La Chronique Agora

Pour 2014, Goldman nous promet une explosion haussière de… 6%

▪ Et de 34 ! Encore une séance de stagnation complète (entre 4 274 et 4 294 durant huit heures et 15 minutes, soit moins de 0,5% de volatilité)… Et toujours aucune issue en vue, même pas les prémices d’une correction sous 4 200 ou d’une accélération jusque vers 4 400 (comme 90% des permabulls l’anticipent).

C’était pourtant la première séance du mois de décembre CAC 40… Ceci dit, il ne s’était échangé qu’à peine 1,7 milliard d’euros à 17h29 et 2,2 milliards à la clôture, ce qui pour une première séance mensuelle est tout simplement négligeable.

Cela nous a laissé tout le loisir de savourer le « point de stratégie » de David Kostin, économiste en chef de Goldman Sachs, sur CNBC (vers 12h).

Cet éminent personnage a commencé par faire part de son pronostic pour l’année 2014 : une hausse de 6% devrait permettre au S&P 500 d’atteindre les 1 900 points.

Quel fascinant potentiel de plus values !

Sauf que d’ordinaire, Goldman Sachs prévoit au minimum 10% à 15% de hausse à l’orée d’une année prometteuse ! Je n’ai pas entendu de promesse aussi timide depuis une décennie.

Questionné sur le type d’actions qu’il convenait de mettre en portefeuille, il a aussitôt indiqué que sa préférence allait aux entreprises qui rachètent leurs propres titres… c’est-à-dire tout le contraire d’entreprises qui investissent ou qui surfent sur une hypothétique reprise de l’activité mondiale.

▪ Les prédictions de Goldman Sachs
David Kostin prédit une légère accélération aux Etats-Unis l’an prochain (naturellement !). Il ne se prononce pas sur l’Europe et il espère une reprise dans les émergents.

Mais sous l’impulsion de quelle demande ? Pas celle de l’Europe en tout cas. Pas celle des Etats-Unis non plus puisque justement, le pays se réindustrialise et devrait un peu moins importer des pays à bas coût de production.

S’agissant de biens et services « haut de gamme », les échanges sont quasi nuls avec les émergents… et l’Europe s’impose comme un concurrent frontal (Airbus, systèmes de défense, marques de luxe…).

David Kostin fait également cette prédiction fracassante : la hausse des actions dépendra de la croissance des profits et des flux financiers.

Il s’est empressé de préciser que les marges étaient actuellement proches des sommets historiques et qu’il était difficile d’envisager qu’elles progressent au même rythme que ces dernières années. Cela d’autant plus que les PER ont progressé quatre fois plus vite que les profits et six fois plus vite que la productivité en 2013.

Quant aux flux, c’est la Fed qui garde la haute main sur cette question… Ne négligeons pas non plus le possible tarissement des dépenses de l’Etat fédéral suite aux difficiles négociations budgétaires qui se profilent en janvier prochain. De combien sera relevé le plafond de la dette ? S’il est gelé, la croissance s’en ressentira fortement.

▪ Risque de correction en vue
Enfin, David Kostin estime à 67% (c’est précis : cela fait deux tiers plus 1%) le risque de voir les indices américains connaître une correction de 10% au cours des prochains mois.

Il ne se mouille pas beaucoup apparemment… puisqu’à part 2013, toutes les autres années boursières marquant une cinquième année de cycle haussier se sont soldées par des corrections d’une ampleur bien plus considérable.

Et puis 67% de chances de la part d’un stratège de Goldman Sachs, cela équivaut à une hypothèse quasi-certaine, voire inéluctable.

Souvenons-nous que dans la bouche d’Alan Greenspan, les 30% de risque de correction des prix immobiliers évoqués lors d’une interview en 2008 (à aucun moment il n’envisageait un éclatement de la bulle) devaient être interprétés comme au minimum du 50/50.

Les marchés peuvent encore progresser durant plusieurs semaines, d’après Goldman Sachs. Cela tombe bien, nous voici en pleine période des habillages de bilans et la question du tapering semble repoussée à mars prochain, soit encore trois mois de QE plein pot. Cependant, le mois de décembre démarre assez bizarrement.

Aucun relais acheteur, pas de volumes. Le Dow Jones a chuté de 0,48% hier, le Nasdaq de 0,37% (c’était pourtant le « Cyber Monday » hier, le grand début des soldes sur l’électronique), le S&P 500 de 0,27%.

Il semblerait que Wall Street ait été indisposé par deux trop bons chiffres : le PMI manufacturier ressort à 54,7 contre 54,4 en première estimation (et 51,8 en octobre).

L’ISM quand à lui grimpe de 56,4 vers 57,3 en novembre, contre 55,5 anticipés… de quoi susciter des craintes de tapering à brève échéance.

Enfin, les dépenses de construction pour septembre et octobre aux Etats-Unis sont ressorties à -0,5% puis +0,8% (ce dernier chiffre étant supérieur aux +0,4% attendus).

▪ Difficultés en Europe
En Europe, il est difficile de s’accrocher à l’espoir de voir la BCE tirer sa dernière cartouche en ramenant les taux à zéro ou en instaurant des prises en pension à rendement négatif. En effet, le PMI global de Markit (secteur manufacturier de la Zone euro) grimpe de 51,3 vers 51,6.

Il affiche ainsi sa plus forte expansion depuis presque deux ans et demi et atteint son plus haut niveau depuis juin 2011.

Le tableau demeure disparate : l’Allemagne, l’Angleterre, la France et même l’Italie enregistrent une hausse des anticipations de l’activité industrielle, tandis qu’une sévère rechute des PMI affecte l’Irlande et l’Espagne.

Notons que la France reste ancrée en territoire de contraction de l’activité avec un score légèrement supérieur à 48 mais encore très éloigné du seuil technique des 50. La fausse baisse du chômage (à coups de radiations massives) ne peut dissimuler une hausse de 15% à 17% du chômage de longue et très longue durée, ainsi que du chômage des plus de 50 ans.

Pour ceux qui soutiennent qu’il y en a qui « profitent du système » et préfèrent se tourner les pouces plutôt que chercher sérieusement du travail : il y avait en novembre 111 000 offres d’emplois non pourvues pour 5,5 millions de demandeurs potentiels… sans parler des deux millions d’exclus (au RSA ou sans aucun subside s’agissant des jeunes de moins de 25 ans).

Bon, cela fait juste 50 demandes par job proposé… et nous aimerions savoir combien représentent des CDI et combien des CDD ou des postes à temps partiel.

Une excellente configuration, d’après de nombreux stratèges. Ceux-là reconnaissent volontiers l’existence du chômage de masse et en tirent argument pour démontrer que l’inflation par les salaires n’est pas près de troubler le sommeil des marchés et des banques centrales.

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