La Chronique Agora

François Hollande, personnalité influente de la planète ?

Qu’est-il arrivé au TIME ?

Henry Luce, qui a lancé le TIME — le premier hebdomadaire aux Etats-Unis — serait probablement consterné par ce que son magazine est devenu.

Insipide, flagorneur, puéril… flattant les riches, les prétentieux, les compères et les zombies — c’est un désastre journalistique.

Fumistes et has beens
Notre accès de dégoût a été provoqué par un numéro du TIME que nous avons trouvé dans un salon d’aéroport.

En couverture se trouvait un portrait de la présidente du FMI, Christine Lagarde, tandis que le magazine promettait de nommer « les 100 personnes les plus influentes de la planète ».

Dès la première page, les rédacteurs sont dans le pétrin. Quasiment toutes les personnes les plus « influentes » du monde sont soit des célébrités… soit des fumistes… soit des has beens.

Mme Lagarde, par exemple.

Nous ne savons pas exactement dans quelle catégorie la classer. Mais dans la mesure où elle est engagée — comme quasiment toutes les autres personnalités listées dans le magazine — à entretenir le système et éviter le changement… nous avons du mal à voir quelle influence elle pourrait avoir.

Au mieux, son influence est similaire à des brûlures d’estomac ou des cafards : on ne peut rien y faire.

Au mieux, son influence est similaire à des brûlures d’estomac ou des cafards : on ne peut rien y faire. Sans elle, les choses seraient exactement au même point qu’aujourd’hui.

L’hagiographie de Mme Lagarde était écrite par une autre championne du status quo : Janet Yellen, présidente de la Fed.

Mme Yellen nous dit qu' »aucune organisation est plus cruciale, pour stabilité de l’économie mondiale, que le Fonds monétaire international ».

Nous restons bouche bée. La stabilité est un mot trompeur.

Un peu comme la mafia permet de stabiliser les quartiers pauvres à Palerme… ou comme l’héroïne gratuite permet de stabiliser un toxicomane… le FMI est conçu pour maintenir le système en fonctionnement — et peu importe les dégâts que ça cause.

Fêlés et farceurs
Tel est le thème que l’on retrouve chez les 100 personnes les plus influentes.

Toutes affirment faire le bien… mais il n’y a pas la moindre preuve que celles que nous connaissons (et nombre de ces personnalités nous sont inconnues) ont fait la moindre petite chose — à part construire leur propre réputation et vendre leur influence au lieu de l’exercer.

Mme Yellen appelle Mme Lagarde une « pionnière ». Mais quel territoire a-t-elle exploré ?

Christine Lagarde est la première femme à la tête du FMI, déclare Mme Yellen (sans avoir besoin de mentionner qu’elle-même est la première femme à la tête de la Fed). En voilà un exploit.

Le dénominateur commun, c’est que ce sont tous des gens dont le nom apparaît dans les médias.

Les 99 autres personnalités sont un mélange d’artistes, de politiciens, de fêlés et de farceurs. Le dénominateur commun, c’est que ce sont tous des gens dont le nom apparaît dans les médias.

Lori Robinson, générale dans l’US Air Force, « protège la mère-patrie »…

Le sénateur Ted Cruz « ne reculera devant aucun obstacle s’opposant à plus d’emplois, plus de liberté et une vraie sécurité pour le peuple américain »…

La romancière Marilynne Robinson « est déterminée à être aussi intelligente que possible »…

La joueuse de tennis indienne Sonia Mirza « a inspiré une génération d’Indiennes à suivre leurs rêves »…

Diana Natalicio, présidente d’université, « était en avance sur son temps, voyant l’avenir de l’Amérique sur les visages de ses étudiants »…

Le président de la Fondation Ford Darren Walker veut « conquérir les inégalités »…

James Comey, directeur du FBI, tente de contrer « le terrorisme international et les menaces émergentes dans le cyber-sécurité »…

Et, dans des décennies, les gens verront les oeuvres de l’artiste japonaise Yayoi Kusama et constateront que « son idée de la création et de l’infini est éternelle ».

Bla bla bla…

« Obstinément européen »
Mais nos sottises favorites proviennent du « philosophe » Bernard-Henry Lévy.

Il affirme que le président François Hollande s’est montré « obstinément européen », et affirme qu’il devrait être inclus dans les 100 personnes les plus influentes au monde.

Hollande, nous dit BHL, est « l’un des tout derniers dirigeants européens à croire à l’Europe — sans lui, nous reviendrons à l’âge des Ténèbres ».

Nous ne savons pas de qui rire en premier — Hollande ou BHL.

Nous suivons la carrière de BHL — de très loin et avec beaucoup de désintérêt — depuis plus de 40 ans.

Nous l’avons rencontré au début des années 70. Il dirigeait à l’époque un mouvement appelé les « nouveaux philosophes ». Nous pensions que ça vaudrait la peine d’être exploré. Hélas, nous n’y avions rien compris.

Nous étions sûr que c’était de notre faute. Notre connaissance des vieux philosophes était vacillante — nous n’aurions sans doute pas pu trouver Platon dans un alignement de suspects, à l’époque.

Nous nous sommes donc dit que si les nouveaux philosophes semblaient n’avoir aucun sens, c’était à cause de nous. Nous n’en sommes plus si certain aujourd’hui.

Qu’est-ce qui fait penser à BHL que l’Europe reviendrait à « l’âge des Ténèbres » si l’Union européenne était dissoute ?

Qu’est-ce qui fait penser à BHL que l’Europe reviendrait à « l’âge des Ténèbres » si l’Union européenne était dissoute ?

L’Union européenne existe depuis 1992. Est-ce que les choses allaient si mal avant ?

Pas dans notre souvenir.

Mais BHL ne s’arrête pas là. Selon lui, Hollande est « un grand dirigeant mondial. Ce n’est pas une opinion. C’est un fait ».

Hein ?

Quel genre de fait est-ce donc ? Et quelle sorte de philosophe ne connaît pas la différence entre fait et opinion ?

Apparemment, le genre qui pense que François Hollande est un grand dirigeant. Ou le pauvre diable qui est à la tête du magazine jadis important d’Henry Luce.

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