La Chronique Agora

Génération Perdue : quand la croissance ne suffit plus pour éponger les dettes

L’Internet marchait pleinement aux Etats-Unis dans les années 2000. Il ne semble rien avoir ajouté au PIB du pays depuis. Ce n’est pas vraiment une innovation qui change la donne… ou au moins pas dans ce sens. Il change la vie des gens… ils peuvent désormais voyager, apprendre, vivre et travailler de différentes manières. Mais ça ne semble pas faire grand-chose pour le PIB.

La production réelle aux Etats-Unis — les biens et services produits par le secteur privé pour le secteur privé — stagne depuis 10 ans.

Et maintenant, les actions technologiques — les principaux piliers de l’économie Internet — semblent céder du terrain. Mince alors ! Les jeunes comptaient sur elles.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Nous l’avons expliqué à un public londonien la semaine dernière. L’économie du pétrole, du charbon… des turbines et des machines… est celle avec laquelle nous avons grandi. Elle était phénoménalement douée pour fabriquer des choses et les transporter. En deux générations, l’économie américaine est passée d’une situation où elle était alimentée en majeure partie par les muscles animaux à une situation où elle était alimentée en majeure partie par les machines. Cette économie a été développée avant notre naissance, et était arrivée à maturité alors que nous étions un jeune adulte. Une fois les années 80 arrivées, il y avait plus de voitures que de conducteurs… plus de télévisions que d’yeux pour les regarder… et plus de hamburgers que nous ne pouvions en avaler.

Aujourd’hui, les jeunes apprennent à travailler avec des logiciels… Twitter… et le cloud. Lors de notre jeunesse, nous étions penché sous le capot d’une Chevrolet 58, essayant de reconstruire le carburateur ou de nettoyer les bougies.

Le niveau de vie… et le PIB par personne… a radicalement augmenté de notre vivant. Plus de choses signifiait plus de richesse. C’est du moins ainsi que nous l’envisagions. Et c’est ainsi que les économistes le mesuraient.

▪ Mais la donne a changé
Les gouvernements, les entreprises et les ménages en sont venus à tenir ces augmentations de richesse comme acquises. La Chevrolet de 58 a été remplacée par la Chevrolet 59… puis par des voitures plus élégantes et plus rapides en provenance d’Europe. Le progrès ! L’amélioration ! La richesse ! Nous pensions que ce serait toujours ainsi. Nous nous attendions à être plus riches l’an prochain que l’année précédente. C’était le cas depuis des générations : nous ne voyions pas pourquoi ça ne continuerait pas.

Nous nous sommes donc rapidement habitués à dépenser la richesse avant même de l’avoir gagnée.

C’est devenu encore plus facile lorsque les autorités sont passées à une devise purement fiduciaire. La quantité de crédit et de devises était autrefois restreinte par l’or. L’or augmentait à peu près au même rythme que l’économie elle-même. Et les pays créditeurs pouvaient demander un paiement en or. Mais de la devise papier ? On pouvait en créer des quantités astronomiques.

Selon certains calculs, la quantité de crédit aux Etats-Unis a été multipliée par 50 depuis que le système monétaire a été changé en 1971. Nous avons mesuré une multiplication par 30. Quel que soit le chiffre, c’est une gigantesque augmentation du pouvoir de dépense aux Etats-Unis.

Sauf que le crédit n’est pas la même chose que de l’argent que vous avez gagné. Le crédit mène à la dette. Les salaires — et même les plus-values — sont une forme de richesse qu’on a déjà gagnée. La dette est un droit sur de l’argent que vous n’avez pas encore engrangé. Les dettes doivent être remboursées.

Les dettes ont augmenté. Personne ne s’en souciait. Parce que tout le monde pensait que la croissance continuerait. Nombre de gens pensaient même que la croissance accélérerait, avec Internet aux commandes. La croissance permettrait de payer les dettes… et de continuer à dépenser.

Mais la croissance ne s’est pas produite. Internet n’a pas accéléré la production. Il est peut-être parfait pour les films coquins et l’espionnage sur Facebook, mais il ne semble pas produire de choses. Et les économistes nous disent maintenant que la prochaine génération ne peut pas s’attendre à vivre aussi bien que nous. En fait, avec tant de dettes et de promesses faites aux vieux croûtons, pour la première fois peut-être de l’histoire américaine, la prochaine génération sera plus pauvre que l’actuelle — ce que les commentateurs appellent « une Génération Perdue ».

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