Contrairement aux marchés, nous n’avons pas toujours raison… Et c’est souvent ce qui distingue l’imbécilité de la capacité d’éviter les pièges les plus grossiers.
Les intervenants sont à présent saisis d’une peur viscérale de voir la crise de la dette des PIGS contaminer l’Italie. Ils ont peur que la BCE ou la Fed n’aient plus les moyens de réagir (les Etats-Unis se sont tiré une balle dans le pied avec le psychodrame politique concernant le plafond de la dette). Ils ont peur que les pays occidentaux s’enfoncent dans la récession…
Les regrets des permabulls
… Et ils ont peur également d’avoir pris tout ce qui précède à la légère. Ils réalisent enfin que finalement les perspectives n’ont jamais été bonnes et qu’ils se sont emballés. Ils regrettent d’avoir pratiqué la langue de bois consistant à réciter comme un mantra « l’argent est gratuit, les actions ne sont pas chères ».
Pas chères peut-être… mais il n’y a plus personne pour les acheter, même après des corrections de 40% à 50% en quelques semaines. Cette fois-ci, c’est le spectre du krach boursier qui flotte dans les salles de marché. Les sites boursiers anglo-saxons rivalisaient jeudi soir dans la surenchère catastrophiste avec des titres en caractères hyper gras (corps 16 ou 18) : « C’est la descente aux enfers, la plongée dans les abysses, la débâcle totale, une chute dramatique, le sauve-qui-peut général, la fuite éperdue vers la liquidité, la capitulation des acheteurs…« .
Un plongeon de -5% du Nasdaq rappelle assurément les pires séances de l’après-Lehman, de même qu’une chute de 500 points du Dow Jones (du jamais vu depuis le 1er décembre 2008) ou que l’effondrement de -4,78% du S&P 500 (qui clôture à 1 200 points tout rond). Et que dire de la flambée de +30% du VIX qui repasse au-dessus des 31 points ?
Ce genre de score vertigineux démontre que les marchés « qui ont toujours raison » n’avaient soit rien compris à la situation et rien vu venir, soit rien voulu prendre en compte.
Ces 6 derniers mois, tous les signaux d’alerte conjoncturels – et même la catastrophe de Fukushima – ont été systématiquement occultés ou – et c’est un comble ! – interprétés comme des opportunités d’achat.
Le déni de la réalité a été pratiqué avec un systématisme qui force l’admiration… Cela s’est encore confirmé jeudi soir : les commentaires « à chaud » des traders new-yorkais étaient édifiants.
Tout est de la faute des Européens !
Eh oui, car il faut bien trouver un coupable. Ce sont eux qui se rendent coupables du renversement du « sentiment général ». Rappelez-vous, le consensus était encore très haussier le 7 juillet dernier puisque le Nasdaq flirtait encore avec son zénith annuel des 2 875 points !
Assurément, sans les Européens, le Nasdaq serait maintenant à 3 000 points grâce à toutes les « bonnes nouvelles » dont les opérateurs peuvent se réjouir depuis un mois.
Mais au fait, n’est-ce pas aux Etats-Unis que les chiffres de la croissance ont été revus de +1,8% à +0,4% (une grande première dans l’histoire de la statistique officielle américaine) ? Nous n’arrivons pas à déterminer ce qui relève de la manipulation délibérée des chiffres ou de l’incompétence abyssale des statisticiens au plus haut niveau… Je pense que nous risquons de nous interroger encore très longtemps.
D’autre part, n’est-ce pas aux Etats-Unis que les députés du Tea Party ont annoncé clairement dès avril dernier (date du dépassement du plafond de la dette) leur intention d’envoyer le système fédéral actuel « dans le mur » en torpillant tout projet de compromis sur la réduction des déficits et le relèvement du plafond de la dette ?
Même Vladimir Poutine et des proches de Hu Jintao ont sévèrement critiqué l’attitude des ultra-libéraux (républicains ou affiliés au Tea Party), accusés de prendre en otage le Congrès, et partant de là, les créanciers des Etats-Unis.
