La Chronique Agora

Un Green deal pour relancer la croissance, ou le capitalisme de connivence ?

Ursula von der Leyen a présenté son pacte vert (« Green deal ») pour l’Europe le 11 décembre dernier. L’objectif principal en est d’assurer la transition énergétique européenne en réduisant, d’ici 2030, de 50 à 55% les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) par rapport à 1990.

En termes de moyens financiers, la présidente de la Commission a confirmé le chiffre de 1 000 Mds € sur 10 ans et a précisé qu’« au moins 25 % du budget à long terme de l’UE devraient être consacrés à l’action pour le climat », sans compter le soutien de « la Banque européenne d’investissement, qui est la banque européenne pour climat ».

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Présenté comme « une feuille de route ayant pour objectif de rendre l’économie européenne durable en transformant les défis climatiques et environnementaux en opportunités dans tous les domaines d’action et en garantissant une transition juste et inclusive pour tous », le projet de Green deal européen coche chaque case de la checklist de tout plan keynésien version XXIème siècle qui se respecte. Si Les Inconnus étaient encore en activité, ils en feraient certainement un sketch.

Par ailleurs, comme tout plan d’investissement, le Green deal d’Ursula von der Leyen est censé garantir un surplus d’activité économique à une Union en mal de croissance. La présidente de la Commission a ainsi déclaré que « le Green deal européen est la nouvelle stratégie de croissance de l’Europe. Il réduira les émissions tout en créant des emplois et en améliorant notre qualité de vie. »

Si vous doutez des vertus du keynésianisme, c’est que vous n’avez pas écouté la présidente de la Commission expliquer qu’il n’y a de toute façon pas d’alternative :

« Si certains parlent des coûts, nous devrions toujours garder à l’esprit les coûts supplémentaires si nous n’agissons pas maintenant. »

Pour enfoncer le clou, Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission en charge de ce Green deal, a par ailleurs rappelé l’éternel argument en carton-pâte des keynésiens, à savoir que « le coût du capital à l’heure actuelle n’est pas très cher. »

Bardé de tous ces qualificatifs majestueux, le Green deal d’Ursula von der Leyen a-t-il vocation à être quelque chose de merveilleux ?

Je ne pense pas.

Tout d’abord, il est une nouvelle preuve – s’il en fallait – que la plupart des politiciens de profession ont soit la conviction que déverser des milliards d’argent public permet de résoudre n’importe quel problème en faisant des miracles, soit la prétention de faire avaler de telles sornettes aux électeurs.

Or comme le rappelle un ingénieur du Manhattan Institute sur Contrepoints :

« Les grandes transitions énergétiques du passé, à savoir par exemple le remplacement de la voiture à cheval par l’automobile, et du chauffage à charbon par le combiné fuel-gaz-électricité, n’ont pas été planifiées. Elles ont émergé naturellement par les forces du marché, au fur et à mesure que leurs avantages intrinsèques ont rendu l’investissement désirable par les agents économiques.

Même les révolutions de réseaux, telles que l’eau courante ou l’électricité, si elles ont nécessité un peu d’intervention publique pour des problèmes de gestion de l’espace dévolu à ces réseaux, ont été largement fondées sur l’initiative privée. »

Un autre argument de poids est tout simplement que la planification centrale de grande envergure n’a jamais fonctionné, nulle part :

« Aucune planification de grande ampleur ne peut être réussie par un pouvoir étatique et centralisé, simplement parce que la ‘coordination’ publique de millions d’agents économiques est impossible. La planification a été essayée à grande échelle par de nombreux pays au siècle dernier : inutile, je pense, de revenir sur les échecs à la fois économiques, environnementaux, démocratiques et humains flagrants qui en ont résulté.

Les politiciens qui prétendent transformer leurs croyances en ‘plan’ – la fameuse présomption fatale conceptualisée par Hayek – n’écouteront que les flatteurs qui leur disent que c’est possible (qui leur demanderont des budgets, des marchés publics, des subventions), minimiseront les difficultés et exagéreront les bénéfices attendus. »

Green deal européen : cui bono ?

En somme, les gagnants de ce Green deal seront les lobbyistes bruxellois les plus efficaces et leurs clients, et les perdants seront les contribuables européens et les entreprises qui n’auront pas leurs entrées dans les commissions indiquées à Bruxelles. Ce Green deal se déroulera comme à chaque fois que l’UE avance un orteil supplémentaire sur la voie de la subvention publique, donc du capitalisme de connivence.

Comme l’explique Michel Gay sur Contrepoints :

« Il s’agit d’un véritable appel à dépenser l’argent public pour financer des industries estampillées développement durable, et pour faire investir les banques dans des énergies renouvelables coûteuses et inefficaces. C’est un capitalisme de connivence qui est ici encouragé dans le vert. […]

Le capitalisme de connivence décrit une économie où le succès en affaires dépend de relations étroites avec les représentants du pouvoir : gouvernements, commissions diverses… […] Avec 1 000 Mds€ à distribuer, il faudra avoir des copains à la Commission européenne pour prospérer à l’ombre de tout cet argent public… […] Cette manne d’argent public payée par tous les Européens sous forme d’impôts et de taxes sur la consommation (carburants, énergies, transports…) profitera aux affairistes les plus malins qui feront le mieux valoir leurs indispensables travaux pour atteindre ‘la neutralité carbone’ en 2050. »

Espérons donc que certains dirigeants et eurodéputés se soulèveront face à cette nouvelle gabegie.

CFP, Green deal : quelles sont les prochaines étapes ?

Le Conseil européen des 12 et 13 décembre n’a guère fait avancer les choses sur le plan des négociations en matière de contributions au budget européen. Du côté de la France, on a cependant souligné que l’on est à l’avant-poste pour installer une politique « verte » en Europe.

L’arrivée de la crise du coronavirus pourrait remettre beaucoup de choses en question, du point de vue budgétaire notamment.

In fine, quoi qu’il en soit des moyens budgétaires qui seront accordés à Ursula von der Leyen, cette dernière peut d’ores et déjà compter sur l’aide d’une alliée de poids du côté de Francfort.

Lagarde promet de peindre la BCE en vert

Nous aborderons cette question dans notre prochaine chronique…

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