La Chronique Agora

Il est temps de passer au Plan B

** Le monde tourne. Il tourne et tourne. Il ne semble jamais s’arrêter. Oh… nous avons le vertige.

* Eh bien qu’il fasse froid et sombre aujourd’hui… hop ! Bientôt il fera chaud et beau. Depuis hier, chaque journée durera un peu plus longtemps. Nous nous rapprocherons peu à peu du soleil.

* En attendant, nous n’arrivons pas à nous rappeler Noël plus lugubre. Partout dans le monde, les usines se ferment. Les gens perdent leurs emplois. Les banques saisissent des maisons. Les prix baissent.

* Ce matin, nous avons parlé à Elizabeth : "l’an prochain, nous devrons passer au Plan B".

* "Le Plan B ?"

* "Oui… nous allons devoir réduire nos dépenses. Le Plan A, c’est quand on continue comme si de rien n’était. Le Plan B, c’est quand on se débarrasse de quelques-uns de tes chevaux. Et puis il y a le Plan C…"

* "Le Plan C ?"

* "Oui : dans le Plan C, on mange les chevaux !"

* En Californie, le chômage a atteint un sommet de 14 ans, à 8,4%. Les ventes de voitures européennes ont plongé. HSBC déclare avoir besoin de plus d’argent. Louis Vuitton a annulé l’ouverture d’une nouvelle boutique à Tokyo. A l’aéroport de Gatwick, à Londres, le trafic a baissé de 13% par rapport à l’année précédente.

* Ce ne sont que les titres du jour. Chaque jour est à peu près similaire au précédent : de nouvelles baisses… de nouvelles faillites… de nouveaux problèmes.

* Les gens veulent tous mettre leur argent dans des bons du Trésor US — même avec des rendements minuscules. Ils ne gagneront peut-être pas d’argent, se disent-ils, mais au moins ils n’en perdront pas (nous prédisons qu’ils en perdront beaucoup ; mais quand… nous ne saurions le dire).

* Et nous allons hasarder une autre prédiction : lorsqu’il fera à nouveau chaud et beau à Paris et New York, la crise financière sera encore sur nous. C’est vrai — les cycles boursiers durent plus longtemps que les cycles planétaires. Le marché haussier des actions a commencé lorsqu’il faisait chaud et beau en août 1982. Depuis, la Terre a fait 26 fois le tour du soleil… et le Dow a été multiplié par 20 ou presque.

* Vous ne pensez pas qu’un marché générationnel si énorme sera corrigé en une seule année, si ? Vous ne pensez pas que la correction ne fera baisser le Dow que de 45%, n’est-ce pas ? Vous ne pensez pas que les gens pourront s’en tenir au Plan A, si ?

* Nous pas. Le pire reste à venir. Voici pourquoi :

** Lorsque le boom a commencé, les gens ont mis du temps à se mettre dans l’humeur. Ils se rappelaient les années 70 et s’inquiétaient. Alors que le Dow passait de 800 à 1 800, ils pensaient voir un krach à tous les coins de rue. Puis, en octobre 87, le Dow a atteint 2 700 points et s’est effondré — une baisse de 507 points sur une journée. Les investisseurs pensaient que le marché baissier était terminé. Au lieu de cela, il continua.

* En décembre 96, le Dow avait atteint 6 437 points. Alan Greenspan, tout aussi benêt au début de sa carrière qu’à la fin, annonça que c’était le résultat d’une "exubérance irrationnelle".

* Mais le boom continua. Et progressivement, les gens en vinrent à accepter que les actions grimpaient toujours "à long terme", et que les prix des maisons augmentaient quoi qu’il arrive. Ah oui, et les emplois étaient toujours disponibles… de même que le crédit. Au début du boom, les gens épargnaient environ 10% de leurs revenus. Mais à mesure que leur foi dans le boom augmentait, leur épargne diminuait. Il n’y avait plus besoin de mettre de l’argent de côté pour les mauvais jours — parce qu’il ne pleuvait jamais.

* Et s’ils avaient besoin d’argent, ils pouvaient toujours ponctionner l’épargne de quelqu’un d’autre ! Stocker de l’argent commençait à sembler aussi vieux jeu que les conserves de légumes. Pourquoi se donner tant de peine ? On peut avoir toutes les tomates fraîches qu’on veut au supermarché. Et jusqu’à récemment, les Américains pouvaient obtenir tout le cash qu’ils voulaient avec des cartes de crédit et les hypothèques.

* Le taux d’épargne atteignit le zéro.

* Puis, bien entendu, il commença à pleuvoir. A présent, le manque d’épargne se transforme en crise sérieuse au niveau des ménages. Fini, les visages souriants dans les filiales des prêts immobiliers. Finies aussi, les cartes de crédit arrivant par la poste.

* Une petite idée de l’université de Durham, en Grande-Bretagne : on aurait pu penser que durant l’époque de la bulle, les gens utilisaient leur crédit pour des dépenses extraordinaires… comme par exemple agrandir leur maison, ou prendre des vacances exceptionnelles. Si c’était le cas, ils pourraient simplement abandonner les dépenses inhabituelles. Leurs vies seraient peut-être moins amusantes… mais au moins ils seraient solvables. Sauf que ce n’est pas le cas. Il s’avère que les emprunteurs se sont habitués à vivre en retirant de l’argent de leurs maisons. Ils comptaient sur ces sommes pour combler les creux dans le budget du ménage.

* James Saft : "il semblerait que même durant les périodes de boom en Grande-Bretagne, les gens n’hypothéquaient pas leurs maisons simplement pour s’acheter une BMW ou payer leurs vacances, mais souvent pour faire tourner leur ménage durant les périodes difficiles".

* Bref, ils utilisaient l’emprunt en lieu et place d’épargne — l’utilisant quand ils tombaient malades, perdaient leur emploi ou vivaient toute autre sorte de crise.

* A présent, une nouvelle crise arrive — la crise financière mondiale — et ils doivent passer au Plan B. Mais comment ? Ils n’ont pas d’épargne. Ils ne peuvent plus emprunter. Que feront-ils s’ils perdent leurs emplois ?

* "On peut toujours trouver du travail dans un fast-food" était un cousin lointain des "actions qui montent toujours à long terme". Ces deux fantasmes dépendaient d’un boom. Maintenant que le boom a disparu, les emplois aussi… Dans peu de temps, les gens auront le regard fou… et un couteau de boucher à la main. Attention à toi, Flicka ! Sauve-toi vite, Etalon noir !

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