La Chronique Agora

La gestion value, avantages par rapport à la gestion croissance

Par William de Prémorel Higgons

▪ Tous les investisseurs en actions cotées ont le même objectif : acheter quand les cours sont bas, vendre quand ils sont hauts. Seule la définition de ce qui constitue une opportunité d’investissement change.

La gestion value — ou gestion par la valeur — consiste à investir dans des sociétés mal valorisées sans faire appel aux prévisions pour démontrer la sous-valorisation. En d’autres termes, cela revient à acheter les actions qui ont un faible prix sur cash flow, actif net, bénéfice, chiffre d’affaires ou un dividende élevé, et les vendre quand elles ne présentent plus ces caractéristiques.

Ces ratios sont calculés sur les données historiques ou sur l’année en cours. La gestion value réussit parce que les modèles naïfs (toutes les sociétés croissent comme le PIB) battent les modèles plus sophistiqués.

▪ Etes-vous un investisseur value ou un investisseur croissance ?

Pour le savoir, il suffit de répondre aux questions suivantes :

– Faut-il investir dans les sociétés dont le bénéfice par action s’est accru rapidement depuis trois à cinq ans ?

– Faut-il investir dans des sociétés dont le cours a surperformé depuis trois ans ?

– Les sociétés dont le bénéfice s’est accru rapidement pendant trois ans continuent-elles à surperformer ?

L’investisseur value répond non aux trois questions précédentes — parce qu’il ne va pas à l’encontre des lois statistiques et qu’il est conscient que les taux de croissance des bénéfices par action ne sont pas pérennes alors que le marché croit en leur pérennité.

▪ Faut-il investir dans les sociétés bien gérées ?

La réponse est : oui, bien sûr.

Mais ces sociétés ont généralement eu :

– Un bénéfice qui a cru rapidement

– Un cours qui a progressé

– Une valorisation supérieure à la moyenne

Ces trois facteurs permettent d’anticiper une sous-performance boursière.

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Grèce, Italie, Chypre, possibilités d’éclatement de la Zone euro, reprise de la récession…

… NOTRE SPECIALISTE AVAIT VU VENIR TOUT CELA

Aujourd’hui rien n’est réglé, et des bruits inquiétants se font entendre au sujet de la France : que va-t-il se passer ensuite — et surtout comment vous y préparer ?

Tout est expliqué ici…

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▪ Est-il possible d’identifier les sociétés dont le bénéfice par action croîtra plus rapidement que la moyenne dans le futur ?

Non, il n’existe pas de théorie de croissance des entreprises validées expérimentalement. En d’autres termes aucune étude n’a démontré que les sociétés de croissance sont celles qui investissent le plus dans la formation, les actifs immatériels, les actifs corporels, la recherche et le développement etc.

Il est frappant de constater qu’aucun économiste n’a obtenu le Prix Nobel pour sa théorie de la croissance des entreprises… mais que tous les investisseurs pensent que les gestionnaires de portefeuille privilégiant la croissance peuvent, eux, déterminer quelles seront les sociétés qui enregistreront la plus forte croissance dans les années à venir.

Les investisseurs ne réclament jamais les prévisions passées pour les comparer au réel car ils savent que ce don de prophétie est un mythe. Ce mythe a une utilité, il rassure ; donner ses fonds à un gestionnaire qui dit « je ne peux prévoir l’avenir » est anxiogène. Il vaut mieux confier ses fonds à quelqu’un qui affirme pouvoir prévoir l’avenir… on ne gagnera pas plus d’argent mais on dormira mieux !

▪ Dans une approche value, en revanche…

Le gérant value refuse de tenir le discours attendu — « je suis capable de discerner les stars de demain ». Discours d’autant plus facile à tenir que sur un portefeuille de 40 valeurs il est sûr qu’il y aura ex post quelques stars, et qu’il est plus gratifiant de dire « j’ai vu en 1993, quand personne n’y croyait, que Manitou et Bénéteau avaient un fantastique potentiel de croissance » que « j’investis dans toutes les sociétés qui ont un prix sur cash flow de trois et elles avaient ce ratio à cette époque ».

Le problème pour l’investissement value est que sa réussite nie sa validité : Bénéteau et Manitou, par exemple, étaient des actions « valeurs » de 1993 à 1998, mais ont été considérées comme des valeurs de croissance de 1999 à 2000.

Cette originalité se retrouve dans le choix des sociétés analysées. La plupart des gérants/analystes essaient de trouver les valeurs qui, ayant un PER de 15, devraient avoir un PER de 20 — et presque personne ne cherche les sociétés qui, ayant un PER de 9, devraient avoir un PER de 12. La concurrence tuant la performance, cette recherche de la sous-évaluation dans un univers peu suivi explique certainement une partie du succès des stratégies valeurs.

 A contrario, il est également difficile de déterminer quelles sont les sociétés dont le bénéfice par action croîtra moins vite que la moyenne. Les sociétés mal valorisées constituent donc une bonne opportunité d’investissement puisque leur sous-valorisation ne garantit pas un sombre avenir.

L’analyse comportementale valide l’approche value. Les investisseurs mettent longtemps à se former une opinion sur une valeur et la gardent. En réalité, il n’y a pas de persistance des taux de croissance, la surprise est la norme.

Aux Etats-Unis, 29,4% des prévisions trimestrielles de bénéfice par action enregistrent un écart supérieur à + ou -5% par rapport aux dernières prévisions. Sur 10 trimestres, il y a 1/110 chance d’absence de surprise négative. L’effet de la surprise est fonction de la valorisation.

Une société value peut difficilement décevoir :

=> baisse de résultat = cours stable

Une belle société ne peut avoir de mauvais résultats :

=> baisse de résultat = baisse des cours

Une belle société a des bons résultats :

=> bonne surprise = cours stable

Les stratégies value résistent bien aux mauvaises surprises — c’est même un de leur principal avantage.

▪ Conclusion

En définitive, il est sûr qu’il vaut mieux investir dans une société dont le bénéfice par action croît rapidement que l’inverse, mais l’on ne peut pas déterminer à l’avance les sociétés qui présenteront ces caractéristiques. Les sociétés qui ont enregistré une forte croissance sur trois à cinq ans n’ont pas une croissance du bénéfice par action exceptionnelle par la suite — mais le marché s’obstine à leur prévoir à un avenir radieux.

En outre, le marché, quand il arrive à anticiper une forte croissance, a tendance à la surpayer, probablement parce que tout le monde cherche ce type de société. Seuls les investisseurs très « sophistiqués » peuvent admettre qu’une société ayant un fort potentiel de croissance puisse être surévaluée.

A ce titre, le fait que les PEG (PER divisé par taux de croissance escompté) admissibles aient doublé en 2000 témoigne de l’impossibilité pour la majorité des investisseurs d’admettre qu’une valeur de croissance puisse être surévaluée. Cette irrationalité de la plupart des investisseurs croissance explique la réussite des stratégies valeurs.

 

William de Prémorel Higgons, de formation Sciences Po et INSEAD, est membre de la SFAF depuis 1982 (administrateur de 1997 à 2000 et de 2002 à 2006). Depuis septembre 1992, il gère le fonds luxembourgeois Indépendance et Expansion spécialisé dans les petites valeurs françaises. Sur vingt ans, à fin février 2013, le fonds a dégagé une rentabilité de 12% par an contre 6,4% pour son indice de référence (indice SBF Second Marché jusqu’en 2004, le CAC Small depuis).

 

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