La Chronique Agora

Fed : la baguette magique des taux ne parvient pas à faire baisser le chômage

▪ De tous les maux de ce monde, combien sont causés par des gens qui affirment savoir ce qu’ils ne savent pas vraiment… et être capables de qu’ils ne peuvent pas vraiment faire ?

Les conseillers en investissement affirmaient que « l’immobilier conserve toujours sa valeur ». Comment le savaient-ils ? Ou que « les actions grimpent toujours à long terme ». Ah oui ?

Les dirigeants politiques nous disent qu’ils peuvent « améliorer le système éducatif ». Ou qu’il faut mobiliser les troupes contre quelque diable étranger.

Des experts nous disent que nous utilisons trop de pétrole… ou que nous n’en avons pas assez. Nous mangeons trop de graisses… ou trop de poisson. Nous ne buvons pas assez d’eau, dit l’un. Nous buvons trop de café, dit un autre.

Quasiment toutes les semaines amènent une nouvelle alerte. Un nouvel élément de pseudo-connaissance. Et une nouvelle initiative de planification centrale pour régler le problème.

Les bonnes âmes savent non seulement ce que « nous » devrions faire… mais aussi ce que les Israéliens devraient faire. Et les Syriens. Et les Chinois. Et les Russes. Elles ont des plans pour tout le monde.

Aujourd’hui, nous examinons les planificateurs de la banque centrale américaine. Ils sont certains que le monde irait mieux si plus de gens avaient un emploi stable. Ils ne prévoient pas de faire beaucoup d’embauches par eux-mêmes, mais semblent certains de pouvoir pousser d’autres employeurs à augmenter leurs effectifs.

Comment ? En prêtant de l’argent qui n’existe pas sans exiger d’intérêts en retour.

Hmmm…

Le New York Times annonçait la semaine dernière que la Fed prévoyait de « continuer à maintenir les taux d’intérêt au plus bas tant que le taux de chômage dépassait les 6,5% ».

Pourquoi pas jusqu’à ce que les hirondelles reviennent à Capistrano… ou que les Grands Lacs s’assèchent ?

▪ La Fed est-elle en train de se tromper du tout au tout ?
Le plan de la Fed est basé sur le principe qu’il y a un lien de cause à effet entre sa politique monétaire (politique de taux zéro) et le chômage. Ce n’est pas tout. Le programme présuppose que les gouverneurs de la Fed peuvent comprendre le lien… et qu’ils peuvent manipuler l’emploi en maintenant les taux courts au plancher.

Est-ce bien le cas ?

Ce n’est guère probable. Voici ce qu’en dit le Times :

« Pour aider à réduire le chômage, la Fed a annoncé qu’elle poursuivrait également les rachats mensuels de 85 milliards de dollars de bons du Trésor US et de créances hypothécaires jusqu’à ce que les conditions s’améliorent sur le marché de l’emploi, prolongeant une politique annoncée en septembre ».

« Mais la Fed a publié de nouvelles projections économiques montrant que la majorité de ses dirigeants ne s’attendaient pas à atteindre le but d’un chômage à 6,5% avant la fin 2015 […] ».

« Durant une conférence de presse après une réunion de deux jours du principal comité de politique de la banque, M. Bernanke a suggéré que la Fed approchait les limites de sa capacité à aider les chômeurs ».

« ‘Si vous pouvions agiter une baguette magique et faire baisser le chômage à 5% demain, de toute évidence nous le ferions’, a-t-il dit lorsqu’on lui a demandé si la Fed pouvait faire plus. ‘Mais il y a des contraintes en termes de dynamique de l’économie, en termes de puissance de ces outils et de ce que nous devons prendre en compte d’autres coûts et risques qui pourraient être associés à une vaste expansion de notre bilan’, faisant allusion aux rachats de titres mensuels ».

▪ Le chômage ne donne pas signe de refluer
Eh oui. Bernanke n’a pas de baguette magique. Tout ce qu’il a, c’est la politique monétaire. C’est donc elle qu’il agite. Mais où sont les preuves que ça a l’effet désiré ? Les taux d’intérêt sont à zéro depuis quatre ans. Le chômage est toujours élevé.

John Williams met le taux de chômage réel à 23%, non aux 7,9% rapportés par le département du Travail. Même si on pense que les taux zéro sont responsables de la baisse du chômage ces quatre dernières années, au taux actuel, il faudra encore cinq ou six ans avant que ce dernier ne rejoigne l’objectif de la Fed. Voyons voir… quelles seront les conséquences imprévues de 10 ans de taux zéro ?

S’il y a un lien entre la politique monétaire et le chômage, il est fragile. Les taux d’intérêt étaient aux environs de 5% lorsque l’économie américaine fonctionnait au plein emploi durant les années 90 et 2000. A présent, à 0%, le chômage est à des sommets record.

Si les taux d’intérêt et le chômage sont si étroitement liés, que fera la Fed quand le chômage passera à 6,5% ? Laissera-t-elle alors les taux d’intérêt grimper ? Si non, elle risque à coup sûr une période de « surchauffe inflationniste », voire d’hyperinflation. Mais si elle augmente les taux, le chômage ne grimpera-t-il pas à nouveau ?

Alors quelle utilité ?

Tout cette affaire et si gluante et puante que nous hésitons à y toucher. Mais l’économie n’a qu’une quantité limitée d’argent épargné (les ressources) pouvant empruntée et mise au travail. La Fed ne peut pas agiter une baguette magique pour créer plus de capital. Tout ce qu’elle peut faire, c’est en fausser la valorisation. C’est la quantité d’épargne comparée à la demande de capital qui détermine le taux d’intérêt réel. Si la Fed fausse le coût du capital… en fixant un taux d’intérêt arbitraire… cela fausse aussi toute l’économie. On finit avec des entreprises zombies qui ne peuvent rester vivantes que si on leur injecte de l’argent bon marché… et des emplois zombies qui dépendent de taux d’intérêt artificiellement bas. Nous avons aussi des activités qui sont fondamentalement de la consommation de capital plutôt que de la création de capital. Des projets empruntent des ressources sans en payer les véritables coûts. Ils restent en activité, consommant des ressources sans générer assez de richesse réelles pour les payer. A mesure que le capital disparaît, on devient plus pauvre, non plus riche.

Et ce n’est là qu’une critique de la théorie. En pratique, quand cette politique a-t-elle jamais fonctionné ? Nous n’en avons jamais entendu parler en tout cas.

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