▪ Paris a clôturé à l’équilibre mercredi, peu importe si cela ne reflète aucunement le profil de la séance (une consolidation de -0,4 à -0,7% durant 95% de la séance). Il n’était pas question que le CAC 40 aille nulle part, et encore moins qu’il invite à douter de la poursuite du mouvement haussier amorcé mercredi dernier.
Rien de plus facile que de faire remonter les cours à la toute dernière minute dans un marché désert : Wall Street était clos ce 4 juillet de célébration de l’Independance Day.
Les robots algorithmiques nous ont servi exactement le même scénario de clôture que la veille sur le S&P 500 — à savoir un rebond indiciel sorti de nulle part qui entretient à dessein une illusion de grande fermeté du marché.
Paris préserve donc un gain cumulé de 7% depuis vendredi dernier et 8,5% depuis le mercredi 27 juin… Mais maintenant que les opérateurs commencent à réaliser que le MES n’est peut-être pas près de racheter sa première ligne de créance bancaire (vu la ferme opposition de la Finlande), ils reportent tous leurs espoirs sur une baisse de 25 points du taux directeur de la BCE ce jeudi. Il semble exclu que cette dernière reprenne ses achats des dettes souveraines.
▪ Pouvait-on prévoir le train de la hausse ?
8% de hausse pour ce seul prétexte, cela peut sembler beaucoup. Surtout lorsque la plupart des économistes conviennent que cela ne relancera ni la croissance ni l’emploi, ni ne résoudra le problème de solvabilité des banques espagnoles.
Certains de nos lecteurs restent imperméables à ce genre d’argument : « je n’ai pas vu venir cette hausse » (écrivais-je un peu stupidement lundi matin), donc je suis un idiot.
L’un de nos lecteurs donc n’a pas été surpris — comme 0,01% des professionnels de la finance qui avaient prévu une hausse de plus de 3% vendredi. Il se reconnaîtra sans difficulté et cela lui permet de me faire prendre conscience de l’étendue de ma naïveté et de ma candeur.
Moi, si je n’ai pas vu venir une envolée de 4,75% qui tombait sous le sens, c’est que je n’ai pas adopté la bonne version du logiciel intellectuel « trading des temps modernes ». J’en suis resté à la version « investir avec des convictions ».
▪ Des marchés malins et vicieux
N’allez pas croire que je sois mortifié, bien au contraire. Quel bonheur de voir quelqu’un qui me prend pour idiot, un benêt, écrire en toutes lettres que je suis le dernier à n’avoir pas compris que les marchés sont « malins et vicieux ».
En plein dans le mille ! Ces deux termes, je les ai faits graver depuis des années dans le marbre de mes règles d’anticipation des mouvements boursiers.
Oui, nous avons affaire à des marchés vicieux, des marchés qui ne fonctionnent que par le biais de coups tordus — je passe mon temps à les décrire dans mes chroniques. Ce sont des marchés qui pratiquent la manipulation des cours et les délits d’initiés comme la mafia pratique le racket et les paris truqués.
Notre lecteur semble trouver que le coupable, c’est l’idiot qui se fait truander… Et il donne implicitement l’absolution au marché qui arnaque l’investisseur de bonne foi, et aux autorités de contrôle qui ont complètement oublié que leur mission était de garantir que le marché reste — autant que faire se peut — équitable pour tous.
Les « marchés sont comme ça », soupirent ceux qui se résignent à ce qu’ils sont devenus. Ai-je encore besoin de le décrire en toutes lettres depuis l’affaire Enron, le Tchernobyl des subprime et le flash krach du 6 mai 2010… tellement sa dangerosité, son immoralité et saschizophrénie sont devenues flagrantes pour tout le monde ?
▪ Les investisseurs désertent les marchés
Ce n’est pas un hasard si deux tiers des actionnaires actifs ont disparu en 10 ans. Nombre d’entre eux se sont fait plumer (souvent sans comprendre comment) et n’y reviendront jamais. D’autres plus malins — et qui comprenaient — ont fini par renoncer également, leur seuil de tolérance aux coups tordus ayant été plus que largement atteint ces derniers mois.
Ceux-là travaillent désormais sur le Forex, l’or ou privilégient d’autres sous-jacents où les robots traders/manipulateurs (à haute fréquence) ne règnent pas encore en maîtres.
Comme notre lecteur a fait l’effort de m’adresser nommément une liste de critiques qui me vont droit au coeur (tellement elles confortent mon ressenti), je veux lui faire à mon tour ce cadeau : c’est l’une de mes plus vieilles maximes.
Mes fidèles lecteurs des premières chroniques des années 2002/2003 s’en rappellent peut-être.
La voici : « demandez-vous ce qu’un honnête homme peut anticiper en fonction des éléments économiques objectifs dont il dispose, demandez-vous ce qu’un gérant chevronné qui connaît la véritable valeur d’une entreprise ferait lorsque son cours devient totalement aberrant… maintenant, faites l’inverse : vous êtes en adéquation avec le marché ! »
Ou cette autre maxime : « attendez que la situation devienne ubuesque ; maintenant, imaginez le seul scénario qui semble ne pas pouvoir se produire… ça y est, vous le visualisez ? Bravo, vous savez maintenant ce qui va effectivement arriver ! »
Mais ce n’est pas totalement sans risque car si l’impossible ne se produit pas, vous êtes un parfait idiot : comment pouvez-vous aborder les marchés en pariant sur des scénarios aussi stupides ?
C’est là que se situe la différence fondamentale entre un risque-tout et un initié (un opérateur qui connaît en temps réel les engagements long ou short de l’ensemble des intervenants), doté d’un puissant robot-trader.
Mais ai-je besoin de vous décrire par le menu les mécanismes de base d’une prise à contrepied d’un consensus short ou long et de la notion de seuil de douleur pour ceux qui opèrent à crédit tandis qu’ils ont en face d’eux des contreparties disposant d’une couverture illimitée ?
Attendez de voir ce qui va arriver à ceux qui vont découvrir avec béatitude que la BCE a pris une initiative qui devrait favoriser la hausse des marchés !