La Chronique Agora

Le FMI sera-t-il la clé pour sortir de la crise de la dette en Zone euro ?

Nous avons vu hier que l’implosion de la Zone euro perdait de sa probabilité. Oui, mais… qu’est-ce qui nous attend à la place ?

▪ Comment la Zone euro survivra-t-elle et à quoi ressemblera-t-elle ?
C’est un lieu commun que de dire que le meilleur moyen de conjurer la crise de la dette est de retrouver des sentiers de forte croissance. Mais une forte croissance est impossible puisque le financement de l’économie est mal assuré, puisque les systèmes bancaires doivent se resolvabiliser et nombre d’agents économiques se désendetter.

Et puis en Europe (mais pas qu’en Europe), tant que l’horizon des décisions économiques des hommes politiques sera confondu avec l’horizon du cycle électoral, toutes les grandes réformes de structure dont on nous parle par exemple en France depuis 20 ans (Etat, fiscalité…) ne verront jamais le jour. Or ce sont celles-ci qui sont à même de créer les conditions d’une croissance forte et durable.

En attendant, il faut pouvoir mobiliser des ressources pour réduire et financer cet insoutenable endettement. On est bien d’accord pour dire qu’il n’y a rien de choquant à venir au secours d’un Etat en crise de liquidité (cas de l’Italie, de l’Espagne et de l’Irlande). Mais vous conviendrez que c’est plus contestable et plus inefficace quand il s’agit de plans de sauvetage de pays en crise de solvabilité (comme la Grèce et, dans une moindre mesure, le Portugal).

__________________________

France : dégradation imminente du Triple A ?
Continuez votre lecture pour en savoir plus sur la vraie situation de la dette française — et surtout comment agir pour ne pas en subir les conséquences.

Tout est expliqué ici : il y a urgence, alors n’attendez pas.

__________________________

Tout cela est un autre débat sur lequel il faudra que les dirigeants politiques se penchent en répondant à la question suivante : comment resolvabiliser durablement certaines économies de la Zone euro ?

▪ Revenons à notre sujet. Il existe trois façons de mobiliser des ressources
1/ Il y a tout d’abord les ressources empruntées par le FESF, qui dispose de garanties apportées par les Etats membres de la Zone euro.

Ces ressources étant empruntées sur les marchés, elles sont limitées et ne se constitueront que très progressivement puisque ce fonds va procéder périodiquement à des émissions sur les marchés avec une plus ou moins grande facilité. Et de toute façon, ce type de ressources n’est pas du tout approprié pour le refinancement des encours importants de certaines dettes nationales (Italie et Espagne notamment).

2/ Il y a aussi les ressources créées à partir de rien et que seule la Banque centrale peut émettre. Il s’agirait ici de la création monétaire destinée à acheter des dettes publiques (on appelle cela, suivant les époques et les milieux, « la planche à billets », « la monétisation » ou « le QE » pour quantitative easing). Contrairement aux ressources empruntées, il n’y a pas de limite technique à la création monétaire puisque la Banque centrale émet une dette sur elle-même.

La seule limite est financière : la création monétaire incontrôlée au passif de la BCE et l’accumulation d’actifs financiers de plus ou moins bonne qualité à l’actif de son bilan peuvent provoquer à terme une forte dévalorisation de la monnaie. Mais cela n’effraie personne pour l’instant. Sans trop se poser de questions, nombre d’hommes politiques et d’économistes ne jurent, du matin au soir et du soir au matin, que par cette solution de monétisation à outrance : « il faut que la BCE imprime de la monnaie et qu’avec elle achète aux banques et assureurs tous les papiers d’Etats européens dont ils ne veulent plus dans leur bilan ! ». C’est la seule chose qu’ils ont trouvée pour l’instant…

Chacun veut profiter de la double spécificité de la Banque centrale (je vous recommande de lire mon précédent article pour vous remettre les idées en place à ce sujet) :

– les banques centrales sont les seuls acteurs financiers dont une partie du passif (dettes) n’est pas exigible ;
– par ailleurs, elles sont aussi les seuls acteurs qui sont indifférents au mark-to-market (valorisations) de leurs actifs.

Pour l’heure, la BCE refuse catégoriquement de jouer ce rôle. Et Mario Draghi a réaffirmé que les rachats de dettes périphériques devaient être temporaires et limités et qu’ils devaient être systématiquement stérilisés.

3/ En dehors de ces deux moyens de trouver de l’argent, il y a également les ressources monétaires telles que celles du FMI, assises sur les fameux DTS — droits de tirage spéciaux.

▪ La monétisation sera contournée par les DTS du FMI
Il faut savoir que chaque pays dispose au FMI, en fonction de son poids économique, de DTS. Ces droits ont été créés en 1969 pour jouer un rôle de réserves de change additionnelles pour les Etats. Ainsi l’Allemagne dispose de 13 milliards de DTS, la France de 10,7 milliards et, pour l’ensemble de la Zone euro, ce montant s’élève à 50,4 milliards (soit avec une parité aujourd’hui autour de 1,15 euro pour 1 DTS, un total de 58 milliards d’euros).

Il existe une règle qui fixe à 10 fois les quotas la limite de financement. Cela signifie que l’ensemble de la Zone euro a théoriquement la capacité de lever jusqu’à 580 milliards d’euros. Donc quand vous entendez sur telle ou telle antenne que le FMI va prêter 400 milliards d’euros à l’Italie, il faut que vous compreniez que, sans réforme institutionnelle du FMI et sans ressources additionnelles, c’est sur ces capacités de tirage de la Zone que cette somme est allouée (donc rien de bien spectaculaire somme toute).

Nous allons vraisemblablement assister à un renforcement des ressources monétaires du FMI : hausse des quotes-parts d’Etats à réserves et excédents conséquents ; création monétaire indirecte alimentée par la BCE. Nous allons donc nous diriger vers une sorte de monétisation indirecte contrainte mais néanmoins massive de la BCE malgré l’hostilité de la Bundesbank, du Bundestag et du gouvernement fédéral allemand.

S’agissant d’une monétisation certes indirecte mais orchestrée par la BCE, l’institut de Francfort exigera de fortes contreparties de la part des Etats et la mise en place de politiques budgétaires durablement restrictives.

Et puisque ces politiques budgétaires restrictives risquent d’étouffer l’économie, la Banque centrale acceptera de compenser cette pro-cyclicité par une politique monétaire durablement très accommodante et ne s’opposera pas à une baisse significative et ordonnée de la parité euro/dollar.

Première parution dans le Billet du Trader du 15/12/2011.

 

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile