La Chronique Agora

Financières contre matières premières : qui va gagner ?

Par Dan Amos

** Aux yeux de la plupart des investisseurs "grand public", le 15 juillet a vu le niveau le plus bas des valeurs financières. Je ne suis pas du tout d’accord. Je m’attends à une nouvelle chute sévère des financières avant la fin de l’année 2008.

– Les récents résultats trimestriels du secteur bancaire laissent tous penser que nous sommes toujours au début d’un cycle de perte en ce qui concerne le crédit. Ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, c’est l’insolvabilité de ceux qui ont fait jouer l’effet de levier sur leurs bilans personnels ou professionnels pour acheter des valeurs dans le secteur de l’immobilier et des prêts hypothécaires à l’apogée de la bulle.

– Aux Etats-Unis, les défauts de paiement sur les valeurs immobilières, les cartes de crédit, et les emprunts pour les voitures n’en sont qu’au début. L’augmentation du chômage et la baisse des revenus commencent seulement à avoir un impact sur le taux de faillite des entreprises. Edward Altman, professeur à l’Université de New York et fondateur du "Altman Z-Score" est une autorité en matière de faillites des entreprises. Il pense que le cycle de perte du crédit est loin d’être terminé.

– Nous n’avons pas encore vu l’impact d’une vraie récession sur les taux de faillite. Ces dernières semaines ont été difficiles, c’est vrai. Le contexte de marché a été dur pour les vendeurs à découvert. La meute de "l’argent brûlant", qu’il s’agisse des day traders ou des fonds de couverture gérés par informatique, est sur le point de dénouer les positions spéculatives construites sur la base d’un taux de change fort entre l’euro et le dollar.

Voici l’idée répandue actuellement : maintenant que le cas de "l’euro haussier" s’éclaircit, les investisseurs abandonnent les matières premières. Puisque les matières premières baissent, beaucoup commencent à penser que la Fed n’aura pas besoin de resserrer sa politique monétaire pour "combattre" l’inflation. Par conséquent, vous devriez acheter des valeurs financières et vendre à découvert les actions dans les secteurs de l’énergie, l’or et les matières premières.

– C’est n’importe quoi. L’opération "baisse des matières premières/augmentation des valeurs financières" ne va sûrement pas aller bien loin en matière de prix. Restons-en aux tendances durables — les tendances soutenues par de véritables recherches fondamentales, et pas seulement par de l’espoir.

– Voici trois raisons pour lesquelles ceux qui gèrent des dizaines de milliers de milliards de capitaux financiers vont, dans les années à venir, se tourner vers des investissements liés à l’énergie et aux infrastructures, loin des investissements liés à une consommation financée par des dettes :

– Tout d’abord, la Fed va conserver une politique monétaire "non conventionnelle" pour garder les "méga-banques" sous perfusion. Une fois que les comptes de la Fed n’auront plus de place pour absorber les capitaux toxiques, elle sera forcée d’étendre son actif/passif, ce qui est inflationniste. Plutôt que de rester assis à regarder les mauvais prêts s’ajouter à la liste et des dizaines d’institutions financières s’écrouler, les gouvernements et les banques centrales vont "faire quelque chose". Le gouvernement ne peut rien faire de plus qu’instaurer des taxes et avoir recours à l’inflation — c’est donc sa seule véritable option s’il veut "faire quelque chose" en ce qui concerne la crise.

– Ces actes auront des conséquences importantes, dont une grave dilution pour les actionnaires des institutions financières. Qu’en est-il de ces titres toxiques sur le bilan de la Fed ? Ils retourneront peut être là d’où ils viennent, et cela causera probablement plus de pertes pour les actionnaires des banques.

– Ensuite, la concurrence mondiale grandissante pour des matières premières de plus en plus rares va faire monter les prix, particulièrement lorsqu’ils sont mesurés en devises occidentales. Tandis que les devises d’Asie et du Moyen-Orient augmenteront face aux devises occidentales — ce qu’elles ne manqueront pas de faire –, elles vont attirer plus des matières premières à des prix plus bas. Le fait que les consommateurs occidentaux diminuent leur consommation par, personne déjà très élevée, ne signifie pas que a) le reste du monde va cesser d’augmenter sa consommation par personne alors qu’elle est déjà basse, ou que b) une offre de matières premières à long terme tout à fait adéquate va apparaître par magie. De toute évidence, il y aura des corrections. Mais nous ne devons pas confondre correction et fin de marché haussier.

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