La Chronique Agora

Il faut être deux pour danser le tango

Argentine, inflation, Cristina Fernández

Que se passe-t-il lorsque les revenus et les dépenses sont en décalage ? Quelques leçons de l’Argentine…

Aujourd’hui, je vous propose de jeter un œil vers le Nouveau Monde. Oui, il est temps de faire le point sur l’une des économies les plus absurdes, les plus mal gérées et les plus intrigantes du monde : l’Argentine.

Nous allons voyager à travers le pays de la pampa, du tango… Piazzolla et Gardel… des gauchos… des lamas… des pickpockets… et des bidonvilles…

… le vaste pays au pied de l’Amérique du Sud, où vivent 45 millions de personnes, dont un tiers au sein et autour de la capitale, Buenos Aires.

Nous nous rendons régulièrement en Argentine, depuis 25 ans… Nous avons investi dans une propriété il y a 15 ans… et nous y passons généralement deux ou trois mois par an, où notre activité principale se résume surtout à… empêcher les habitants de nous voler notre propriété.

Un siècle de chute

Au cours de ce quart de siècle, la monnaie argentine, le peso, est passée de la parité avec le dollar… à 3 pesos pour 1 dollar, lorsque nous avons acheté notre propriété… puis à 150 pesos pour 1 dollar aujourd’hui. Du moins au taux officiel : si l’on se réfère aux chiffres du marché « non officiel » ou marché noir, le taux est presque deux fois plus élevé, à 270 pour 1.

En 1910, l’Argentine était le septième pays le plus riche du monde. Aujourd’hui, son PIB par personne le place au 65e rang mondial, derrière le Kazakhstan, la Turquie et la Guyane.

Génial !

Mais tout le monde ne profite pas de la situation. Comme l’a rapporté l’Associated Press il y a quelques semaines :

« Un homme a tenté d’assassiner l’influente vice-présidente de l’Argentine, Cristina Fernández, devant son domicile, mais son arme n’a pas fonctionné, a déclaré le président du pays.

L’homme a été rapidement maîtrisé par les agents de sécurité de la vice-présidente lors de l’incident, selon les autorités.

Le président Alberto Fernández, qui n’a pas de lien de parenté avec la vice-présidente, elle-même ancienne présidente, a déclaré que le pistolet ne s’est pas déchargé lorsque l’homme a essayé de tirer. »

Échappée belle !

Promesses non tenues

Beaucoup pensent que cette tentative de meurtre était en réalité un coup monté pour que Mme Fernandez bénéficie d’une attention et d’une sympathie particulière. On peut se demander, par exemple, pourquoi un homme qui aurait vraiment voulu tuer la vice-présidente d’un pays ne se serait pas assuré d’avoir un pistolet en état de marche entre les mains.

Mais quelle tristesse cela aurait été si l’homme l’avait réellement tuée. Et… quelle joie aussi !

Mme Fernandez est l’un des personnages les plus corrompus de l’histoire de l’Argentine… et attention, la concurrence est rude. Elle est « péroniste », c’est-à-dire qu’elle suit les pas de Juan Peron, qui n’était pas en reste en matière de corruption. C’était aussi un maître de la politique, une compétence qu’il a acquise en observant Benito Mussolini dans les années 1930.

Immédiatement après avoir été élue à la Casa Rosada (la Maison Rose, réponse de l’Argentine à la Maison Blanche), Peron s’est engagé sur la mauvaise voie, en élaborant un « plan quinquennal » qui confiait au gouvernement la responsabilité du fonctionnement de l’économie, et condamnait la nation à une croissance lente et une politique bâclée. Depuis lors, le pays n’a cessé de glisser vers une récession en dents de scie, la pauvreté et l’inflation. Au début des années 1990, les prix à la consommation en Argentine augmentaient à un rythme de plus de 20 000% par an.

