Les éditions des Belles Lettres viennent de publier en français La Grève (Atlas Shrugged) d’Ayn Rand, en format poche. Ce pavé tombe à pic.
La lecture de ce livre publié pour la première fois en 1957 est plus utile pour comprendre le monde de 2017 que les prétendus débats électoraux dont on nous afflige.
Ne croyez pas que vous allez vous ennuyer : La Grève est un roman, une histoire avec beaucoup de souffle et vous tournerez avidement les pages. C’est un roman sur l’industrie, la finance, le milieu des affaires américain, le capitalisme de copinage, le lobbyisme et la Parasitocratie.
Les gentils sont les entrepreneurs, les honnêtes travailleurs amoureux de leur métier, les passionnés, ceux qui veulent avancer. Les méchants sont les politiciens, les affairistes, les profiteurs quelle que soit leur classe sociale, les altruistes prétendant faire la charité avec l’argent des autres. Bref, tous ceux qui aiment arranger des échanges gagnant-perdant.
« – Je pensais qu’un homme comme vous… Vous avez pas idée comme les gens peuvent être moches, prêts à vous marcher dessus et à profiter de vous, si vous les laissez faire. Je croyais que les gens importants comme vous pouvaient y échapper ; ne pas se laisser bouffer par des parasites de toutes sortes, mais je me trompe peut-être.
– Qu’entendez-vous par ‘se laisser bouffer par les parasites’ ?
– Je me dis ça parfois quand les choses vont mal et que je dois prendre la tangente pour pas me sentir bouffée par les parasites et les nuls. Mais c’est peut-être pareil pour vous, sauf que les parasites sont plus gros.
– Beaucoup plus gros. »
La Grève est un roman philosophique, un roman économique, un roman sur le désespoir et la frustration mais aussi sur la réussite, la liberté et l’indépendance d’esprit.
Mais quel rapport avec le monde de 2017 ?
Une phrase revient, tel un fil conducteur, prononcé par des personnages divers lorsqu’ils sont trop empêtrés dans leur propre vie : « Qui est John Galt ? ».
Cette phrase résonne comme le « bon courage » qui tient aujourd’hui de salutation en France. Comme si affronter la simple vie quotidienne nécessitait de nos jours l’étoffe d’un héros.
« L’adversaire contre lequel elle se vit bientôt obligée de lutter ne méritait d’être ni combattu ni vaincu. Il ne possédait aucune compétence supérieure à laquelle elle aurait été fière de se mesurer. Non, au contraire, elle se heurtait à l’incompétence — un Etat sans consistance, mou et informe, qui n’offrait aucune résistance à rien ni à personne, mais qui n’en constituait pas moins un obstacle sur son chemin. »
60 ans après la publication de La Grève, l’Etat-providence et la stabilité d’un système financier intrinsèquement frauduleux justifient toutes les actions du gouvernement. Les fondements du capitalisme honnête sont ébranlés. La responsabilité a disparu puisque la sanction de la faillite est évitée à certains privilégiés proches du pouvoir et de l’argent.
La destruction créatrice et la croissance de la productivité sont sacrifiées sur l’autel de la démagogie et du clientélisme.
La manipulation des taux d’intérêt sert les privilèges de quelques uns qui ont accès à un crédit illimité et gratuit. Des miettes distribuées sous forme de prestations sociales camouflent l’escroquerie.
Autrefois, les voleurs des grands chemins avaient l’élégance de ne réclamer que « la bourse ou la vie ». Lorsqu’ils prenaient l’argent, ils laissaient la vie sauve.
De nos jours, nos nouveaux voleurs de grands chemins nous prennent la bourse et notre temps. Ils nous taxent mais ils nous volent aussi notre temps qui est notre capital le plus précieux. Ils le volent de deux façons. En premier lieu, ils trichent sur les taux d’intérêt qui rémunère notre épargne, la rémunération de notre temps déjà passé. En deuxième lieu, la complication administrative, réglementaire, qui absorbe notre temps et notre énergie leur sert à masquer leurs larcins, à les enrober de bons sentiments.
Mais il n’y a pas de meilleure façon de le découvrir de façon distrayante que de lire La Grève.