La crédibilité des Etats-Unis comme puissance économique (et au passage comme premier emprunteur de la planète) a été sérieusement compromise par le pitoyable psychodrame politique des trois derniers mois. Mais bien entendu, les Européens sont responsables de tous leurs maux et la confiance inébranlable dans le mouvement perpétuel de Wall Street à la hausse s’est évaporée en à peine une semaine.
Comme l’affirme un vieux dicton: « la confiance monte par l’escalier mais descend par l’ascenseur »… (autre variable : la confiance part en courant et revient en marchant). Là, les marchés sont de toute évidence dans l’ascenseur !
Il faut acheter maintenant !
Plus personne ne prétend qu’il faut « acheter les creux ». Le mot d’ordre du jour est de ne pas chercher à rattraper le « couteau qui tombe ». Les plus facétieux prétendent que ne n’est pas un couteau mais une tronçonneuse. Petits blagueurs…
Les occasions d’acheter des « actions qui sont ridiculement bon marché » (un slogan qui est diffusé en boucle depuis mars dernier) foisonnent… mais il n’y a plus d’acheteur… Sauf nous !
Oui, car comme je l’expliquai ce matin à une de mes collègues, c’est maintenant qu’il faut racheter.
C’est vrai que d’un point de vue technique (et chartiste), nous assistons à une capitulation indicielle (dans d’énormes volumes) et à l’apparition d’un « cygne noir ». C’est-à-dire à un cas de figure graphique jamais observé : 10 séances de repli consécutif en Europe et 9 sur 10 pour le Dow Jones (pire série baissière depuis le désastre boursier de janvier 2009).
Shorter le marché après 9 séances de correction constitue dans 99,9% des cas le meilleur moyen de prendre un énorme bouillon… Mais apparemment pas en cet été 2011 car les robots continuent de vendre, obstinément, et ne semblent pas avoir fini leur purge.
Pour un logiciel algorithmique, la probabilité d’une hausse ou d’une baisse – même après 9 séances de repli – est toujours de 1 sur 2 à l’entame d’une nouvelle séance (et non pas de 1 sur 10, selon une logique typiquement humaine, intuitive et pleine de bon sens, ce dont les robots manquent cruellement).
Nous ne sommes pas obligés d’être aussi « intelligents » qu’eux (osons réaffirmer que notre intelligence n’est pas totalement artificielle) et nous revendiquons notre droit à l’erreur.
Nous allons donc poursuivre dans la même veine stratégique : jouer un repli de 5% ou 10% sur un stop-vente n’a guère d’intérêt lorsque certains titres affichent -50% depuis le début de l’année et même parfois depuis moins de 3 mois.
Entre deux gains potentiels, nous choisissons le plus substantiel… Et en l’occurrence, nous ne sommes pas hostiles à l’opportunité d’encaisser de copieux dividendes, tout en privilégiant des entreprises cotées dont le cours de bourse ne reflète même plus la valeur comptable de la trésorerie ou des cash-flows.
D’un point de vue technique, difficile de faire autrement
Nous observons par ailleurs qu’à 3 220 points (à l’ouverture, ce vendredi), le CAC 40 affiche exactement 20% de repli sur ses récents plus hauts (4 020 points) de début juillet.
C’est très exactement le même niveau de pertes que celui observé qu’entre le 15 avril et le 25 mai 2010 : -20% entre 4 085 et 3 287 points… Et la similitude ne s’arrête pas là puisque le CAC 40 était passé de 3 775 à 3 287 points en très exactement 9 séances. Il avait repris +8% en trois séances (à 3 550 points), +9,5% en 7 séances (à 3 600 points) et +14% (à 3 750 points) en 4 semaines, avant de revenir à la case départ.
Si partant des mêmes supports, le CAC 40 ne rééditait pas cette séquence et enfonçait résolument les 3 330 points (le plancher de fin mai puis début juillet 2010), rien ne retiendrait la chute de l’indice en direction des 3 000/2 980 points (plancher du 10 juillet 2010). Qu’à cela ne tienne, les opportunités d’achat n’en seraient que plus nombreuses.