▪ Pauvre Janet Yellen. Nous réservons généralement notre pitié aux pauvres, aux opprimés, aux désespérés et aux égarés. Mais aujourd’hui, nous compatissons à la douleur de Janet.
Les marchés sont tendus. Les investisseurs semblent retenir leur souffle. C’est du moins ce que nous dit la presse financière. Tout le monde attend de voir ce que la Fed va faire. Il doit y avoir des milliers — voire des millions — d’adultes cultivés… accrochés aux bras de leur fauteuil, attendant ce que cette fonctionnaire d’âge mûr, assez ordinaire, va dire.
Janet Yellen fera-t-elle passer la Fed du côté des anges, fièrement, en annonçant qu’ils ont décidé de faire passer les taux directeur de la Fed dans une zone plus normale… quel qu’en soit le coût pour les compères ?
Admettra-t-elle que les taux zéro et le QE ont été de gros échecs, aidant à transférer quelque 10 000 milliards de dollars vers les riches… tout en rendant M. et Mme Tout-le-Monde plus pauvres ?
Demandera-t-elle pardon pour ces décisions politiques erronées, pendant si longtemps, et jurera-t-elle publiquement de ne plus jamais entraver la marche des marchés ?
Non.
Mme Yellen conseillera donc un retour prudent à la normale |
Ce qu’elle dira, c’est que les perspectives sont favorables — dans l’ensemble, un ciel dégagé et du beau temps sont à prévoir. Mais des nuages se forment à l’est qui pourraient apporter une météo agitée. Mme Yellen conseillera donc un retour prudent à la normale. Peut-être se sentira-t-elle pleine de confiance et autorisera une petite augmentation de taux… ou peut-être que ce sera la crainte qui l’emportera, et elle décidera de temporiser. Nous l’ignorons.
Nous pensons toutefois qu’il y a bien peu de chances qu’elle applique un plan de retour au bon sens.
▪ Plus puissante que Cléopâtre
Une fois qu’on commence à manipuler les marchés, l’habitude est difficile à perdre. D’abord, les investisseurs viennent à s’y habituer. Ensuite, les entreprises en deviennent dépendantes. Enfin, on ne peut pas s’arrêter… même si on le voulait. Après six années de politiques d’urgence, nous sommes désormais dans une urgence permanente. Certes, c’est une urgence factice. Les marchés sont censés baisser aussi bien que grimper. Ils sont censés corriger leurs erreurs. Ils sont censés détruire le capital pour laisser place à la création de capital. Ce n’a jamais été une vraie urgence ; simplement le capitalisme à l’oeuvre.
Janet, elle, a l’économie mondiale tout entière entre les mains |
Mais la pauvre Janet Yellen ne doit pas savoir quoi penser. D’un côté, on chante ses louanges comme étant la femme la plus puissante de l’histoire. Hélène de Troie n’était rien à côté. Cléopâtre n’était que l’objet du contentieux entre Jules César et Marc Antoine. Marie Curie ? Personne ne sait ce qu’elle a fait… si elle a fait quelque chose. Mais Janet, elle, a l’économie mondiale tout entière entre les mains. Elle peut la mettre sous pression. Elle peut s’en servir comme ballon de basket. Elle peut faire ce qu’elle veut.
D’un autre côté, il y a les nuits sombres… où elle doit réaliser qu’elle a perdu pied. Elle est censée faire ce qu’aucun mortel ne peut faire. Elle est chargée de décider — du moins dans la limite de ses capacité — du prix le plus important d’une économie de marché. Elle doit bien s’être dit à un moment ou à un autre qu’elle ne devrait pas décider du tout. Seuls les dieux savent à quel prix l’épargne devrait être louée. Que se passe-t-il ? A-t-elle été désignée pour prendre tous les torts de Greenspan et Bernanke ?
Mais attendez… il n’y a même pas d’épargne. C’est la pseudo-épargne de la Fed… de "l’argent" créé à partir de rien. Tout de même, la présidente de la banque centrale peut décider à quel prix louer son propre capital, non ?
Oh là là… Quelles pensées doivent occuper le cerveau de Janet à 4h du matin !