La Chronique Agora

L’immobilier peut-il être encore rentable en France ?

investissement immobilier

La pierre a toujours semblé être un investissement rassurant et protecteur pour votre épargne. Mais entre l’inflation, le Covid et la fiscalité toujours plus lourde, est-ce que cela reste « un bon plan » ?

Les records de valorisation ne manquent pas en ce début d’année. Le CAC 40 a franchi pour la première fois de son histoire les 7 300 points, après avoir dépassé fin 2021 son sommet de clôture datant de la bulle Internet (6 922 le 4 septembre 2000). Exprimé en dollars ou en euros, le Bitcoin a lui aussi pulvérisé son précédent record l’an dernier. A la mi-novembre, il a dépassé les 56 000 € et s’échangeait contre plus de 64 000 $.

Ajoutons au tableau le rendement toujours plus bas des fonds en euros proposés par les assurances-vie, et l’épargnant est à la peine lorsqu’il s’agit de trouver des supports pour investir en bon père de famille.

Le regain d’inflation qui, malgré les discours rassurants des pouvoirs publics, n’a aucune raison d’être temporaire, vient ajouter un élément d’urgence. Les liquidités non investies perdent de leur valeur réelle chaque mois, les valeurs mobilières liquides sont pour la plupart surévaluées… Comment, dans ce contexte, protéger son épargne en cette fin d’année ?

Pour beaucoup d’investisseurs particuliers, la recherche d’un investissement solide rime avec un retour aux fondamentaux. Après les actions, les cryptomonnaies, et les métaux précieux, c’est désormais la pierre qui fait office de refuge pour les liquidités en mal de support.

Malgré ses atouts et ses particularités, l’immobilier reste un actif soumis aux lois économiques universelles. Même si « une maison sera toujours là », il est tout à fait possible de perdre de l’argent avec un investissement immobilier malavisé. Plus dangereux encore, l’effet de levier inhérent à tout projet mené avec le concours d’un financement bancaire fait qu’il est possible de perdre bien plus que le capital investi.

Avant de liquider vos comptes-titres et assurances-vie pour investir dans la pierre, assurez-vous de bien absorber le contexte de cette année, car de nouveaux risques pèsent sur les investisseurs français.

Quand votre premier associé devient encombrant

Même si vous achetez un bien immobilier en nom propre ou avec votre conjoint, vous ne serez jamais seul dans votre aventure. Vous aurez, sur votre épaule, un associé dont vous ne pourrez jamais vous débarrasser jusqu’à la revente du bien.

Il vous dira comment équiper les lieux.

Il décrètera qui peut effectuer les travaux d’entretien, et avec quels matériaux.

Il décidera si vous pouvez agrandir le logement.

Il aura son mot à dire quant au montant du loyer et des révisions que vous pouvez appliquer.

Pour ses bons offices, il récoltera jusqu’à la moitié de vos bénéfices annuels.

Cet associé, vous l’avez peut-être reconnu, c’est l’Etat.

Avant de lancer tout projet d’investissement immobilier, surtout dans le cadre d’un primo-investissement locatif, il convient de tempérer ses ardeurs et de réaliser que la plupart des décisions opérationnelles seront dictées par les lois en vigueur. Si vous achetez dans l’ancien, prévoyez de coûteuses remises aux normes, des délais administratifs si vous souhaitez effectuer des travaux d’agrandissement, et ne négligez pas le rôle de la fiscalité dans le calcul du rendement total de votre opération.

Un contribuable au taux marginal de 30 % verra ses revenus locatifs intégrés à son revenu fiscal et sera imposé en conséquence, dépense à laquelle il faut encore ajouter des prélèvements sociaux se montant à 17,2% des loyers imposables. Pour les contribuables au taux marginal de 45%, les prélèvements dépassent ainsi les 62% du revenu locatif.

Mais l’Etat ne s’arrête pas là.

L’arme fiscale absolue est, sans nul doute, la taxe foncière. Impôt sur le bâti, elle ne se préoccupe ni de votre rendement, ni de vos bénéfices. Revalorisée à l’envi par les pouvoirs publics, elle fait des propriétaires fonciers la variable d’ajustement des équilibres budgétaires. Autrefois anecdotique, cet impôt local a représenté, l’année dernière, plus de 35 Mds€ de prélèvements soit une fois et demi la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TIPCE) et presque autant que l’ensemble des impôts sur les sociétés (39 Mds€) !

Echapper à cet impôt est bien sûr impossible, les biens étant connus de l’administration et par définition immobiles. Le rendement des investissements immobiliers ne dépend donc pas uniquement de l’état du marché et de la bonne gestion du propriétaire, mais aussi du bon vouloir des pouvoirs publics.

Avec une augmentation de 11,4% sur cinq ans, son impact est loin d’être négligeable. Dans certaines villes, elle peut représenter jusqu’à deux mois de loyer hors charge – et sa hausse n’est sans doute pas finie.

Investir ou spéculer : bien choisir son cheval

Face à cette pression fiscale, l’investisseur immobilier peut opter pour deux stratégies : l’investissement ou la spéculation.

Dans le premier cas, il s’agit de dénicher des biens dont le rendement locatif est suffisamment important pour dégager un cash-flow positif. Simple sur le papier, l’exercice n’est plus aussi facile qu’auparavant.

En comptant les frais d’entretien, la vacance locative (aucun appartement n’étant occupé en permanence), le remboursement des intérêts d’emprunt et la fiscalité toujours plus lourde, il faut souvent viser un rendement brut à deux chiffres pour parvenir à l’équilibre. Ce type de rendement se trouvait, depuis les années 2000, dans les villes moyennes de province… mais le Covid est venu bouleverser cet équilibre.

Est-ce le traumatisme des confinements ? La rotation sectorielle après le fort rebond des actions ? Des considérations écologiques ? Toujours est-il que les villes moyennes ont reçu des flux de capitaux inouïs depuis le début de la pandémie. Selon Seloger.com, les prix ont augmenté sur un an de 18,9% à Metz, 17,3% à Vannes ou encore 16% à Poitiers.

Du fait de la relative stabilité des loyers, le rendement locatif a mécaniquement baissé d’autant. En cette fin d’année, le nombre de villes où il est possible d’investir en espérant un cash-flow positif est plus réduit que jamais.

Reste alors aux investisseurs la possibilité de devenir des spéculateurs. Si vous identifiez une zone où la hausse des prix a vocation à perdurer du fait d’une augmentation de la population, d’une amélioration de la qualité de vie ou de l’arrivée de nouveaux moyens de transport (tramway, train, ou même nouvel accès autoroutier pour desservir une agglomération voisine), il est tout à fait possible d’acheter un bien locatif même s’il ne vous rapporte rien au quotidien.

En le conservant cinq, dix, ou vingt ans, la plus-value que vous pourrez réaliser peut tout à fait dépasser le rendement d’un panier d’actions, d’une assurance-vie, ou même d’un achat immobilier basé sur le rendement locatif.

Cette stratégie nécessite toutefois de solides revenus pour faire face aux aléas de la gestion immobilière, une bonne connaissance du terrain (oubliez les investissements à l’autre bout de la France) et de ne pas oublier que, là encore, l’ombre de Bercy planera sur votre plus-value qui sera elle aussi copieusement imposée lors de la revente.

La pierre offre de belles opportunités pour faire croître son patrimoine. Mais en ce début d’année 2022, il est nécessaire de simuler avec précisions la rentabilité des dossiers avant de s’engager. La faiblesse des rendements locatifs, le grand nombre d’acheteurs et la pression fiscale ont fait de ce placement de bon père de famille une opération plus technique que jamais.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile