La Chronique Agora

La Fed est-elle prête à affronter une récession ?

Ce texte a été rédigé avant le déclenchement de la crise du coronavirus, mais il pointe efficacement les faiblesses et l’impréparation du système actuel : à lire pour mieux comprendre les risques actuels.

Le 11 février 2020, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a prononcé un discours à l’occasion de la publication du rapport semi-annuel concernant l’état de l’économie américaine, développant les points positifs, négatifs, et les précautions que la Fed devrait prendre dans le cas où une crise économique surviendrait de nouveau à l’avenir.

Bien que Powell se soit beaucoup étendu sur les points positifs qui caractérisent l’économie américaine actuelle, il a également évoqué les risques pris par la Fed qui l’ont mis dans une situation difficile pour faire face à la prochaine récession [qui s’annonce proche, considérant la crise du coronavirus et ses conséquences].

Commentant les choix de politique monétaire réalisés l’année dernière, Powell a indiqué que la Fed s’était engagée dans une baisse des taux d’intérêt afin de soutenir l’économie américaine face à la morosité de la croissance mondiale – laquelle s’est établie à 2,4% au cours de la première moitié de l’année.

Au cours de la seconde moitié de l’année, la Fed a estimé que l’économie s’était stabilisée et a décidé de laisser les taux d’intérêt inchangés en raison des incertitudes entourant l’accord commercial avec la Chine.

Du fait de ce choix de maintenir les taux à un niveau artificiellement bas, la Fed a participé à la reprise de la hausse sur le marché boursier, qui a atteint de nouveaux plus hauts historiques, avec un S&P 500 qui s’est apprécié de 28,9% l’année dernière malgré le fait que les bénéfices n’ont progressé que de 1,7%.

Situation dangereuse

Au cours de ce discours, Powell a abordé la situation dangereuse dans laquelle la Fed s’est mise en réduisant les taux d’intérêt, affirmant :

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« Cet environnement de taux bas pourrait limiter la capacité de la banque centrale à réduire suffisamment ses taux directeurs pour soutenir l’économie dans une période de crise ».

Il a insisté sur l’importance du fait que le gouvernement fédéral mette en œuvre une politique budgétaire plus responsable afin de disposer des marges de manœuvres nécessaires pour pouvoir venir en soutien à l’économie durant une période de ralentissement.

Pour résumer les propos de Powell, les taux d’intérêt sont à des niveaux historiquement bas, mais pas suffisamment élevés pour avoir la possibilité de les réduire s’il faut sortir l’économie d’une situation de crise.

Par conséquent, la Fed aurait besoin que le gouvernement fédéral, qui est actuellement accro à la dépense publique, fasse preuve d’une plus grande rigueur budgétaire afin de pouvoir fournir un soutien supplémentaire lorsque cela sera nécessaire. [L’arrivée du Covid-19 a rendu cela impossible.]

Un surendettement record

La situation de la Fed n’est pas vraiment extraordinaire : en fait, elle est plutôt inquiétante. Comme le montre son dernier rapport trimestriel, elle est largement surendettée avec 100,74 $ de dette pour chaque dollar de trésorerie.

Parallèlement, le gouvernement fédéral a accusé un déficit de 984 milliards de dollars l’année dernière, qui devrait dépasser les 1 000 milliards de dollars cette année, tandis que la dette publique continue quant à elle de gonfler pour atteindre plus de 23 220 milliards de dollars au minimum.

La situation de la Fed est comparable à celle d’un individu qui disposerait d’à peine 500 $ sur son compte épargne, qui conduirait un vieux tacot nécessitant des réparations pour un montant bien supérieur à 500 $, et qui espère que la différence sera payée par un proche parent accro aux jeux d’argent.

Le danger réside dans le fait que les taux d’intérêt sont déjà proches de zéro […], pendant que la dette des entreprises non financières dépasse la barre des 10 000 milliards de dollars, et ressort en hausse de plus de 50% par rapport au niveau de 6 500 milliards de dollars auquel elle s’établissait à la sortie de la crise de 2009.

Plus la Fed réduit les taux, plus il faudra les augmenter dans le futur, et plus les taux sont maintenus à ces niveaux pendant une période prolongée, plus la phase de correction sera longue.

Quand les taux d’intérêt commenceront à remonter, le coût des emprunts futurs et potentiellement de la dette existante s’alourdira, entraînant une réduction du capital disponible pour les entreprises qui souhaiteraient investir dans leurs capacités de production. De plus, de nombreuses activités qui étaient profitables lorsque les taux étaient bas pourraient devenir déficitaires avec la hausse des taux d’intérêt.

Pourquoi une baisse des taux est nécessaire pour empêcher la bulle d’exploser

En raison de la hausse des taux d’intérêt, les entreprises qui auront trop emprunté ou qui seront sous-capitalisées devront réduire leurs coûts afin de survivre, ce qui entraînera des licenciements. Si une entreprise ne peut pas réaliser d’économies suffisamment importantes par le biais d’une réduction de ses effectifs, elle finira par faire faillite et fermer, mettant encore davantage d’employés au chômage.

Une contagion à l’échelle de toute l’économie débutera alors, au fur et à mesure que de plus en plus d’individus perdront leur emploi, entraînant une réduction du revenu dont ils disposent pour acheter des biens et services.

De plus, les investisseurs pessimistes commenceront à vendre leurs actions, déclenchant ainsi un marché baissier qui dans de nombreux cas décimera la valorisation de nombreuses sociétés.

La situation dans laquelle la Fed se trouve, avec des valorisations boursières gonflées artificiellement par le maintien de taux d’intérêt bas, implique qu’elle doit faire face à un risque majeur en termes de capacité à agir en tant que prêteur en dernier ressort et à assurer la stabilité économique, c’est-à-dire la mission pour laquelle elle avait été conçue.

[Par ailleurs,] les marchés […] restent sensibles aux nouvelles, ou même à des perturbations mineures.

Un seul faux pas en matière de politique monétaire de la part de la Fed, ou une seule déclaration de son président qui remettrait en question la capacité de la Fed à assurer son rôle pourrait potentiellement entraîner le marché tout entier dans une phase de correction encore plus longue.

De ce fait, on peut dire que la Fed marche en réalité sur une fine couche de glace tout en prétendant auprès du grand public qu’elle se tient sur des fondations solides.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici

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