Certains prétendent que la Fed a pris une tournure « faucon », et va durcir sa politique monétaire. Erreur : la banque centrale américaine a simplement connu un petit coup d’affolement…
Je vois des titres de dépêches qui qualifient la Fed de « hawkish », faucon !
Je vois des titres du genre : « la Fed siffle la fin de la récréation ».
Et comme s’il n’y avait pas assez de malaise sur les marchés après le résultat quelque peu surprenant de la réunion de la Fed, voilà le président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard, qui en rajoute vendredi matin avec des commentaires chargés de menace : l’inflation est plus intense que prévu !
« Attention à l’inflation », nous dit Bullard le poisson-pilote-girouette, 23 jours après avoir dit qu’elle était bénigne.
J’hallucine !
Chute générale
Pour les Bourses, ce fut un contrepied fascinant : un bain de sang pour la spéculation sur marge ou sur levier.
Le S&P 500 a chuté de 1,9%. Par secteur S&P, l’indice des matériaux a chuté de 6,3%, l’énergie de 5,2% et l’industrie de 3,8%.
L’indice NYSE Gold BUGS a chuté de 11,8 %. L’indice des services pétroliers de Philadelphie a chuté de 6,3%. Les utilities ont perdu 3,1%. Les banques ont chuté de 7,8%. Les transports s’effondrent de 4,6%.
Le S&P 400 Midcaps a perdu 4,1% et le Russell 2000, indice des small caps a perdu 4,2%.
Ceux qui pariaient sur une courbe des taux plus pentue – un pari logique dans le contexte actuel de pressions inflationnistes croissantes et d’une Fed « en retard » – ont pris un bon coup derrière les oreilles.
L’écart entre les rendements des bons du Trésor à deux ans et à 30 ans a clôturé la séance de mardi (avant la réunion) à 202 points de base. Dans une course folle pour dénouer les positions sur les « pentes de courbe », cet écart s’était contracté de 26 points de base à 176 points de base à la clôture de vendredi. Le spread 5-30 ans est passé de 140 à 113 points de base.
Les shorts en dollars ont également été scalpés. Le Dollar Index a bondi de 1,8% pour atteindre un sommet de deux mois, les analystes techniques criant « double creux ! »
La plupart des devises des marchés émergents se sont fortement redressées, la flambée des rendements obligataires sur les marchés émergents infligeant de lourdes pertes au carry trade.
Le marché des matières premières a été malmené.
Le bois d’œuvre s’est effondré de 15,2% – et est maintenant en baisse de près de 50% par rapport aux sommets du 10 mai (en hausse de seulement 3% en glissement annuel). Le « Dr Cuivre » a été amputé de 8,2%, avec le zinc en baisse de 7,3%, le nickel de 5,9% et l’étain de 5,4%. L’argent a perdu 7,6%, le platine est en baisse de 9,3%, le palladium 10,9% et l’or 6,0%.
Les produits de base alimentaires n’ont pas été épargnés. Le soja a baissé de 7,5%, le sucre de 6,3%, le maïs de 7,1% et le blé de 2,9%.
Hawkish, la Fed ?
C’est bien entendu une stupidité, la Fed n’est pas faucon, elle pilote, elle gère au plus près les perceptions et le sentiment du marché.
Je ne dis pas que c’est son intention, sa volonté ; non, je dis qu’objectivement, qu’elle en soit consciente ou non, la Fed s’adapte, elle ne conduit rien. La Fed ne pourra plus jamais être faucon. D’ici quelques semaines ou mois, elle devra à nouveau changer de discours.
La Fed a été effrayée par la vague spéculative grand public qui a submergé la Bourse. Elle s’inquiète de la surchauffe, elle s’inquiète des attaques sur le dollar, mais elle n’est absolument pas hawkish, elle a juste réintroduit une petite dose de retenue et de doute… afin de pouvoir être colombe plus longtemps.
Quand on veut réintroduire une dose de doute, le dosage est délicat… mais ne vous y trompez pas : il n’y a toujours qu’un sens en Bourse, l’achat – mais il faut le modérer.
Nous en sommes au stade où non seulement la Fed pense qu’elle doit mener une politique de communication, de transparence, gérer les anticipations, bref gérer les cycles, mais en plus, maintenant, elle prétend gérer les oscillations, gérer les humeurs du jour.
La Fed, c’est le Titanic qui prétend naviguer à vue au milieu des icebergs.
C’est le grand n’importe quoi même si, je le reconnais, c’est techniquement très bien fait.
Les chiffres – tous les chiffres – deviennent colossaux, ce qui est le signe des phases finales
Nous avons dépassé le stade de la banque centrale inflationniste, le stade de la banque centrale activiste, nous sommes dans la banque centrale omniprésente.
Sur la voie tracée en 2009, il n’y a qu’une pente descendante, la pente de l’interventionnisme. Il faut contrôler de plus en plus et dans tous les domaines. C’est exactement la voie chinoise : la Chine est le précurseur et la caricature des grands pays développés.
De proche en proche, tout devient faux, mal ajusté, fragile – et ceci oblige à des interventions de plus en plus absurdes et déséquilibrantes.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]