La Chronique Agora

Grandeur et décadence des financiers

** Il y a quelques mois de ça, travailler dans la finance était la carrière la plus prestigieuse qu’on puisse choisir. Les légendes du rock gagnaient moins. Les chirurgiens étaient moins respectés. Les stars de cinéma avaient moins de petites amies. Dans la finance, on était au sommet du monde. On gagnait plus que quiconque. On en savait plus. On était mieux diplômé… on sortait des meilleures écoles, où l’on avait naturellement été major de promotion. On comprenait ce qu’est un CDO… un swap… et un produit dérivé.

* Naturellement, les autres… les gens ordinaires… vous regardaient avec admiration. Ils vous donnaient les meilleures tables au restaurant. Ils garaient votre voiture sans l’érafler contre une bouche d’incendie. Les femmes voulaient vous rencontrer… et les hommes vous demandaient votre avis sur l’économie, la politique, la mode, l’art — et ainsi de suite. Vous étiez ce que toutes les mères souhaitaient pour leur enfant — un membre de ce club très fermé… de l’ordre secret… des grands prêtres du monde moderne… l’élite régnante de la Planète Goldman… la Confrérie de la Finance.

* A présent, ceux qui étaient si exaltés gisent dans les caniveaux des quartiers financiers. C’est tout juste si les gens ne vous crachent pas dessus dans la rue. Ils vous rendent responsable de leurs pertes… ils vous accusent d’avoir kidnappé leur retraite… d’avoir ruiné l’économie du monde entier. Vous étiez un héros, voilà que vous êtes un minable.

** Les marchés continuent de chuter. L’inflation des prix à la consommation américaine a connu cette semaine la plus grande baisse de son histoire.

* En Californie du Sud, les prix des maisons ont baissé de 41%, selon les dernières statistiques. "La dure réalité", annonce le Wall Street Journal, est en train de "se faire sentir".

* Les architectes aussi annoncent que leurs factures ont subi une chute record.

* La seule activité encore profitable semble être la piraterie en mer !

* L’investisseur boursier moyen a perdu environ la moitié de son argent. Il cherche un responsable — parce que de toute évidence, ça ne peut pas être de sa propre faute !

* Désormais, pauvre industrie financière, le public est au courant de ton escroquerie, et sait que…

* … les connaissances que tu affirmais posséder n’étaient rien d’autres que des sottises mielleuses…

* … tu n’en savais pas plus long que quiconque sur ce qui se passait vraiment…

* … ce que tu faisais en réalité, c’était prendre de l’argent à des entreprises honnêtes avec des tas de combines nébuleuses et de transactions superflues…

* … et vendre des actions à des lumpeninvestisseurs naïfs — en affirmant que la bourse "grimpe toujours à long terme"…

* … tout en chargeant les entreprises et les consommateurs d’une dette plus lourde que ce qu’ils pouvaient supporter…

* … avant de refiler cette dette aux investisseurs en leur susurrant que "nos modèles montrent que le risque de défaillance est négligeable… ça n’arrivera pas, même en mille ans".

* C’était il y a quelques mois seulement. A présent, la dette a mal tourné — par milliers de milliards de dollars. Et surtout, un si grand nombre de choses promises par Wall Street se sont révélées être des mensonges et des arnaques, que le système financier mondial tout entier est entré en convulsions.

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