La Chronique Agora

Le grand fiasco de l’éolien allemand

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Entre explosion des coûts, absence d’enchérisseurs et industrie en perte de vitesse, le grand rêve vert de Berlin se dissout… dans un courant d’air.

L’Allemagne cherche la croissance désespérément, par la relance de l’armement et de l’éolien offshore : les deux projets semblent aller droit dans le mur.

Le chancelier Merz a un plan, qui ressemble comme une décalcomanie à celui du Deep State américain depuis le coup d’Etat du Maïdan : préparer son pays à une guerre avec la Russie (afin d’éviter qu’elle ait lieu : si vis pacem, para bellum), doubler les budgets destinés à l’industrie de l’armement. Et cela résonne bizarrement aux oreilles de certains : « reconstituer l’armée la plus puissante d’Europe ».

Ce n’est pas le cas actuellement : Pologne et Ukraine sont loin devant en termes d’effectifs en uniforme et déjà opérationnels. Et Kiev, pour les raisons que nous connaissons tous, est à la pointe des dernières évolutions des conflits conventionnels, terrestres mais également maritimes, avec le large recours aux drones : toute une panoplie allant du combat rapproché en zones urbaines aux sea babies, drones marins kamikazes quasi indétectables, qui attaquent les navires ennemis, jusqu’aux essaims de drones/planeurs visant des objectifs tels que des raffineries et des usines d’armement à des milliers de kilomètres.

L’Allemagne a les moyens de reconvertir une partie de son outil industriel (sidérurgie/automobile) vers la production de matériel roulant (blindés légers, artillerie autoportée, chars lourds), mais ce serait adapté aux schémas de la guerre froide qui prévoyaient de stopper des hordes de tanks russes T-72 déferlant par milliers à travers les plaines du Nord de l’Europe.

La propagande que nous servent les médias d’Etat et le ministre de la Défense allemand Boris Pistorius – et qui prête à Poutine l’ambition de reconstituer l’Empire soviétique dans ses anciennes frontières (Allemagne de l’Est comprise ?) à partir de 2030 – fait que n’importe quel gaspillage d’argent semble légitime.

Le chancelier Merz peut flécher des milliards pour renouveler la dotation de l’infanterie : cela ne sera que mollement contesté, pourvu que cela crée de l’emploi.

Pour la fabrication de drones, la plupart des composants électroniques devront être importés, tout comme les métaux rares nécessaires aux batteries. Et pratiquement tout ce qui vole – à part les missiles Taurus – sera importé des Etats-Unis. Berlin va surtout contribuer à « relancer » l’industrie de l’armement américaine, aux frais des contribuables germaniques.

Car l’industrie allemande, quelle que soit la branche, ne peut plus être rentable sans subventions compte tenu des coûts énergétiques et de l’instabilité du « renouvelable » (ce qui est très préoccupant pour la construction de futurs data centers qui auront besoin d’un flux de térawatts constant, H24 et toute l’année, pour fonctionner).

Le kilowatt éolien, notamment offshore, a fait exploser le coût du mix énergétique. Le gouvernement vient donc de décider de subventionner massivement le coût de l’électricité destinée à l’industrie, sous la pression de Peter Leibinger, le patron de la BDI (Fédération des industries allemandes).

Il affirmait récemment : « L’économie allemande est en chute libre et pourtant le gouvernement ne réagit pas avec la détermination nécessaire. » Il a donc été entendu : Berlin va puiser dans ses réserves.

Les éoliennes s’avèrent un investissement très décevant : les rendements promis n’ont jamais été au rendez-vous et les dépannages en mer coûtent une fortune. La décarbonation, ça n’a pas de prix, certes, mais la construction de parcs offshore a absorbé une bonne partie des excédents commerciaux allemands (180 Mds€ par an entre 2009 et 2021, et encore 120 Mds€ par an depuis quatre ans, soit un montant colossal de 2 400 Mds€).

Avec seulement un dixième de ce pactole, l’Allemagne aurait pu bâtir 50 réacteurs nucléaires supplémentaires (au lieu de fermer les trois derniers mi-avril 2023) et être totalement à l’abri de toute pénurie d’ici 2050.

L’Allemagne aurait ainsi pu réduire à zéro ses émissions de CO₂ d’ici 2035 : les centrales au gaz et au charbon sont prolongées de dix ans afin de fournir l’appoint lorsque les éoliennes sont à l’arrêt pour cause de conditions anticycloniques.

Mais, à l’image des décisions purement idéologiques et économiquement désastreuses prises par Bruxelles depuis mars 2022 – et surtout la destruction de Nord Stream – pourquoi Merz stopperait-il une stratégie énergétique sous prétexte qu’elle est coûteuse et inefficace ?

L’Allemagne comptait même mettre les bouchées doubles sur l’éolien offshore avec la mise en vente aux enchères d’un projet de 10 gigawatts en mer Baltique, qui s’annonçait comme le plus important d’Europe.

Pas une seule entreprise énergétique n’est venue soumissionner : aucune offre, zéro intérêt. Le grand plan industriel vert (comme une algue ?) de Berlin coule à pic.

Le constat d’échec est sans appel… mais quelle est la réponse du Bundestag ? Officiellement, il ne change pas de cap, mais réduit drastiquement son appel d’offres pour l’éolien offshore en 2026, le faisant passer de 6 GW à seulement 2,5 à 5 GW, sans expliquer d’où proviendront les 5 à 7,5 GW manquants à l’horizon 2030.

Du nucléaire français ? Des centrales au GNL venues des Etats-Unis à prix d’or ?

Les projets sans subvention ne sont plus viables dans un contexte de flambée des prix de l’acier. Le coût des turbines a doublé, le prix des métaux rares pourrait exploser. Les chaînes d’approvisionnement sont vulnérables à de possibles embargos chinois.

Macron, à peine vient-il de quitter Xi Jinping, qu’il menace déjà Pékin : « L’Europe pourrait imiter les Etats-Unis en matière de surtaxes douanières. » (On n’amadoue pas le président Macron avec deux pandas !)

Les entreprises éoliennes offshore sont par ailleurs des entreprises à forte intensité capitalistique : il faut des capitaux considérables pour se lancer, et de l’argent « bon marché » (qui, en réalité, ne l’est pas).

Des organismes professionnels avaient averti Berlin, des mois avant l’échec de la vente aux enchères de début décembre : l’obtention des permis est trop lente ; sans subventions massives et garanties à long terme, les appels d’offres ne sont structurellement pas rentables.

Les revenus sont aléatoires, soumis aux caprices des éléments ; les chaînes d’approvisionnement et la logistique (grues géantes de 300 mètres) ne peuvent pas suivre et les coûts ont explosé dans tous les secteurs.

Berlin a ignoré tous les avertissements et découvre soudain que personne ne veut perdre des milliards supplémentaires dans le cadre d’un agenda utopique qui a déjà absorbé une bonne partie des excédents commerciaux germaniques.

L’Allemagne était censée être le moteur vert de l’Europe : elle est devenue l’exemple type de ce qui se produit lorsque l’idéologie dépasse les réalités physiques, l’économie et les capacités industrielles.

Les dogmes « verts », antirusses, mercantilistes (le tout-export) se brisent sur le mur du réel.

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