▪ Ne sous-estimons pas ce qui est en train de se passer en Europe. Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est une sorte de super-volcan financier, qui crache sa vapeur depuis 18 mois maintenant. L’an dernier, le souci principal était les déficits budgétaires en périphérie de l’Union européenne. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de déterminer si le projet européen dans son ensemble est en mesure de survivre.
Eh oui. Vous pensez peut-être que je dramatise… Mais on ne prend pas un super-volcan à la légère. La solvabilité du projet européen n’est plus garantie. Quoi qu’il se passe en Europe au cours des prochains mois, les effets tectoniques seront ressentis dans le monde entier.
La possibilité d’une éruption immédiate semble avoir diminué. La Banque centrale européenne (BCE) a réactivé son marché d’obligations souveraines (SMP, pour Securities Market Programme) la semaine dernière. Le SMP a acheté près de 31 milliards de dollars d’obligations gouvernementales à 10 ans auprès des gouvernements espagnol et italien. Les taux d’intérêts ont ainsi diminué, passant de 6% à 5% environ pour la dette espagnole à 10 ans.
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Mais il suffit de jeter un oeil aux chiffres pour constater qu’il va bien falloir que quelque chose finisse par sauter en Europe. L’Union monétaire européenne pourrait être rayée de la carte. Les politiques budgétaires nationales pourraient exploser, si l’Eurobond entre en jeu. Sans parler des nerfs de millions d’Allemands et de Français, qui pourraient bien se mettre très en colère si l’Europe devait collectiviser son passif.
Le problème, ce n’est plus la Grèce. Le Fonds européen de stabilité financière d’origine (FESF) était tout à fait capable de financer le second renflouage, de 109 milliards d’euros. Ce fonds était financé jusqu’à 750 milliards d’euros. Sur cette somme, environ 420 milliards ont déjà été promis au Portugal, à l’Irlande et à la Grèce. Ce qui nous laisse 300 milliards d’euros. A une époque, il s’agissait d’une grosse somme d’argent.
Mais même 300 milliards d’euros sont loin d’être suffisants pour couvrir les besoins de l’Italie et de l’Espagne en termes de refinancement. Ces deux pays auront besoin de près de 750 milliards d’euros de refinancement et de nouveaux déficits budgétaires au cours des deux années qui viennent. Sans oublier que les banques européennes — bourrées d’obligations gouvernementales — pourraient bien avoir besoin de près de 250 milliards d’euros pour disposer d’un capital suffisant, selon le journal britannique Telegraph.
Le FESF n’est pas capable de renflouer l’Espagne, l’Italie et toutes les banques européennes en difficulté. Leurs déficits dépassent les capacités des nations européennes à s’autofinancer. Elles doivent devenir ensemble un seul et unique emprunteur, en tous cas en termes financiers, pour réussir à abaisser le coût de l’emprunt et à atteindre leur but.
▪ L’Europe est une économie de 13 000 milliards de dollars. Si on choisit de collectiviser la dette des divers gouvernements nationaux, celle-ci s’élève à environ 87% du PIB. C’est un chiffre important. Mais le seuil de 90%, désigné par Rogoff et Reinhart comme étant le moment où la dette commence à être un handicap pour l’économie, n’est pas encore atteint. Et les déficits fiscaux cumulés ne sont que de 4,4% du PIB, grâce à des politiques fiscales plus saines en Allemagne.
Bien entendu, ce n’est là qu’un miroir aux alouettes. Le seul moyen de minimiser un peu les problèmes de l’Italie et de l’Espagne, c’est de les exprimer en pourcentages de l’économie européenne. C’est un tour de passe-passe. C’est également l’ultime extension logique de l’idée d’une Europe collective.
Nous n’appuyons pas là où ça fait mal parce que nous nous réjouissons du chômage, de la faim et de la pauvreté. Nous insistons sur ces points parce que l’idée même au coeur des démocraties socialistes — à savoir le fait que tout le monde peut vivre aux dépens de tout le monde — est, littéralement, en faillite. En Europe, « égalité » équivaut aujourd’hui à « devenir pauvre tous ensemble ». Faire ensemble des sacrifices signifie aujourd’hui que l’Etat doit confisquer des biens privés pour les rationner jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien.
On pourrait s’attendre à ce qu’au moins un pays décide de mettre un terme au projet dans son ensemble avant que les choses n’aillent aussi loin. Ce sera ça ou boire la coupe jusqu’à la lie et se joindre au suicide économique de masse. Hmm…
Et d’ailleurs, tous ces discours sur l’austérité ? Ce n’est que du vent. Dans la plupart des cas, les politiciens parlent en termes de réduction du taux de croissance de la dette et pas en termes de réduction absolue. Ce sont des clowns, qui manquent à la fois de sérieux et d’humour. La plupart d’entre eux regrettent sans doute déjà de s’être présentés, et espèrent avoir siphonné suffisamment d’argent sur leurs comptes bancaires en Suisse pour pouvoir s’échapper avant que le désastre ne soit total.