L’inflation a été maîtrisée par Carlos Menem, lorsqu’il a rattaché le peso argentin au dollar. Mais cela n’a pas duré. Menem a rompu l’arrimage en 2002. Depuis lors, l’inflation n’a cessé d’augmenter, rythmée par des crises financières épisodiques et étranges.

Un de nos amis, un avocat à New York, a par exemple été recruté par le gouvernement argentin pour tenter de récupérer un navire de la marine argentine, en 2012. Le navire avait été traqué pendant sa traversée de l’Atlantique puis, sous l’ordre de la cour, avait été saisi lorsqu’il était entré dans un port au Ghana. C’était la première fois dans l’histoire qu’un navire de la marine était capturé par un fonds spéculatif.

Le seul résultat possible

Aujourd’hui, le taux d’inflation est censé avoisiner les 70%, et plus d’un tiers du pays vit dans la pauvreté. Et l’inflation continue d’augmenter. Les Argentins conservent leur argent dans des dépôts en dollars – s’ils le peuvent. Mais, le gouvernement est aux abois. Le « secrétaire au Trésor » a renoncé à faire correspondre les recettes et les dépenses. Il a démissionné subitement en juillet.

Mais ce qu’il faisait était stupide. Un article de mises.org précise :

« Après la fin de la pandémie, au lieu de revenir sur la voie de l’équilibre fiscal et de la réduction de la dette, Guzmán a accéléré la voie des déficits élevés, qui ne peuvent être soutenus que par l’impression monétaire… En conséquence, les dépenses publiques augmentent actuellement plus rapidement que les recettes, et il n’est pas certain que le pays atteigne l’objectif de déficit qui a été convenu avec le FMI l’année dernière, afin d’éviter de faire défaut sur sa dette.

[…]

Mais si les politiques gouvernementales en matière de dépenses publiques restent les mêmes, elles conduiront l’économie argentine vers l’hyperinflation, qui est la seule issue possible pour un pays dont les déficits sont perpétuellement élevés et qui n’a pas accès aux marchés de la dette. »

Les Argentins ont déjà vu ce spectacle, comme le rapporte Bloomberg :

« Les Argentins ont retiré 1 Md$ de leurs comptes bancaires pendant la crise.

Les épargnants ont commencé à retirer leurs dollars des comptes bancaires à un rythme soutenu, lorsque l’ancien ministre de l’économie Martin Guzman a démissionné le 2 juillet, plongeant le gouvernement dans une crise encore plus profonde. 

Le troisième ministre argentin de l’économie depuis lors, Sergio Massa, a bénéficié d’une brève reprise du marché à son arrivée avant que les dépôts ne diminuent à nouveau. »

Les dépôts représentent en temps réel les attentes économiques des Argentins.

Fin 2001, alors que l’une des pires crises du pays frappait, le gouvernement a interdit les retraits importants aux guichets automatiques, contribuant ainsi au chaos social.

Kleptocratie héréditaire

Mais le mois dernier, après la tentative d’assassinat, des foules se sont rassemblées devant l’appartement de « Cristina Fernandez de Kirchner ». Ils ont affirmé qu’ils étaient là pour « défendre la démocratie ».

La raison pour laquelle ils voulaient défendre le système qui a ruiné le pays n’a pas été précisée. D’ailleurs, l’Argentine fonctionne plutôt comme une kleptocratie héréditaire. Comme « Isabelita » Peron avant elle, Mme Fernandez a été élue pour prendre la place de son mari décédé.

« Pourquoi restez-vous ? », nous demandent des gens.

Peut-être aurons-nous une meilleure réponse un jour. Mais, pour l’instant, nous pouvons seulement dire que nous aimons vraiment la nourriture, le vin, les gens et l’expérience d’apprentissage que ce pays nous offre.

Oui, nous avons subi quelques pertes financières, mais, au moins, nous avons appris à monter à cheval et à crier sur le bétail en espagnol.

« Aiii ! Vamonos ! »

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile