dans le 16ème. Non qu’il y ait quoi que ce soit de mal à tout ça. Mais c’est cher. Et si l’on n’a pas d’argent, on doit pouvoir dépasser le luxe, l’avidité et la vie facile la tête haute, non les épaules voûtées sous la défaite et le dégoût de soi. Et pour ça, il faut la philosophie. Ou au moins l’esthétique.

Tous les gens — à moins d’être des saints ou des innocents — veulent avoir une bonne image d’eux-mêmes. C’est leur but premier dans la vie, et la seule raison pour laquelle ils s’intéressent à l’argent (en dehors du minimum vital). Dans la mesure où nous sommes une espèce compétitive, notre propre estime est proportionnelle à notre supériorité aux autres. Peu importe d’être mince… sauf si ceux qui nous entourent ne le sont pas. Il n’y a pas d’avantage à être intelligent… sauf si les autres sont bêtes. Cela n’a aucun sens d’être riche… sauf si les autres le sont moins.

Mais notre espèce est si rusée que nous pouvons trouver de la supériorité partout ou presque. Si nous sommes gros, nous redéfinissons la gamme de la corpulence de manière à être "plaisamment dodu" tandis que d’autres sont "malsains" et "trop minces". Si nous sommes bête, nous nous concentrons sur notre bon sens, par rapport aux intellos tête-en-l’air. Et si nous n’avons pas d’argent ? Eh bien dans ce cas, dépenser est vulgaire, superficiel et vide de sens !

Une personne se sent supérieure à cause de ce qu’elle possède… une autre à cause de ce qu’elle ne possède pas. Une autre personne pour ce qu’elle sait… et encore une autre pour ce qu’elle ignore. Quelqu’un se sent supérieur à cause de ce qu’il est, tandis qu’un autre mesure sa stature à ce qu’il n’est pas. Mais celui qui se sent supérieur à tous les autres est celui qui n’a rien, ne sait rien et n’est absolument personne. Il est libre des vanités qui encombrent la vie des autres !

Au 10ème siècle, posséder très peu est devenu à la mode. Les gens abandonnaient leurs possessions pour une vie de contemplation. Ils voulaient échapper aux distractions et aux tentations du quotidien, de manière à vivre de manière plus pure… dans la simplicité et la piété. La demande de pauvreté était si grande que les monastères et les couvents avaient du mal à suivre. Ils durent en construire de nouveaux dans toute l’Europe.

Il y a des gens ayant peu ou pas d’argent qui vivent bien… Et il y a des gens avec beaucoup d’argent qui vivent mal

▪ Ces pauvres riches !
Inutile d’insister. Il suffit de reconnaître qu’il y a des gens ayant peu ou pas d’argent qui vivent bien… Et il y a des gens avec beaucoup d’argent qui vivent mal. Notre objectif sera de vivre mieux — et nous mettrons un point d’honneur à le faire sans dépenser plus.

Nous possèderons moins, mais nous chérirons notre frugalité comme un homme pourrait apprécier une collection de voitures anciennes ou des biceps bien développés. Ensuite, à mesure que nos jours déclineront, que notre appétit s’évanouira et que notre énergie se retirera avec les eaux de la vie, notre trésor de néant grandira, car nous aurons besoin de moins en moins de choses. Un livre. Un lit. Une chandelle. Que demander de plus ?

Oui, nous parlons d’un programme de privation radicale et d’impécuniosité heureuse. Notre but serait de nous sentir supérieur aux riches… sans avoir d’argent. En fait, nous porterons notre nouvel amour de la pauvreté comme une médaille… et nous nous en servirons pour devenir riche !

Déjà, nous avons pitié d’eux. Les riches. Dans notre coffre vide, nous avons le plus grand trésor de tous — l’espoir du bonheur. Oui, cher lecteur, bénis soient les pauvres — car ils bénéficient du don de l’ignorance. Ils pensent encore pouvoir être heureux… si seulement ils avaient plus d’argent !

Bien entendu, c’est là une illusion que seuls les pauvres peuvent se permettre. Les riches sont mieux informés. Ils ont trop d’argent. Ils savent que l’argent ne peut pas acheter le bonheur. C’est pour cette raison que le taux de suicide à Aspen est quatre fois supérieur à la moyenne américaine.

Mais les pauvres, quels veinards. Ils ont encore de l’espoir ! Ils pourraient gagner au loto. Ils pourraient avoir une augmentation, ou trouver un meilleur emploi. Ils pourraient hériter d’un oncle richissime. L’argent est toujours à portée de main. Le bonheur doit donc l’être aussi… à seulement un enterrement ou un billet de loterie de distance.

A suivre… avec notamment les détails pratiques : comment avoir plus d’argent ?

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