La Chronique Agora

Qu’est-ce qu’on fête le 14 juillet ?

▪ "Est-ce une révolte ?" a demandé Louis XVI au Duc de la Rochefoucauld.
"Non Sire, c’est une révolution".

Nous sommes déjà aux Ides de juillet. Plus de la moitié de l’année est derrière nous.

Les marchés n’ont rien fait qui vaille la peine d’être rapporté.

Le 21 juillet est statistiquement le jour le plus chaud de l’année dans l’hémisphère nord. Il fait déjà une chaleur torride à Baltimore. Selon les prévisions, il devrait faire 30°C aujourd’hui, plus de 35° plus tard dans la semaine. Nous sommes heureux de ne pas y être. Nous avons vécu 48 étés à Baltimore ; c’est plus qu’assez.

Parfois, durant les mois d’été, les météorologues pourraient aussi bien partir en vacances. Jour après jour, la même prévision : brumeux, chaud, humide… orages possibles en fin d’après-midi. Cela peut durer des semaines. Voire des mois.

Il fait chaud en Normandie aussi. Mais chaque enfer a sa propre chaleur. Il s’agit de la version normande de la canicule, pas celle du Maryland. Hier, la température a dû atteindre les 26°C par ici.

Quand le temps est au beau en Normandie, il est vraiment au beau. Mais parfois, toute une année peut s’écouler avec seulement quelques semaines de météo réellement agréable. Le beau temps n’a commencé que très récemment. Il y a quelques semaines, nous portions des pulls et des vestes, et il fallait faire du feu dans les cheminées. A présent, les jours sont ensoleillés et chauds. Les nuits sont fraîches et claires. C’est enfin l’été en France.

▪ Révolution et Droits de l’Homme
Ce week-end, le pays fêtait le 14 juillet — avec des feux d’artifice, comme d’habitude. Au fil des ans, nous avons demandé plusieurs fois ce qu’on fêtait exactement. Nous n’avons jamais obtenu de réponse satisfaisante.

"C’était le début d’une révolution" a dit l’un de nos interlocuteurs, ajoutant… "mais je ne vois pas pourquoi on devrait fêter ça".

"Ce jour marque le début de la République française et l’établissement des Droits de l’Homme", nous a expliqué gravement une autre personne. Certes, tant la république que la proclamation des Droits de l’Homme ont été instituées après la prise de la Bastille. Mais ni l’une ni les autres ne dépendaient de ça. La Bastille elle-même n’avait pas d’importance. Elle ne contenait que sept prisonniers. Deux faussaires. Deux fous. Un pervers. Elle aurait pu détenir un autre pervers, célèbre celui-ci, le Marquis de Sade — mais il avait été transféré 10 jours auparavant.

En été, cependant, les tempéraments ont tendance à s’échauffer.

La température avait commencé à grimper en France longtemps avant que la Bastille soit prise.

La France avait profité d’une belle période de croissance et de stabilité sous les différents Louis. La France moderne avait été constituée sous leurs règnes respectifs.

▪ La monarchie absolue n’est plus ce qu’elle était
Telles que les choses étaient au 18ème siècle, le souverain était censé régner de droit divin. Il était supposé être un monarque "absolu". Mais chaque Louis s’était aperçu que, pour garder le pouvoir, il devait en abandonner une petite partie : un petit privilège ici et là… le droit de faire ci ou ça… une sinécure… une pension…

Au cours du temps, comme l’explique le professeur Mansur Olson, les groupes s’associent pour promouvoir des programmes les favorisant — aux dépens du bien général. Ils embauchent des lobbyistes. Ils sollicitent des faveurs. Ils obtiennent des monopoles et mettent en place des barrières commerciales. Le Pr Olson n’a pas employé ce mot, mais ces groupes deviennent des "zombies".

"La stabilité engendre l’instabilité", comme le disait Hyman Minski. L’accumulation de faveurs spéciales affaiblissait l’autorité du roi.

Et Dieu ne semblait guère l’aider.

Le clergé avait ses propres terres… et son propre gouvernement.

Les aristocrates insistaient pour avoir eux aussi leurs propres règles, et, plus important, pour le droit d’approuver les taxes que Louis leur imposait.

Puis même le Tiers-Etat — le peuple — voulut des privilèges.

Lorsque le 16ème Louis accéda au trône, le petit bois était bien sec. Un vent chaud d’idées révolutionnaires soufflait dans Paris. Au Palais-Royal, par exemple, il y avait des réunions publiques quasiment 24 heures sur 24. Tout à coup, les paroles semblaient avoir leur importance. On pouvait parler des manières d’améliorer le monde. On pouvait parler de donner plus de nourriture aux pauvres, par exemple. On pouvait même mettre en place une assemblée de représentants du peuple — où eux aussi pouvaient s’exprimer.

On pouvait parler de "liberté"… de "justice"… Et pourquoi pas parler de redistribuer les terres de l’Eglise ? Pourquoi pas un soulèvement de zombies… de manière à ce que tout le monde puisse avoir ce qu’il voulait ?

Si on pouvait dire quelque chose… on pouvait aussi le faire.

▪ L’incendie de 1789
A l’été 1789, les étincelles volèrent. Le bois sec ne tarda pas à s’enflammer. Des foules pillèrent les boutiques et attaquèrent les bases militaires royales. Des mousquets furent saisis. Des groupes révolutionnaires se formèrent. Le prolétariat était désormais brûlant… et ne voyait de limites ni à son pouvoir ni à ses perspectives. Il pouvait sûrement passer des lois lui aussi… et s’enrichir.

Même les soldats de Louis en parlaient… et prenaient le parti du peuple.

Puis, le 14 juillet, une foule d’environ 1 000 personnes attaqua la Bastille. Les troupes stationnées non loin ne firent rien pour aider la petite garnison de la forteresse. La meute mit en déroute les défenseurs et assassina le gouverneur de la Bastille, Bernard-René de Launay. La tête de De Launay fut coupée et mise sur une pique avant d’être exhibée dans tout Paris.

Louis XVI fut guillotiné le 21 janvier 1793.

 

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