▪ Si WikiLeaks fait la une de tous les journaux, votre correspondant californien considère que les "Icky-Leaks" (les émissions dégueulasses) émises par la Réserve fédérale sont beaucoup plus intéressantes — on a en effet appris que la Fed a distribué des milliers de milliards de dollars sous le manteau en sauvetages d’entreprises et garanties au cours de la crise de 2008 et début 2009.
Grâce à une habile clause dans la loi de réforme Dodd-Frank, la Fed a été obligée de tout déballer sur ces détails embarrassants. Le 1er décembre elle a publié une liste exhaustive et détaillée d’entreprises ayant bénéficié d’un sauvetage, ainsi que des sommes que chacune a reçu.
Selon The Nation, "le document confirme que les 700 milliards de dollars du département du Trésor consacrés au sauvetage des banques… et votés dans une loi sous l’ère du président George W. Bush en 2008, n’étaient en fait qu’un petit acompte d’un ‘sauvetage déguisé’ secret qui a vu la Fed fournir environ 3 300 milliards de dollars en disponibilités de trésorerie et plus de 9 000 milliards de dollars en prêts à court terme et autres arrangements financiers".
Bernanke s’est violemment opposé à ces révélations… pour des raisons évidentes. En effet, celles-ci révèlent la relation trop intime entre la Fed et Wall Street. Elles mettent également en lumière une sorte d’arrogance institutionnalisée : la Federal Reserve sait ce qui est le mieux pour nous même si nous ne le savons pas nous-mêmes… ou si nous ne la croyons pas.
Au cours de ces derniers mois, le président Bernanke a régulièrement et constamment affirmé le besoin de secret de la Réserve fédérale. Selon lui, la transparence compromettrait l’indépendance de la Fed. Cet argument est ridicule. Le secret facilite la corruption et les abus. La transparence permet de les éviter.
Il s’avère également que cette approche est en totale cohérence avec l’incitation à la tromperie et qu’elle conduit à un capitalisme "de copinage"… tout comme elle distribue des énormes chèques de renflouements aux banques de Wall Street sans jamais dévoiler au grand public quand et combien d’argent a été versé.
Ceci n’est pas une situation saine pour une économie qui prétend pratiquer un "capitalisme d’économie de marché".
▪ Mais à présent que la Fed a perdu son "droit" de confidentialité, le peuple américain apprend des vérités très laides. L’une d’elles par exemple est que plusieurs grandes banques de Wall Street ont reçu une aide beaucoup plus importante de la part de la Fed que ce qui avait été annoncé au cours de la crise 2008-09. Les bénéficiaires de la Fed et la Fed elle-même ont été aussi muets que des carpes au sujet des activités de sauvetage spectaculaires de la Fed.
Le sénateur Sander l’a rappelé récemment : "il y près de deux ans, j’ai demandé au président Bernanke de dire aux Américains quelles institutions financières et quelles entreprises ont reçu des trillions de dollars dans le cadre du sauvetage de Wall Street. Il refusa. [Mais à présent], à la suite d’une clause permettant d’auditer la Fed que j’ai intégrée dans la loi de réforme financière, nous avons finalement appris la vérité — et c’est stupéfiant".
Au cours de la crise, la plupart des banques de Wall Street ont admis avoir reçu quelques milliards de dollars comme le prévoyait le plan TARP (après quoi ils ont tous crié au scandale pour son remboursement). Mais ils n’ont jamais pipé mot à propos des milliards de dollars qu’ils ont obtenu sous le manteau.
Goldman Sachs a emprunté des milliards au Primary Dealer Credit Facility de la Fed mais ne s’est jamais donné la peine de mentionner ce fait dans aucun de ses rapports auprès de la SEC. Goldman a été tout aussi silencieux à propos de son emprunt à la Term Securities Lending Facility de la Fed. Ce n’est qu’aujourd’hui — près de deux ans plus tard — que nous apprenons ce qui s’est réellement passé.
"Morgan Stanley a vendu à la Fed plus de 205 milliards de dollars de titres hypothécaires de janvier 2009 à juillet 2010", affirme The Huffington Post, "tandis que son plus grand rival, Goldman Sachs, en vendait pour 159 milliards de dollars. Citigroup, la troisième plus grande banque américaine en valeur d’actifs, a vendu à la Fed près de 185 milliards de dollars en bons hypothécaires. Merrill Lynch/Bank of America en a vendu près de 174 milliards de dollars. On ne sait pas clairement de combien ces sociétés ont profité mais il est évident qu’elles ont bien fait des bénéfices".
Ces sauvetages d’une importance indécente, financés par les contribuables, ne sont pas seulement répréhensibles pour avoir été menés de façon secrète ; ils sont répréhensibles car ils ont dupé les contribuables, les détenteurs de dollars, les investisseurs et tous les autres individus qui méritent des marchés financiers honnêtes et transparents.