▪ Voici que le CAC 40 aligne une dixième séance de hausse sur une série de 11, avec un cumul de gain qui dépasse les 10%. Et voilà que le DAX 30 termine en tête du peloton européen mardi soir alors que les investisseurs ont pu constater un spectaculaire plongeon de l’indice de confiance des milieux d’affaires allemands au début du mois de septembre.
Le baromètre mensuel compilé par l’institut ZEW dévisse à -4,3 au lieu d’un score de +10 anticipé. Impossible de prétendre que le fait accompli ait joué en la circonstance !
Le plus étrange, c’est que les indices boursiers n’ont même pas tressailli suite à cette nouvelle… Pas plus qu’ils ne s’étaient retournés à la baisse à Wall Street une semaine auparavant en découvrant une chute de trois points de l’ISM des services ou de la productivité américaine (-1,8%).
Nous serions fondé à nous demander s’il existe une réelle corrélation entre l’évolution des indices boursiers et l’actualité du jour si nous n’avions déjà identifié tant de réactions — ou d’absence de réaction — franchissant allègrement les frontières de l’absurde pour s’inscrire dans le domaine du surréalisme.
▪ Mais la fréquence de ce genre de bizarreries est si élevée qu’il ne saurait s’agir d’accidents occasionnels ou de concours de circonstances (en supposant que nous n’ayons pas fait les rapprochements qui s’imposaient). Cela renforce notre conviction que la hausse ou la baisse des cours est prédéterminée, obéissant à un scénario boursier réglé comme du papier à musique.
Comme une majorité de traders — qui usent et abusent de logiciels automatisant les passages d’ordres — s’interdisent de s’interroger sur les causes réelles ou vraisemblables d’un écart indiciel, ils se contentent de les répliquer en toute tranquillité d’esprit. Après tout, quelqu’un, quelque part, doit bien savoir pourquoi les cours décalent… ou ne décalent pas, comme à Wall Street mardi soir, avec un S&P qui a terminé sur un score de -0,07%.
A force d’abdiquer toute opinion en vertu du principe selon lequel le marché a toujours raison (l’autre façon de justifier une soumission permanente à la loi du plus fort), certains opérateurs influents n’ont pu résister à la tentation de créer des tendances de toutes pièces… puis de recommencer tant les "suiveurs" leur font aveuglément confiance.
▪ La confiance que semble refléter la reprise en main des indices américains par les acheteurs (+0,35% pour le Dow Jones, +0,65% pour le Nasdaq) contraste avec des achats d’or — à caractère défensif — qui propulsent l’once vers un nouveau record historique de 1 275 $ (soit un gain de 2,5%).
Par ailleurs, le yen — et ce n’est pas antinomique — continue de pulvériser des records historiques face à un dollar boudé par les cambistes. Le billet vert dévisse sous les 83 yens ; n’oublions pas que la devise nippone est aussi considérée comme un placement défensif.
▪ Mais la culture de l’immédiat continue de primer sur les indices boursiers. Les traders ont maintenant en tête le retracement des sommets estivaux, comme le seuil des 3 800 points testé par le CAC 40 les 5 et 6 août derniers, même si cela ne reflète aucune inflexion positive de la réalité économique… juste pour le symbole.
Les opérateurs n’ont manifesté aucune émotion lors de la parution des chiffres des ventes de détail aux Etats-Unis mardi après-midi. Certes, les ventes ont progressé de 0,4% au mois d’août (au lieu de +0,3% anticipé), mais le chiffre de juillet (+0,4%) a été symétriquement révisé à la baisse (+0,3%).
En détaillant un peu plus l’analyse, il apparaît que le mois d’août comportait cinq week-ends, ce qui est exceptionnellement favorable aux distributeurs… Et n’oublions pas les traditionnels premiers achats en prévision de la rentrée : la hausse des ventes serait, au moins pour une bonne part, purement mécanique.
Il ne s’est donc produit ni accélération ni dégradation de la consommation cet été. C’est en soi une bonne surprise compte tenu de la "profusion" des signaux de ralentissements identifiés par la Fed.
▪ Mais nous n’avons pu nous empêcher de sourire en découvrant les commentaires triomphants publiés par la plupart des médias anglo-saxons : "meilleur chiffre des ventes de détail depuis cinq mois, le consommateur américain se rit des prévisions alarmistes".
Ils ne sont pas obligés de biaiser l’information, ni de la présenter sous un jour tapageur… Et pourtant, le parti pris haussier est tellement manifeste qu’il en devient grotesque : mais pour qui "roulent" donc les chaînes économiques et financières en temps réel ?
Jamais aucun mouvement boursier ne leur semble suspect, même s’il est à l’évidence artificiel ou relève d’une manipulation pure et simple des cours ! Lorsque les indices grimpent, parfois de façon démesurée, ne sont interrogés que les partisans de la hausse éternelle de Wall Street, et jamais les sceptiques ni les analystes capables de démontrer qu’il y a anguille sous roche…
Or en ce moment, comme à l’automne 2007, ça grouille au fond du torrent !