Un prix auquel nous sommes tous confrontés augmente bien plus vite que l’inflation depuis des décennies. A qui la faute ?
La semaine dernière, nous avons commencé à nous pencher sur le sujet de l’inflation d’une manière un peu différente de celle que vous pourriez lire dans la presse mainstream.
Plutôt que de nous concentrer sur l’évolution des prix à la consommation sur un an, et de mettre en causes les crises diverses et variées, nous avons déplacé notre regard sur le temps long, et cherché qui était réellement derrière les hausses. Après celles des prix de l’électricité (71% sur 20 ans) et du gasoil (90%), nous nous intéressons aujourd’hui à deux hausses qui sont encore plus importantes.
Logements : 167,5% de hausse en 20 ans
L’indice des prix des logements (IPL), neufs et anciens, publié par l’Insee a progressé de 167,5 % depuis l’an 2000, comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous.
Cette envolée des prix a plusieurs explications, en dehors de la faiblesse des taux d’intérêts sur laquelle nous ne nous étendrons pas.
La première tient au décalage entre l’offre et la demande de logements. On parle d’un déficit cumulé, en dix ans, de 740 000 logements. Cette pénurie de logements trouve une partie de son explication dans l’augmentation des prix des terrains – qui décourage les futurs acquéreurs ou qui disqualifie des programmes immobiliers faute de rentabilité suffisante.
Les prix du foncier ont, en effet, progressé partout en France ces dix dernières années : « De 28 % en Bourgogne-Franche-Comté, qui affiche la hausse la plus modeste, à 77 % en Normandie, en passant par 51 % en Île-de-France. » Ces 25 dernières années, les coûts du foncier ont même été multipliés par 6 en moyenne en France.
C’est principalement le rationnement législatif du foncier constructible qui explique cette hausse.
De la loi d’orientation foncière de 1967, en passant par les lois de protection de la nature de 1976 et 1995, les lois d’orientation sur la ville de 1991, 1996 et 1998, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire en 1999, jusqu’à la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) de 2000, dont une des dispositions vise à éviter l’étalement urbain…
Il y eut ensuite les lois de 2009 et 2010, dites « Grenelle 1 et 2 de l’environnement », qui limitent encore la « consommation d’espace » et imposent la planification de la « consommation d’espace future », ôtant tout rôle de détermination des besoins de logement (ou de bâtiments d’entreprise) au marché.
Puis ce fut le tour de la loi ALUR (accès au logement et urbanisme rénové) de 2014, qui prévoit que toute zone ouverte à l’urbanisation doit faire l’objet d’une justification examinée par les autorités préfectorales et empêche, en pratique, une urbanisation qui n’augmenterait pas les densités.
Le déficit de logements va s’accentuer
Enfin, la loi Climat et Résilience d’août 2021 force les communes à introduire, dans leurs plans locaux d’urbanisme, un pourcentage beaucoup plus élevé de territoires interdits d’urbanisation. Elle y ajoute l’objectif d’une division par deux de l’artificialisation des sols d’ici 2030 et d’une ZAN (Zéro Artificialisation Nette) à partir de 2050. Des objectifs à tenir peu importe l’évolution démographique du pays d’ici là.
En somme : tout est fait pour rationner les terrains et donc les logements.
La suppression de la taxe d’habitation accentue encore le phénomène. Des maires s’interrogent sur la construction de nouveaux logements, puisque les recettes fiscales adossées à chaque nouveau logement neuf se réduisent, ce qui complique le financement des infrastructures liées à l’augmentation de la population (transports, équipements, enseignement, etc.).
Deuxième explication à la hausse des prix des logements, en particulier pour les logements neufs : l’augmentation des coûts de construction. En dehors du phénomène conjoncturel lié à la reprise post-Covid et à la guerre russo-ukrainienne, il existe des raisons structurelles liées à la réglementation.
Dans une étude de 2013, la Fédération française du bâtiment (FFB) a estimé l’impact des normes sur les prix de construction. Une opération de 40 logements de 50 m2 revenait à 950 € à 1 200 € le mètre carré habitable en 2000. Onze ans plus tard, c’était 1 600 € à 1 800 €/m2. Les experts de la FFB estimaient le surcoût réglementaire et normatif sur la période entre 23% et 38%.
