La Chronique Agora

Il n'y a pas que la finance, dans la vie… (Quoique)

▪ "L’amour est aveugle", dit le poète… mais nul besoin de s’en inquiéter ; la disparition de l’amour redonne généralement la vue.

Qui plus est, les amoureux ne se plaignent jamais de leur aveuglement… du moins pas avant de se retrouver face à face au tribunal. A ce moment-là, les anciens amoureux ont de nouveau une vue si précise qu’ils peuvent détecter chez l’autre des défauts que même le télescope Hubble n’aurait pas pu voir.

Mais que l’amour soit aveugle n’est pas une si mauvaise chose. D’ailleurs, en général, c’est plus drôle que la solitude avec 10/10ème à chaque oeil. Mais ces deux extrêmes fonctionnent main dans la main… bras dessus, bras dessous… ou quelque chose de ce genre. Sans chagrin d’amour, le grand amour n’a plus aucune valeur. Tant qu’une personne n’a pas connu la douleur d’un amour perdu, il ou elle (en général, c’est plutôt "elle", d’ailleurs) ne peut pas apprécier pleinement la valeur de l’amour retrouvé. En réalité, il ou elle (en général, c’est plutôt "elle", d’ailleurs) ne reconnaîtra peut-être même pas le grand amour quand il se présentera enfin.

D’un autre côté, sans avoir jamais connu l’euphorie du grand amour, qui pourrait craindre son opposé, l’amour perdu ? Cette crainte pousse parfois à garder pour soi des petites doléances… et tait l’inclination à râler pour une lunette des toilettes restée relevée.

L’interaction entre l’amour et la perte d’amour est caractéristique des forces bipolaires qui définissent et influencent la plupart des expériences humaines… y compris la part de l’expérience humaine qui se déroule sur les marchés financiers (votre chroniqueur va conclure cette transition entre l’amour et la finance dans un instant. Mais soyez patient, la digression n’est pas encore terminée…)

▪ Un amour enchanteur est grisant, c’est vrai ; et un amour qui s’éteint est déprimant… mais si enrichissant…

"Si nous vivions dans un monde sans larmes", déclare d’une voix triste la chanteuse de blues Lucinda Williams, "comment le malheur saurait-il par quelle porte dérobée il doit sortir ? Comment la confusion saurait-elle dans quel esprit elle doit s’épanouir ? Comment la tristesse trouverait-elle son foyer ?"

Bien évidemment, les larmes ne sont pas seulement censées fournir un "logement" à la tristesse et au malheur. Elles sont également censées évacuer la douleur et laisser place à de nouvelles joies et bonheurs inattendus. En d’autres termes, une certaine connaissance de l’échec est essentielle pour créer un amour qui peut s’épanouir pleinement. Ne vous contentez pas de croire les mots de votre chroniqueur ; essayez de maintenir une relation à long terme avec quelqu’un qui n’a jamais été rejeté par personne ; essayez de construire une relation amoureuse avec quelqu’un qui n’a jamais "aimé et perdu l’être aimé" — quelqu’un dont le passé est rempli de relations auquel il ou elle a toujours mis un terme de son plein gré. L’amour et la dévotion de cette personne seront à peine plus fiables que ceux d’un chat… et encore.

Mais ce n’est pas grave. La perte d’amour entraîne une évolution individuelle, un développement émotionnel… et l’abus d’alcool. Deux de ces trois résultats sont constructifs. L’individu qui évite l’abus de substances pour combattre en face à face la douleur qu’entraîne le deuil d’une relation gagne alors l’opportunité d’évoluer sur un plan émotionnel et d’apprendre des leçons importantes pour la prochaine fois… comme par exemple quels secrets garder pour soi et lesquels révéler ; ou quelles excentricités de votre amoureux sont de simples manies, et lesquelles sont des troubles psychologiques.

Et une fois que vous aurez commencé à comprendre ce qui est sain et ce qui est simplement distrayant (pendant un temps), vous êtes sur la bonne voie pour trouver mieux… du moins en théorie. Car la plupart d’entre nous se contente de répéter toujours les mêmes erreurs.

Néanmoins, pendant que nous traversons nos existences à toute vitesse — ballottés par les situations extrêmes d’amour et de rejet — nous gagnons au moins la chance de profiter de quelque chose de meilleur, de plus enrichissant, et de plus sain. C’est ce que nous offre l’adversité de la vie… des chances de trouver mieux.

En réalité, presque toutes les facettes de la vie se déroulent entre des extrêmes — entre le déluge et la sécheresse ; entre la guerre et la paix ; entre la fortune et la pauvreté ; entre oui et non ; entre Non ! Non ! et Oui ! Oui ! ; entre la prospérité et la récession ; entre l’obscurité et la lumière ; entre le soleil et la pluie ; entre les hommes et les femmes ; entre la sobriété et l’intoxication ; entre la vigilance et le laxisme ; entre le dur labeur et le repos.

La bipolarité est simplement la façon dont le monde fonctionne, et dont il se comporte. Et de beaucoup de manières, c’est ainsi que le monde DOIT fonctionner. Si elles n’ont pas à la fois du soleil et de la pluie, les plantations ne poussent pas.

Il en va de même pour les économies. Elles ont besoin de la douleur de la récession si elles veulent de nouveau profiter des fruits d’une croissance solide. Sans récessions, les économies ne peuvent pas atteindre leur potentiel complet. Elles ne peuvent pas se décharger du fardeau des industries inefficaces ou des structures régulatrices qui ne sont pas optimales, etc. Sans récessions, les économies ne peuvent pas faire place nette pour des industries meilleures, plus saines. Elles ne peuvent pas mettre dehors les vieilles entreprises dépassées, par exemple, ou laisser entrer les entreprises "plus jeunes, plus attirantes"… si l’on peut dire.

L’économie américaine, grâce aux politiques douteuses de la Réserve fédérale et du Trésor américain, s’accroche encore aux vieilles entreprises et industries complètement dépassées… au lieu de les pousser dehors pour faire de la place à celles qui sont en meilleure santé.

"Ce qui freine le plus l’avancée économique, ce sont les Etats-Unis", a récemment déclaré l’investisseur milliardaire George Soros, "puisque c’est là que les consommateurs sont surendettés et que le système bancaire est en faillite. Les Etats-Unis vont être très longs à se remettre et ne peuvent pas vraiment avancer. Il leur reste encore une longue route à faire".

Vous voyez, chers investisseurs, c’est ce qui se passe quand on ne laisse pas les mauvaises entreprises faire faillite ; elles restent là à vous gâcher la vie. Elles bloquent le chemin vers un avenir meilleur.

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