La Chronique Agora

La flamme olympique bientôt éteinte ?

Avalanche de révélations sur un chaos bien plus prémédité qu’improvisé.

Les Américains célèbrent aujourd’hui leur fête nationale – ou « Independance Day » – sur fond de rumeur de retrait de la campagne de Joe Biden. Celle du jour a été démentie par la Maison-Blanche… mais il semblerait qu’elle soit partie d’une pièce pas très éloignée du bureau ovale, et qu’un coup de théâtre majeur soit imminent.

Cela n’a pas fait trembler Wall Street, qui inscrit une nouvelle rafale de records absolus avec des performances annuelles désormais supérieures à 20% sur le Nasdaq (+19% sur le Nasdaq-100) et près de +16% pour le S&P 500.

En France, à la lumière des désistements croisés entre Renaissance/NFP, le Rassemblement National semble n’avoir plus aucune chance d’obtenir une majorité de 285 députés, il sera même compliqué d’en obtenir 240, pour espérer former une coalition avec la fraction minoritaire du groupe en voie de désintégration des « Républicains » (qui pourrait en espérer 35).

Pas de majorité RN, adieu le risque d’un aventurisme budgétaire qui aurait indisposé nos créanciers.

Le CAC 40 a fêté ça par un rebond de +1,3% ; le « spread » OAT/Bund s’est contracté vers 70 points, contre 80 points à la veille du premier tour.

Mais Wall Street et le marché parisien, ne se montrent-ils pas d’une insoutenable légèreté, en sous-estimant le risque d’enclenchement de processus politiques aux conséquences incontrôlables, en France comme aux Etats-Unis ?

Certains de mes abonnés qui suivent mes petites chroniques quotidiennes « Inforruptibles » (sur Youtube) ont exprimé quelques doutes sur le machiavélisme de Macron, et le fait que son évocation du chaos, de la Saint Barthélemy (si, si, il l’a dit !), du recours à l’article 16 (qui lui conférait les pleins pouvoirs pour une période maximum d’un mois) puissent être prises au sérieux, fassent partie d’un « plan »… et qu’il faille faire le lien avec les Jeux olympiques.

Ces déclarations sont si « fantaisistes » que le discours de Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), a évolué en l’espace d’une semaine.

Il avait publiquement assuré initialement que « les élections législatives sont un processus démocratique qui ne va pas perturber les JO ».

Mais selon des rumeurs, il se donnerait jusqu’à la mi-juillet pour éventuellement envisager d’annuler les JO de Paris.

Les déclarations de Macron sur les risques de guerre civile, le risque de blocage des transports (grèves de protestation brandies par la CGT), la Seine « in-baignable » malgré 1,4 Mds€ investis, la sécurisation problématique de la cérémonie d’ouverture, le chaos sur le réseau routier d’Ile de France avec la fermeture de toutes les autoroutes reliant Paris aux aéroports ou aux sites olympiques comme Versailles… tout cela finit par donner à réfléchir.

Si le chaos social succède aux résultats du second tour, il pourra accuser les Français – à qui il « faisait confiance » – de s’être fourvoyés, alors qu’il était si simple de voter pour le « camp de la raison et de la compétence », pour le coeur de « l’arc républicain ».

Les Français – et les partis politiques – ont été pris par surprise par une décision dont il apparaît de plus en plus évident qu’elle a été mûrement réfléchie, et pas du tout improvisée.

Selon les confidences de son père Jean-Michel à un grand groupe de presse régionale (EBRA qui possède L’Est Républicain, Le Dauphiné Libéré ou Les Dernières Nouvelles d’Alsace), son fils s’y préparait depuis le mois d’avril (les sondages n’étaient clairement pas encourageants).

« Sa décision de dissoudre n’est pas venue du résultat des élections européennes. Il m’en avait déjà parlé deux mois plus tôt. Il estimait en effet que l’Assemblée nationale était devenue ingouvernable. »

Macron qui dit avoir « peur que le Rassemblement national arrive au pouvoir » va probablement accepter une cohabitation, plutôt que démissionner : « Il vaut mieux que la France en fasse l’expérience pendant deux ans plutôt que pendant cinq ans. Si le RN montre en deux ans qu’il est parfaitement incapable de gouverner, on peut espérer qu’il n’ira pas plus loin. »

A la lumière de ce qui précède, il est raisonnable de penser que Macron a un coup d’avance – ou pense avoir un coup d’avance – mais gouverner n’est pas un « petit jeu » destiné à flatter son ego… C’est tout du moins l’avis d’Alain Minc, l’un de ses mentors qui vient de lui tourner brutalement le dos.

Alain Minc éreinte son poulain des années 2010 dans une tribune assassine publié ce lundi 1er juillet dans L’Express et intitulée « Il y a des erreurs historiques pardonnables, celle-là ne l’est pas ».

« Quand un homme que l’on suppose intelligent et qui l’est prend une décision d’une absolue bêtise, c’est que la dimension psychologique a pris le pas sur la réflexion et la raison. Emmanuel Macron est, parmi les dirigeants des dernières décennies, celui pour lequel la psychologie personnelle est la plus déterminante. Cette dissolution est le résultat d’un narcissisme poussé à un état presque pathologique, ce qui conduit au déni du réel. »

Difficile d’en conclure qu’Alain Minc exprime l’avis de nombre des soutiens de Macron de la 1ère heure – de la période McKinsey en ce qui concerne sa trajectoire présidentielle – mais je peux citer au moins l’un de ses fidèles, ami de longue date et convive régulier de ses « dîners en ville » : il s’agit de Gilles Legendre (avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger dans les couloirs de BFM Business dont il était un invité régulier avant de prendre des fonctions officielles au sein de la mouvance macroniste).

Gilles Legendre avait re-présenté sa candidature à la députation dans la 2e circonscription de Paris face à Jean Laussucq, le candidat investi par « Renaissance ».

Ainsi, croyez-le ou non, mais l’ancien président du groupe LREM à l’Assemblée nationale qui était rentré en dissidence avec son propre parti se désiste en faveur de… Martine Rosset, la candidate NFP, légèrement en tête du premier tour et qui a désormais toutes les chances d’être élue, et de faire perdre un siège à Renaissance/Ensemble, dans un de ses fiefs des « beaux quartiers » (Tour Eiffel, Invalides, champ de Mars, Grandes écoles/Luxembourg).

Résultat assez surnaturel : 13 à 14 des 18 circonscriptions de Paris vont envoyer à l’Assemblée un député NFP ou apparenté… alors que la capitale constituait le coeur de la Macronie, avec Neuilly, Boulogne, Saint-Cloud à l’ouest et Saint-Mandé à l’est.

Mais l’effondrement des Républicains à Paris est encore plus spectaculaire, avec zéro candidat qualifié ou éligible pour le second tour… contre plus de la moitié du temps de Sarkozy.

Eric Ciotti, leur président – qui dans une interview sur France-2 vient de demander l’éviction de Xavier Bertrand du groupe « Les Républicains », pour soupçon d’accord occulte avec Macron – doit se sentir moins seul à alimenter la rubrique « coups bas et guerre des chefs ».

Avouez tout de même que tout ce qui précède est sans précédent depuis le début de la Ve République, et que cela a bien un parfum de fin du « macronisme », de désintégration des « appareils », de page qui se tourne… et d’herbes sèches qui n’attendent plus que quelqu’un craque une allumette.

A vingt jours du début des JO, la France est déjà médaille d’or du chaos politique… et un Macron, « lâché » par nombre de ses soutiens, pourrait être tenté de renverser l’échiquier politique, quitte à risquer d’éteindre la flamme olympique.

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