Sur BFM Business, il y a quelques semaines, l’économiste Christian Saint-Etienne, professeur titulaire de la Chaire d’économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers depuis 2009, conseiller de Paris et membre des Républicains, a délivré une information détonante, qui curieusement n’a pas été reprise.
Christian Saint-Etienne a dévoilé l’existence de groupes d’experts intergouvernementaux et au sein de la BCE qui travailleraient de façon confidentielle sur différents scénarios, en cas de survenance d’une nouvelle crise, et cette fois-ci majeure, de l’euro.
La forte baisse de l’euro par rapport au dollar sur la période récente peut donner à penser que l’union monétaire bénéficie d’un répit.
Une anomalie générale et deux problèmes de fond
Comme le faisait remarquer Jean-Marc Daniel, X-ENSAE, professeur à ESCP-Europe, globalement, les comptes extérieurs de la Zone euro sont excédentaires. Ce qui signifie que tous ensemble nous vendons plus de biens et services que nous n’en achetons en dehors de nos frontières élargies. Jean-Marc Daniel jugeait donc le niveau actuel de l’euro « bizarre ».
En effet, dans un monde « normal » (si tant est que cette expression ait un sens en économie en ces temps de politiques monétaires « non conventionnelles »…), cette situation d’excédent commercial devrait pousser l’euro à s’apprécier.
Mais France et Italie continuent à importer plus qu’elles n’exportent, tandis que l’industrie allemande exporte de plus en plus, bénéficiant d’un euro trop faible pour elle, contrairement aux deux premiers cités.
L’Allemagne, du fait de sa démographie vieillissante, a surtout besoin de se créer des revenus en dehors de ses frontières pour financer les retraites de ses seniors. Avoir chez elle des usines qui tournent à plein régime alors que la main-d’oeuvre domestique manque n’est peut-être pas la meilleure solution.
Enfin, la situation financière de certains membres, comme celle de la Grèce, malgré les plans d’aide à répétition, mais aussi celle de l’Italie, troisième puissance économique de la Zone euro, reste préoccupante.
Comme Alain Madelin, ancien ministre, le rappelait encore récemment, la crise de l’euro « n’est pas derrière nous mais devant nous ».
Christian Saint-Etienne envisage deux scénarios principaux.
Le coût d’une sortie de l’euro pour les pays du sud serait astronomique
Dans un premier scénario, les pays les mieux gérés économiquement (pour l’essentiel, ceux du nord de l’Europe) sortiraient de la Zone euro, laissant ceux du sud (dont la France) conserver l’euro. En effet, pour ces pays surendettés, une sortie de la Zone euro ferait exploser leur passif qui deviendrait alors libellé dans une devise « étrangère ».
Rappelons que le ratio dette sur PIB est de 98% en France, 133% en Italie, et 200% en Grèce. Si un Etat endetté à hauteur de 100% de son PIB quittait l’Union monétaire, et si cela se traduisait par une dévaluation de 50%, sa dette représenterait alors 150% de son PIB. Le service de cette dette ferait un bond encore plus considérable, car en plus les prêteurs exigeraient alors une rémunération beaucoup plus élevée.
Cela rendrait toute solution d’assainissement impossible, sauf à se déclarer en défaut, et ruiner les épargnants ayant confié leurs économies à des contrats d’assurance-vie en euros.
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Ce serait donc l’Allemagne, suivie par les membres les plus vertueux de la Zone, qui sortirait de l’euro
En cas de crise, les Etats aux finances les plus délabrées conserveraient l’euro, afin de maintenir leurs dettes en termes de PIB. Le nouvel euro s’ajusterait à la baisse par rapport aux autres grandes devises. Il y aurait de l’inflation importée du fait de la consommation de produits sans équivalence sur ces marchés intérieurs, et les vacances à l’étranger à l’extérieur de cette nouvelle Zone euro coûteraient plus cher.
Quant aux pays mieux gérés – ceux du nord pour faire court – soit ils reprendraient leurs devises d’origine, soit, plus vraisemblablement, ils adopteraient une nouvelle monnaie commune, toujours dans le cadre européen (afin de rester membres de l’Union, car selon les Traités européens, une sortie de la Zone euro se traduirait également par une sortie de l’Union).
Cette devise serait alors un véritable « nouveau deutsche mark » doté d’un nom plus acceptable par ses voisins, admis dès lors à joindre ce nouveau « club des fourmis ».
C’est ce qui explique en partie pourquoi certains investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurance, etc.), outre qu’ils sont dans l’obligation règlementaire d’acheter des obligations d’Etat, acceptent de prendre des titres à rendement négatif ou ridiculement bas. En cas de sortie « par le haut » des pays du « nord », l’appréciation de la devise fera plus que compenser le sacrifice actuel sur le taux d’intérêt.
Les Allemands prendront-ils le risque politique de ce schisme européen ? Les Français accepteraient-ils d’être les Allemands de cette nouvelle Zone et de devoir subventionner à terme les autres pays du sud ?