Le coût de la construction explose
Et la machine à normes ne s’est pas arrêtée depuis 2013. Par exemple, ces dernières années : renforcement de l’obligation d’ascenseur (2019), douche sans ressaut (2020), obligation d’un contrôle de réception du dispositif de ventilation (2021), augmentation de la surface de stationnement pour les vélos (2021), réglementation environnementale RE2020, collecte sélective (7 flux) des déchets de chantier (2021), obligation d’effectuer un repérage d’amiante naturel dans les terrains à bâtir (2022), obligation d’une étude sur le potentiel de réversibilité et d’évolution future des bâtiments (à partir de 2023), règles constructives spécifiques dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques (PPR), etc.
C’est ainsi que l’indice du coût de la construction (ICC) des immeubles à usage d’habitation publié par l’Insee a augmenté de 74% entre début 2000 et fin 2021. C’est plus de deux fois la hausse des prix à la consommation sur la période (33%) !
N’oublions pas les obligations en matière de logement social qui contraignent les promoteurs :
« A vendre à perte, lors de toute opération de logement collectif, une partie du parc ainsi construit (souvent 30%, parfois plus) à des bailleurs sociaux, à charge pour les promoteurs de répercuter la perte sur les logements vendus au secteur privé.
Le résultat est que tout acheteur d’un bien en immeuble collectif paie aujourd’hui une ‘taxe discrète’, impôt caché n’apparaissant dans aucune statistique fiscale, mais qui renchérit de 5 à 15% le coût de son logement. »
Encore une fois, c’est bien l’action réglementaire et fiscale des gouvernements qui contribue au renchérissement des prix de l’immobilier, privant ainsi les plus modestes d’accéder à la propriété.
Cigarettes : 228% de hausse en 20 ans
Longtemps, l’augmentation du prix du tabac a suivi celle du coût de la vie. C’est la loi Évin de 1991 qui, en retirant le tabac de l’indice des prix, permet de l’augmenter fortement. De fait, entre 1991 et 2000, le prix du tabac est multiplié par deux.
A la faveur du premier plan cancer, la hausse est encore de 42% entre 2002 et 2004. Entre 2005 et 2009, le tabac ne subit aucune modification notable de son prix. Puis, les prix repartent à la hausse avec le deuxième plan cancer : 24% d’augmentation entre 2010 et 2015.
Le programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2018-2022 prévoit plusieurs augmentations annuelles afin de porter progressivement le prix moyen du paquet de cigarettes à 10 € à la fin 2020. Fin 2021, le prix moyen du paquet de cigarettes de la marque la plus vendue était à 10,50 €.
Depuis l’année 2000, lorsqu’il coûtait 3,20€, il a donc subi une augmentation de 228%.
Cette augmentation du prix de la cigarette est bien évidemment due à l’augmentation des taxes.
En 2021, celles-ci, TVA comprise, représentaient ainsi 554% du prix HT d’un paquet. Sur les 10 € que paye le fumeur, 0,57 € reviennent au fabricant, 0,99 € au buraliste et 8,44 € à l’Etat.
La cigarette, et plus largement le tabac, est donc aujourd’hui le produit de consommation proportionnellement le plus taxé en France. En 2020, la fiscalité sur le tabac a rapporté 18 Mds€ à l’État (environ 15 Mds€ de droits d’accises et 3 Mds€ de TVA), soit 7% des recettes fiscales (256 Mds€ dans le rapport de la Cour des Comptes).
C’est sans doute pourquoi le gouvernement prévoit une nouvelle hausse des taxes sur le tabac, qui se concrétiserait par une augmentation du paquet de cigarettes en 2023 de 0,70 à 1 €.
La lutte contre le tabagisme a bon dos puisque, alors que les taxes augmentaient de plus de 200% en 20 ans, la proportion de fumeurs dans la population ne baissait que de 15%. En revanche, la hausse des taxes a fait progresser le marché parallèle, qui représente aujourd’hui un tiers du marché légal.
Nous verrons dans le dernier article de cette série comment une autre hausse importante nous affecte encore plus, puis la solution pour limiter voire annuler toutes ces augmentations de prix.