La Chronique Agora

Fini, les vaches maigres ! (Au ranch, du moins…)

ranch Bill Bonner Gualfin

La rentabilité est une conquête : il faut planifier ses investissements très soigneusement et, dans le domaine agricole, espérer que Dame Nature coopérera…     

Ce week-end, nous avons descendu la vallée pour jeter un oeil à la nouvelle ferme. Elle couvre quelque 500 acres au bord de la rivière (200 hectares), qui peuvent être irrigués. Elle est à deux jours du ranch de Gualfin – du moins deux jours lorsqu’on conduit du bétail.

L’idée est de faire collaborer les deux endroits. Le bétail vit au ranch, broutant dans les prairies d’altitude. Ensuite, les veaux… et quelques-unes de leurs mères… descendent dans la vallée pour être engraissés et vendus.

Les années de sécheresse – qui semblent être fréquentes –, on peut amener les animaux à la ferme, plus bas, où ils peuvent patienter en se nourrissant des réserves de foin.

« Fini les vaches maigres », a déclaré l’intendant.

Un sol salé

La visite était menée par notre voisin – qui a un caractère bien trempé et connaît tout et tout le monde dans la vallée. Nous l’avons embauché pour qu’il mette la ferme sur pied.

« Houlà… Vous ne pouvez pas planter de luzerne ici », a-t-il dit en montrant les terrains bas, près de la rivière. « Il y a trop de sel dans le sol. Là, un peu plus haut… on peut planter de la fétuque. Ca supporte un peu de sel. Là, on va mettre une clôture… Et puis là-bas, un parc à bestiaux. J’ai commandé un râteau et une nouvelle botteleuse. Je vais aussi vous trouver quelques chevaux. Vous en aurez besoin quand vous serez ici. »

Notre voisin, Lucas, n’arrête jamais de parler. Il a un accent local très prononcé… et utilise son propre patois bien à part. Nous avions du mal à le suivre, lui et ses plans.

« Evidemment, c’est vous le propriétaire », nous a-t-il finalement rassuré. « Vous faites ce que vous voulez ». »

Nous commencions à en douter. D’abord parce que nous n’avions pas la moindre idée de quoi faire. Nous avons quelques lointains souvenirs de la culture du tabac dans le Maryland, mais rien ou presque sur la manière de gérer un élevage de bétail en Argentine, réparti sur des milliers d’acres et 600 mètres de dénivelé.

A Gualfin, il fait froid et il y a du vent. Là en bas, il faisait bon.

Ensuite, parce que nous avions commencé à croire que Don Lucas ferait ce qu’il voudrait de toute façon.

Une marée de Malbec

Nous avons chevauché toute la journée, sur des chevaux peruanos. Ils parcourent la route d’un pas égal, bien loin des chevaux criollos que nous avons au ranch. Ils sont bien élevés et confortables…

… Et ils sont également essentiels. Parce que la moitié de la ferme – dont la maison – est du côté opposé de la rivière. Lorsque l’eau est haute, comme en ce moment, on ne peut pas la traverser en voiture ou en camion.

Mais les chevaux ont traversé sans trop de problèmes, même avec nous sur le dos et de l’eau qui leur montait jusqu’au poitrail.

Après des heures passées sous le soleil à vérifier les fossés d’irrigation, les piles de bois à brûler, les routes et les barrières, nous sommes revenus sous le petit « abri à asada » de Lucas, un bâtiment confortable près des étables, utilisé uniquement pour organiser des barbecues.

La conversation fut joviale, ponctuée de portions gargantuesques de chèvre grillée et arrosée par une marée de Malbec local. Nous avons cependant essayé de ramener Lucas au vrai sujet du jour : les affaires.

« Je voudrais être sûr de comprendre. Avec ce maïs et ce foin supplémentaire, nous devrions pouvoir ajouter environ 100 kg à chaque animal que nous vendons ? »

« Non seulement ça », a-t-il répondu en faisant rouler sa tête sur ses épaules, s’échauffant comme un vieux tracteur qui démarre, « mais la fertilité va augmenter elle aussi. Vos vaches ne font pas de veaux parce qu’elles ne sont pas en bon état physiquement. Nous les ferons descendre ici, pendant quelques mois. Ensuite, lorsque nous les remonterons, elles seront prêtes à concevoir une nouvelle fois. Nous aurons ainsi plus de veaux. Et des animaux plus lourds. »

« Oui, c’est ça l’idée », lui avons-nous rappelé. Nous essayons de réduire les pertes annuelles sur le ranch, afin d’atténuer notre culpabilité à l’idée de le transmettre aux enfants.
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Tout compte fait…

« Voyons voir ». Nous étions décidé à faire quelques calculs. « Nous ne vendons que 200 animaux par an pour l’instant, en gros… à seulement une centaine de kilos chacun… Pour 100 $ par tête environ ».

« Ah ça, évidemment, avec la sécheresse… qu’espériez-vous ? »

« De sorte que maintenant, avec plus de nourriture disponible, nous devrions avoir le double d’animaux à vendre… et chacun devrait être deux fois aussi lourd. Donc au lieu de vendre 200 animaux, des veaux en majeure partie, chaque année, nous en vendrons 400. Et au lieu de les vendre à 100 kg, nous les vendrons à 200 kg. C’est bien ça ? »

Lucas a fait rouler sa bonne tête rusée.

« Eh bien, il faudra quelques années pour consolider le troupeau. »

« Oui, je comprends bien. Il faut garder les jeunes femelles. »

« Et vos veaux sont croisés criollo. Ils n’engraissent pas facilement, même quand ils ont beaucoup à manger. Il va falloir faire venir de nouveaux taureaux. Ceux à face blanche [des Braford, ndlr.]. Il va falloir quelques générations pour obtenir des animaux vraiment adaptés à ce climat. »

« Ah… bon… d’accord »…

« Et je ne compterais pas sur 400 bêtes. Je dirais plutôt 300 ».

« Pourquoi ? »

« Comme ça, vous ne pourrez pas m’en vouloir ! Mais si vous voulez plus de bétail, vous pouvez acheter La Banda Grande, El Churcal ou Luracatao ».

Lucas venait d’énumérer les noms de trois gros ranches de la région – tous à vendre, selon la rumeur.

Il souriait d’un air finaud. L’un de ces ranches fait 400 000 acres. Un autre est à environ 150 000 acres. Quelle que soit leur taille, cependant, ils ne sont pas rentables. Comme Gualfin, ils sont trop en altitude, trop arides et trop isolés. Seul un idiot les achèterait, disent les autochtones.

Le sourire de Lucas s’élargit.

« Les propriétaires espèrent tous les vendre – à vous ».

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