Ça y est, voilà notre liberté enfin recouvrée – en tout cas pour le moment. Les 56 jours durant lesquels le gouvernement a cloîtré la plupart d’entre nous à domicile n’ont pas été faciles pour tout le monde. Plus que jamais, l’Etat s’est cependant tenu à nos côtés « pour nous aider ».
Comme vous ne le savez que trop bien si vous êtes un habitué de cette chronique du samedi, cela revient la plupart du temps à nous enfoncer encore un peu plus la tête sous l’eau.
Ce premier billet post-confinement est dédié à tous les entrepreneurs qui ont perdu des plumes pendant le grand claquemurage.
Quand l’Etat te fait miroiter un susucre après t’avoir mis une grande tarte dans la gueule
La France n’est pas réputée pour être un pays où il est particulièrement facile de faire des affaires – enfin ça dépend pour qui, comme nous le verrons plus loin.
Aux dernières nouvelles, le niveau de compression dans le carcan réglementaire, social et fiscal permet encore à notre pays de figurer en 32ème position du rapport Doing Business de la Banque mondiale. Mais pour combien de temps encore, vu que des pays comme la Chine, le Kazakhstan ou encore la Géorgie nous sont déjà passés devant ?
J’ignore si l’institution de Washington a prévu d’intégrer les politiques menées par les différents gouvernements pendant la crise sanitaire dans la prochaine édition de son rapport. Il est en revanche certain que les dirigeants du secteur privé français ont senti passer l’action de notre « Etat stratège ».
Après leur avoir mis une retentissante gifle en leur empêchant pendant près de deux mois d’ouvrir leurs portes à leur clientèle, l’Etat, dans sa grande mansuétude, a néanmoins mis en place un « fonds de solidarité » pour les TPE, indépendants et micro-entrepreneurs.
Evidemment.
Voici comment le site economie.gouv.fr présente les choses :
Notons tout d’abord que, pas plus que « la région offre des masques » comme on me l’a annoncé hier avant que je ne monte dans le train (tout au plus les fait-elle distribuer après les avoir achetés avec votre argent ou en s’étant endettée), l’Etat et les régions ne « financent » quoi que ce soit.
La moindre dépense de chacune des couches du millefeuille administratif français a préalablement été financée par l’impôt, ou le sera à l’avenir (sous une forme ou sous une autre).
Mais laissons les questions de sémantique de côté et venons-en au cœur du sujet avec la deuxième question posée ci-dessus, à savoir « Qui est concerné par ce fonds de solidarité […] ? »
Et là, autant vous dire que les choses se corsent pour ceux de nos micro-entrepreneurs, indépendants et TPE qui la voyaient facile.
Comme il y en a pour aussi long que mon bras d’explications à déchiffrer, je vous propose ce résumé – offert par Ze Sergent Garcia – qui traduit parfaitement l’esprit des législateurs et de certains fonctionnaires français :
Heureusement, les travailleurs non-salariés qui ont un pied dans la tombe grâce à l’article 8 du décret du 23 mars 2020 ayant instauré le grand claquemurage – mais qui n’auraient pas droit au fonds de solidarité – peuvent tout de même prétendre à un lot de consolation.
Si vous ne savez plus comment vous en sortir, l’Etat reste en effet à votre disposition au travers d’une « cellule de soutien » qui prend la forme… d’une « adresse e-mail dédiée ». Au moins l’Etat nous a-t-il épargné la mauvaise blague d’une hotline de soutien psychologique à 80 centimes la minute…
Parlons maintenant de cette autre catégorie de travailleurs non-salariés, celle qui sait toujours rebondir puisqu’elle n’a justement pas à passer par la case Cerfa.
Bravo à la France du crime et de la délinquance qui a magnifiquement su pivoter !
Je vous le disais en préambule, le confinement a mis à mal la pérennité de nombreuses professions. Les activités criminelles et délictuelles – dont on se demande quand elles seront intégrées dans le calcul du PIB – n’ont pas été épargnées.
Des escroqueries aux homicides en passant par les cambriolages, chaque catégorie de la note Interstats Conjoncture a chuté au mois de mars, et à nouveau au mois d’avril.
Même le trafic de drogue a été frappé – c’est vous dire…
Heureusement, ces secteurs d’activité ô combien respectés par les autorités publiques ont su « pivoter », comme on dit dans le monde des start-ups.
Les « vols dans les véhicules » se sont naturellement recentrés sur les infirmières libérales qui se rendent encore dans les zones de non-droit, et dont on se demande au passage ce que l’Eglise attend pour les canoniser.
Idem pour la catégorie des « vols sans violences contre des personnes » qui ont tout particulièrement ciblé les hôpitaux, au grand dam d’un personnel de santé désemparé.
En langage technique, on appelle ça la « délinquance d’opportunité ».
Eh oui, s’il est un secteur où l’on a besoin de masques, de gants et de gel hydroalcoolique, c’est bien celui de la vente de drogues. Non seulement les vaillants travailleurs du monde des stupéfiants ont su maîtriser les « gestes barrières » dès les premiers jours du confinement…
… mais ils en sont également venus à proposer directement la vente de matériel de protection sanitaire à leurs clients…
… n’hésitant pas à développer leurs services de livraison à domicile pour conserver leur clientèle…
… tout cela grâce au talent de community managers qui ont su mettre en valeur l’expertise de leurs équipes sur les réseaux sociaux, tout particulièrement sur Snapchat…
Que d’innovations, n’est-ce pas ?
Voilà une belle leçon d’entrepreneuriat dont doit être fier le boss de notre nation start-up, comme nous le verrons samedi prochain.