▪ S’il y a une question à laquelle il est strictement impossible d’échapper en ce moment, c’est bien celle de savoir ce que la Fed va faire de ses taux. Etrange comme un simple taux est devenu l’alpha et l’oméga de l’économie et de la finance mondiale. Comme si le moindre changement allait avoir des répercussions insensées sur non seulement la croissance américaine mais aussi celle du reste du monde.
Et il est vrai que via le dollar, le taux de référence mondial est devenu le principal élément d’explication à tout un tas de phénomènes économiques et financier.
La faiblesse de l’euro ? C’est la faute de la Fed.
La chute du pétrole ? La Fed !
Les difficultés des pays émergents ? Toujours la Fed.
Le ralentissement de la croissance américaine ? Tout le monde regarde du côté de la banque centrale américaine.
Le destin de l’or ? Tout est lié à la Fed.
Les montagnes de dettes aussi bien aux Etats-Unis, en Europe et dans les pays émergents ? Suivez mon regard…
La volatilité des actions ? La faiblesse des matières premières ? LA FED !
Les difficultés des banques américaines et mêmes européennes ? Ai-je besoin de me répéter ?
Quelle est la part de vérité dans cette charge accusatoire ? Je n’en sais rien et surtout ce n’est pas notre sujet du jour. Car au fond, ce qui importe, c’est que les marchés soient absolument persuadés qu’un geste de la Fed puisse avoir des répercussions du haut de la montagne de dettes américaines jusqu’aux banques asiatiques ou des mines d’Afrique du sud. Ils en sont persuadés et agissent en conséquence.
Voilà pourquoi les décisions de la Fed sont scrutées avec autant d’attention. La Fed, c’est le Roi Soleil dans sa cour de Versailles : ce qu’elle fait, ce qu’elle dit, ce qu’elle mange, avec qui elle passe ses nuits… tout est analysé, décrypté, interprété (avec plus ou moins de justesse)…
Rien ne peut nous échapper. Vraiment ? En êtes-vous bien certain ?
▪ Pas de resserrement monétaire, vraiment ?
Parce que jetez un oeil au graphique ci-dessous, que j’emprunte à Simone Wapler et à sa Stratégie :
Qu’y voit-on ? L’évolution sur les derniers mois du Dollar Index qui, comme son nom l’indique plutôt bien, mesure le poids du billet vert face à un panier de devises (l’euro, le yen, le franc suisse, la couronne suédoise, la livre, le dollar canadien).
Après une longue période de faiblesse, le dollar s’est fortement repris à l’été 2014. Aujourd’hui le dollar est fort — et ce n’est pas forcément une bonne chose pour l’économie américaine…
Normalement, cette reprise du dollar aurait dû se produire au moment du changement de politique monétaire de la Fed.
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Ce phénomène pourrait être résumé ainsi :
Relèvement des taux + fin du quantitative easing = moins de dollars en circulation = hausse du dollar
Comment la Fed est-elle parvenue à donner l’illusion d’un resserrement monétaire sans resserrement monétaire ? |
Que s’est-il passé à l’été 2014 ? Officiellement rien. Les taux étaient à zéro et le quantitative easing n’a pris fin qu’en octobre 2014. Pourquoi le dollar s’est-il alors repris ? Il faut bien une explication n’est-ce pas ? Comment la Fed est-elle parvenue à donner l’illusion d’un resserrement monétaire sans resserrement monétaire ?
▪ Le pouvoir des mots
Je sens que vous devinez la solution. La Fed a mis en oeuvre le "pouvoir des mots". Jim Rickards explique très bien ce pouvoir des mots dans sa lettre, Intelligence Stratégique :
"La Fed resserre sa politique monétaire depuis plus de 30 mois. Cela peut paraître choquant. Les taux d’intérêt américains sont à zéro depuis 2008. Comment la Fed pourrait-elle procéder à un resserrement ?
La réponse, c’est que l’on peut opérer un resserrement en modifiant les attentes. Si les marchés s’attendent à ce que la Fed maintienne les taux à zéro, alors cela représente une sorte ‘d’assouplissement’. Si les marchés s’attendent à ce que la Fed relève les taux, alors cela représente une sorte de ‘resserrement’. Simplement avec des mots, la Fed peut modifier ces attentes et passer de l’assouplissement au resserrement. C’est tout l’intérêt du soi-disant forward guidance (anticipations visant à orienter les acteurs économiques).
Le cycle de resserrement a commencé en mai 2013, lorsque Ben Bernanke a d’abord suggéré un arrêt progressif des rachats d’actifs (tapering) effectués dans le cadre de l’assouplissement quantitatif (QE). Le véritable tapering a eu lieu en décembre 2013 et s’est poursuivi jusqu’à fin novembre 2014.
Après l’opération de tapering, les annonces de forward guidance (qualifiant de ‘patiente’ l’attitude de la Fed face à un relèvement de taux) ont perduré et, par conséquent, les marchés n’avaient toujours pas cerné l’imminence d’un tel relèvement. Finalement, en mars 2015, Janet Yellen a supprimé le mot ‘patient’ et indiqué qu’une hausse des taux pouvait intervenir à tout moment.
Tous ces événements, l’évocation du tapering, le passage réel au tapering et la fin du forward guidance ont conduit les investisseurs à modifier leurs attentes et à croire qu’un relèvement des taux allait intervenir. Des attentes modifiées entraînent des modifications de comportement et, du point de vue de l’impact exercé, c’est l’équivalent d’un relèvement des taux".
La Fed, en parlant (beaucoup) de tapering et de relèvement de taux est donc parvenue à créer un effet de resserrement monétaire |
La Fed, en parlant (beaucoup) de tapering et de relèvement de taux est donc parvenue à créer un effet de resserrement monétaire — et donc une remontée du dollar — sans toucher à ses taux. N’aurait-elle pas mieux d’effectivement remonter ses taux ? Hum, voilà matière à réflexion.
Mais revenons à notre Dollar Index. Simone avance une explication complémentaire, celle du désendettement des endettés en dollar.
Les détenteurs de dettes libellées en dollars ont commencé à s’inquiéter de la situation économique générale (cf. le pétrole qui baisse sur fond de ralentissement de la demande). Ils ont donc cherché à se désendetter, ce qui a fait grimper le dollar. Explications avec Simone :
"Tout remboursement de prêt en dollar par quelqu’un qui n’a pas de dollars augmente la demande de dollars (ce ‘quelqu’un’ doit d’abord en trouver pour pouvoir les rendre) et donc le renchérit".
▪ Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Je vais une nouvelle fois laisser la parole à Jim :
"Le problème, c’est que la politique monétaire agit avec un décalage. Pendant toute la durée du resserrement, de mai 2013 à ce jour, l’économie mondiale s’est affaiblie de plus en plus à cause des sous-entendus de resserrement. Ces derniers, qui ont eu lieu entre 2013 et 2015, poussent maintenant le monde vers une récession, ce qui empêche de procéder à un véritable resserrement. A présent que la Fed est prête à appuyer sur la détente, il est trop tard. La Fed est au pied du mur".
Conclusion ? La Fed va de nouveau pratiquer un assouplissement, encore une fois probablement par la parole et ce d’autant plus que, comme le souligne Simone :
"- Cette hausse du dollar est mauvaise pour l’inflation américaine, or c’est le Graal de Janet.
– Cette hausse du dollar est également mauvaise pour l’industrie américaine exportatrice".
Préparez-vous à un nouvel assouplissement !