La Chronique Agora

Le vote de confiance grec en retard de 50 minutes, tout un symbole…

▪ Le 21 juin, c’était le jour le plus long de l’année… et c’était aussi l’une des soirées les plus longues pour les traders européens dans l’attente du résultat du vote de confiance censé se dérouler à 23h au Parlement d’Athènes.

Pendant que la Fête de la Musique battait son plein, nous étions devant nos écrans pour observer en direct la réaction des marchés américains en after hour. Nous avons dû attendre 50 minutes au-delà de l’horaire prévu ; cela se passait en Grèce, ne l’oublions pas — ce n’est pas la Suisse ou la Bavière, où l’on ne badine pas avec les horaires ! Mais nous avons eu la confirmation de ce que les marchés anticipaient : un soutien du bout des urnes au gouvernement fraîchement formé.

Un vote qui n’a guère réjoui les dizaines de milliers de personnes massées devant le parlement d’Athènes. Elles espéraient majoritairement une motion de défiance entraînant le départ du Premier ministre en exercice.

Les cambistes n’ont pas manifesté non plus un enthousiasme débordant pour ce résultat qui confirme pourtant M. Papandréou dans ses fonctions, au moins jusqu’au référendum prévu cet automne. L’euro a enregistré une petite poussée haussière de 1,44 $ vers 1,4440 $, avant de faire machine arrière quelques secondes plus tard et rétrograder sous les 1,4385 $.

▪ Quelques heures auparavant, les investisseurs avaient encaissé sans broncher une chute particulièrement sévère de l’indice de confiance ZEW en Allemagne — ce qui n’avait pas davantage impacté l’euro. Le baromètre du sentiment économique outre-Rhin a chuté de 12,1 au mois de juin. Il repasse en territoire négatif et s’établit à -9 points, un niveau très inférieur à sa moyenne historique de 26,3 points.

Pour mémoire, le ZEW affichait un score de 44,8 en juin 2009, juste au sortir de la Grande crise de l’automne 2008, et de 28,7 en juin 2010. Cette chute aurait de quoi faire réfléchir les marchés si l’argent de la Fed ne continuait de les soutenir envers et contre toutes les analyses faisant état de risques majeurs liés à la question des dettes souveraines.

Plus inquiétant encore, le sous-indice des anticipations plonge littéralement de 20 points, à -5,9. Les chefs d’entreprises allemands craignant des répercussions très négatives du ralentissement économique en général et des conséquences d’un emballement de la crise grecque en particulier.

Par ailleurs, l’indice de confiance économique dans la Zone euro — publié également mardi matin dans l’indifférence générale — fléchissait de six points, passant de 19,5 vers 13,6. Cependant, l’espoir d’une issue favorable du test politique auquel se soumettait M. Papandréou a occulté tout le reste.

Il suffisait d’y croire… et Wall Street a cru à la survie de son gouvernement, point de départ d’une cure d’austérité sans précédent (et sans limite de durée connue) pour son pays.

▪ La confiance constituait bien la principale thématique de cette séance de mardi : « le FMI et les Européens verseront l’aide promise quoiqu’il arrive », estimaient les plus optimistes — avec ou sans soutien des députés grecs… parce que le contraire serait désastreux.

Mais des situations désastreuses et sans issue, les marchés en ont affronté plus que de raison ces trois dernières années.

A chaque fois, c’était trop affreux pour être vrai, donc les investisseurs, les régulateurs, les commentateurs, les législateurs plongeaient leur tête dans le sable avec une touchante unanimité.

La chute de 3,8% des ventes de logements anciens aux Etats-Unis au mois de mai (soit une baisse de 15,3% sur un an) appartient à cette même catégorie de statistiques conjoncturelles désespérantes. Ni une ni deux… hop, la tête dans le sable, histoire de ne pas se laisser démoraliser alors que Wall Street avait envie fêter dignement le solstice d’été.

▪ Tout comme la veille, les jeux semblaient faits dès la deuxième heure de cotation. Les indices américains ont accéléré fortement à la hausse pendant les premières 90 minutes. Ils ont grappillé encore quelques points au cours de la demi-heure suivante, avant de se mettre à osciller au sein d’un étroit corridor de 0,2% d’amplitude. Et ils ont finalement terminé au plus haut, à l’imitation des places européennes qui engrangeaient 1,9% quelques heures plus tôt.

Wall Street aligne donc une quatrième séance de hausse d’affilée. Le Dow Jones se contente de +0,9% mais le S&P affiche +1,35% à 1 295,5 points, avec 90% de titres en hausse. Le Nasdaq caracole à +2,19% ; c’est une surperformance de 110% par rapport aux valeurs industrielles, et un écart d’une ampleur plus observée depuis octobre dernier.

Les indices américains n’ont enregistré aucune variation décelable lorsque le vote de la confiance a été acquis (vers 23h50). Les futures ont même subi un fléchissement marginal sur les contrats adossés au Dow Jones et au S&P (-0,1% environ), ce qui constitue la marque d’un véritable non-évènement.

▪ Beaucoup de circonspection également de la part des spécialistes des matières premières qui n’ont pas oublié que le FMI revoit la croissance mondiale à la baisse. La journée d’hier a été indécise jusqu’au bout sur les marchés pétroliers : après une brève correction de 0,7% sur le NYMEX à une heure de la clôture, le baril s’est finalement redressé pour grappiller 0,5% à 93,7 $.

La hausse de la production promise par l’Arabie Saoudite pèse sur les cours. Cela n’a pas empêché le secteur parapétrolier de grimper de 3% en moyenne… Comme quoi les actions font bien ce qu’elles veulent, et peu importe que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises.

▪ Pour en revenir au vote de la confiance, il existe un sérieux risque de constater que l’opinion publique se sent trahie par ses élites.

Ce ne sera qu’un chapitre de plus dans l’épaisse encyclopédie des ruptures et divorces successifs entre le peuple et ses représentants élus. Le pays qui a inventé la démocratie est également celui qui semble s’être juré d’en détourner les usages et les codes de façon quasi systématique.

Quand les politiques grecs se retrouvent confrontés à une fronde des électeurs, ce sont systématiquement ces derniers qui ont le dernier mot en mettant en pratique une forme très efficace de désobéissance fiscale.

Le gouvernement grec peut bien légiférer autant qu’il veut, privé d’argent et de fonctionnaires soucieux de faire respecter les nouvelles lois… son action a autant d’effet qu’un coup de baguette de sourcier pour restaurer le Parthénon.

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